Pour le cerner, il faut suivre ses traces de Gueyo, en passant par Lakota, Fresco, le lycée moderne de Gagnoa, l’Université Félix Houphouët Boigny (UFHB) d’Abidjan, Toumodi premier poste d’enseignement ou par la Centrale Plateforme nationale des organisations professionnelles du secteur public (Pfn). L’homme a autant de cordes à son arc que d’expérience dans la lutte syndicale. Qui est Théodore Gnagna Zadi, le candidat qui brigue la présidence de la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat de Côte d’Ivoire?
Théodore Gnagna Zadi est né en 1969. Son père était agent des Travaux publics TP, un self-made-man et l’un des premiers fonctionnaires de Gueyo. Sa mère était fille de planteur. Une femme rigoureuse, engagée et intransigeante. Issu d’une famille de 18 enfants dont 9 filles, Zadi Gnagna a été scolarisé très jeune. «J’étais un élève moyen, très réservé, mais consciencieux. La conscience est née du fait qu’au Cm2, j’ai échoué la première année. Mon père a donc décidé de m’éloigner de lui. Il m’a fait partir chez mon oncle Gréwa Augustin, instituteur dans le village de Logbogrou dans la sous-préfecture de Niabezaria. cela m’a fouetté. J’ai repris le Cm2. Là-bas, j’étais major et j’ai été affecté au collège moderne de Fresco. Il fallait louer une chambre, tout faire soi-même. Cette expérience m’a forgé et j’ai pris la pleine mesure de ce qui était caché en moi, de cette personnalité qui se bat», confie l’homme, dans son bureau de Cocody II-Plateaux, le visage radieux.
A l’université, il milite au sein de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), sans toutefois être au premier plan. Le déclic pour le syndicalisme intervient en 1992, à Toumodi où il est affecté en qualité de professeur de langue Française, après être passé par l’UFHB à la faculté des lettres modernes. «Alors que nous aspirions à un salaire complet, nous avons été frappés par le raccrochage. Cette injustice a réveillé en moi, l’âme d’un combattant», souligne-t-il. Au plan syndical, militant du Syndicat des enseignants du secondaire de Côte d’Ivoire (Synesci), syndicat unique de l’Enseignement secondaire à l’époque, il devient en 1999, membre de l’Union démocratique des enseignants du second degré de Côte d’Ivoire (Udensci) créée par le doyen Alfred Guemené qui est son maître syndical.
Secrétaire général adjoint (Sga 1) de l’Udensci, elle-même membre du collectif des syndicats du secteur éducation formation, il a contribué à la lutte pour le décrochage, en 2000 et à la mise en place du profil de carrière des enseignants. Zadi Gnagna devient secrétaire général de l’Udensci en 2007. Mais ayant compris très tôt, que c’est avec les grands groupes que les grandes victoires se remportent, il a mis en place avec plusieurs autres syndicats de la Fonction publique, la Centrale Plateforme nationale en 2015. Il en est le premier président. Il a travaillé à l’implantation de la Centrale, à la consolidation, faisant d’elle, l’une des six centrales syndicales importantes et actives en Côte d’Ivoire. Il a aussi positionné la Pfn à l’International. En 2017, toujours à la tête de la Pfn, il a engagé et gagné la lutte historique. Grâce à lui, les veuves et les orphelins, ont vu leur situation s’améliorer et les retraités leurs pensions revalorisées. Plus de 41.000 fonctionnaires ont eu 100 à 150 points de plus sur leur indice. Plus de 1.800 agents journaliers, sont intégrés à la Fonction publique. Le stock des arrières dû à la revalorisation salariale de 2009, est payé et c’est autour de 35 milliards Fcfa par an.
Si aujourd’hui les syndicats peuvent faire leurs précomptes, depuis la solde, c’est grâce à sa lutte. Au plan de la mutualité, l’homme est resté membre de l’Assemblée générale de la Mugef-ci, de 2002- à 2011. Attaché au social et se préoccupant de la prise en charge des travailleurs, il contribue à la création de la mutuelle des personnels du ministère de l’éducation nationale. Il en est resté membre du Conseil d’administration de 2014 à 2019.
En 2019, il crée la Mutuelle autonome des enseignants de Côte d’Ivoire, une mutuelle ouverte à toute la population ivoirienne. Il en est le Pca. L’homme est aujourd’hui, inspecteur principal de lettres modernes grade A5. Mais tout n’est pas rose pour lui dans son parcours syndical. Des regrets liés au relationnel, il en a. « Je regrette la méchanceté gratuite de certains camarades contre moi. Des gens que j’ai embrassé, accepté, se transforment parfois en des personnes très méchantes, font parfois des campagnes de dénigrement contre moi. Des gens qui m’étaient proches ont distillé des venins, que j’ai eu des milliards sachant pertinemment que c’est faux». Mais comme un sphinx, Zadi Gnagna réussit à se régénérer grâce à la force du groupe. «C’est la Centrale Plateforme qui me permet de tenir. Et qui fait que chaque fois que nous tombons, nous nous relevons ensemble. De plus, je me régénère, parce qu’il y a une force spirituelle qui me permet chaque fois d’avancer».
Zadi Gnagna un homme de partage, loyal et resté digne face à l’argent, malgré les occasions de s’enrichir au détriment de l’intérêt commun. «Notre père nous a éduqué avec des valeurs. Nous on ne connait pas le vol, on ne connait pas la corruption. Je ne peux pas trahir des camarades».
Issue d’une famille de croyants, Gnagna Zadi est baptisé, marié à une capitaine de la douane, qu’il a rencontré en 1990. Il est fervent chrétien évangélique, va au culte tous les dimanches. Père de 2 enfants, un garçon et une fille, il se donne le temps pour eux. «Ils ont pris un peu de moi », relève l’homme. Zadi Gnagna se définit comme un homme d’action, de conviction, de principes accroché à ses valeurs, tant spirituelles que morales. Il aime écouter du zouglou et pratique la marche. «Je suis cet homme qui ne lésine pas avec les valeurs morales, les principes de loyauté, de solidarité. Cela fait que je suis difficile, plus ou moins, à me faire un ami, mais quand je me fais un ami, c’est vraiment parti pour la vie», avoue l’enseignant. Sa perspective immédiate est de prendre la tête de la Mugef-ci, afin de donner espoir aux fonctionnaires. Car pour l’homme si la Mugef-ci «était bien gérée, il n’aurait pas été candidat».
Fulbert YAO (herrwall2007@yahoo.fr)