En visite de soutien aux populations impactées par les opérations de déguerpissements dans la ville d’Abidjan, notamment à Adjamé village, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a promis reconstruire ce village dès son élection au soir d’octobre 2025.
Même si cette annonce a été très applaudie. Il faut cependant avouer qu’une fois encore, l’ancien président Laurent Gbagbo a joué sur les émotions des populations d’Adjamé village.
Rien ne garantit qu’il tiendra cette promesse comme plusieurs autres d’ailleurs qu’il n’a jamais tenue. Il s’évertue à critiquer les actions des autorités (démolitions), mais ne propose pas d’autre manière « d’arranger une ville » ou de faire face aux problèmes urbains d’Abidjan. Gbagbo a vendu du vent, car la critique est facile, mais l’absence d’une vision claire pour Adjamé laisse son discours sans substance.
Il faut comprendre qu’Adjamé-Village n’a pas été détruit ni rayé de la carte. La zone d’Adjamé-Village qui a été détruite fait partie du prolongement du 4 ème pont qui est compris dans l’accord signé entre le gouvernement ivoirien, la chefferie du village et les populations elles-mêmes
Pour reconstruire les habitations démolies, il faudra que Gbagbo fasse raser toute la route qui sera construit et profite à tous les ivoiriens. On aimerait donc comprendre: comment compte t-il s’y prendre pour ne pas aussi frustrer les autres ?
Ci-dessous son discours intégral
(…) Je veux saluer le peuple d’Adjamé. Chez nous, la parenté, en tout cas chez moi, se définit comme des gens qui pleurent ensemble et qui rient ensemble. Aujourd’hui, ce n’est pas le moment de rire, c’est le moment de pleurer. Parce qu’Adjamé, notre Adjamé, a été cassé, a été démoli.
J’ai écouté des explications, j’ai écouté longtemps des explications, mais je ne suis pas convaincu que c’était ce qu’il fallait faire. Et je pleure avec les habitants d’Adjamé qui ont vu leur maison détruite.
Je leur dis que je suis avec eux. Je l’ai déjà dit. J’ai envoyé le secrétaire général le dire. J’ai envoyé la responsable du district d’Abidjan dans le parti le dire. Mais moi-même, il fallait que je vienne, que je m’assoie devant la responsable d’Adjamé. Il fallait que je m’assoie à côté de Djedji Amondji Pierre, mon ami d’Adjamé, qui a été député ici et qui a été maire ici.
Il fallait que je m’assoie à côté d’eux pour leur dire que je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas comme ça qu’on arrange une ville. On n’arrange pas une ville en mettant les habitants dehors. Quand je suis sorti de prison, et que j’étais en Belgique, j’ai vu à Port-Bouët des femmes qui allaient dormir sur les tombes au cimetière. J’ai dit : qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
J’ai cru que c’était quelque chose de passager. Or, ce n’était pas passager, c’était permanent. On a cassé, ensuite, Gesco, on a cassé Mossikro, Locodjro et aujourd’hui, c’est un des piliers de la ville d’Abidjan, Adjamé.
Je ne suis pas d’accord. Je l’ai dit tout à l’heure, et je le répète : je ne voudrais pas qu’un jour, un fou devienne maire de Gagnoa et qu’il aille casser tous les quartiers pour faire des places de la Nation, des places de la République. Enfin, où va-t-on ? On va où ?
Monsieur le chef, c’est ça que je suis venu vous dire : je ne suis pas d’accord. Mais on rentre dans une période électorale. J’ai dit que, quand je serai élu, ce village sera reconstruit. Je souhaite que tous ceux qui sont ici, ou bien que tous ceux qui regardent la télévision, ou bien que tous ceux qui écoutent la radio m’entendent bien. Et quand je serai élu, si je ne le fais pas, qu’ils viennent me demander des comptes.
Ce n’est pas bon, ce n’est pas juste, de casser les maisons que les gens ont passé leur vie à construire, et surtout, surtout, un village pilier de la ville d’Abidjan.
C’est à Adjamé que nous tous, on venait prendre les Gbakas pour aller à Bingerville, c’est à Adjamé. Anono même était encore en brousse. On venait à Adjamé.
Moi, je suis à Abidjan depuis 1962. Il y a beaucoup de gens qui n’étaient pas encore nés ici. Abidjan comptait trois quartiers : Adjamé, où il y avait les Ébrié d’Adjamé ; le Plateau, où il y avait les Blancs ; et Treichville, avec le quartier Anoumabo, qui était au Plateau avant, mais qu’en 1930, les Blancs ont déplacé pour les mettre derrière la lagune. C’étaient les trois quartiers que nous connaissions.
Nous sommes les Abidjanais. Nous étions là quand on a construit Koumassi. Quand on a construit Yopougon, nous étions déjà ici. On était à l’école. Donc, Adjamé fait partie des matrices d’Abidjan.
Monsieur le chef, et chers amis chérubins, je suis venu vous apporter mon soutien dans les larmes que vous versez. Je suis venu vous apporter mon soutien et vous promettre qu’aujourd’hui, je ne peux rien. Mais demain, si vous me mettez au pouvoir, je pourrai tout.
La capitale doit se déplacer et aller à Yamoussoukro. C’est comme ça qu’on va dire aux gens de Yamoussoukro : si nous arrivons là-bas, nous allons casser vos maisons ? C’est ça le message qu’on veut leur transmettre ? Ce n’est pas un bon message. Même dans nos villes de l’intérieur, les Blancs ont construit les cités sans mettre les habitants dehors.
Garahio, qui était à la place de l’hôpital, s’est scindé en deux. Une partie est partie derrière le Géry, et une partie est partie à Afridoukou. On n’a jamais entendu dire qu’on a cassé leurs maisons et qu’ils ont dormi dehors. Babri est resté là, etc.
Les villages des Kpakolo n’ont pas été touchés, les villages de Gébié non plus, et les villages Badi également.
Je voudrais donc dire aujourd’hui, de façon forte et solennelle, que je ne suis pas d’accord avec cette manière de casser les logements des habitants sous prétexte qu’on veut embellir la cité. Non. On n’embellit pas ce qui est détruit. Ce qui est détruit est détruit. Ce qui est détruit est mort. Quand on veut embellir, on arrange ce qui vit. C’est ça. Si on aime tellement le peuple d’Adjamé, qu’on vienne arranger.
(…) J’ai trouvé une dette de 6 000 milliards. J’ai trouvé que c’était trop. 6 000 milliards. Mais aujourd’hui… oulala !
Et il y a des gens qui me disent : oui, mais les États-Unis sont très endettés. Je dis : ah bon ? Tu veux comparer la Côte d’Ivoire aux États-Unis ? Eh bien, je te souhaite bonne chance.
Parce que comparer la Côte d’Ivoire aux États-Unis, c’est comme comparer le magouillard à l’éléphant. Si les États-Unis doivent à une banque ou à un État, ou à plusieurs banques et à plusieurs États, qui va venir leur tordre le cou ou le bras pour leur dire : donne-nous notre argent ? Qui ? Personne.
Dans le monde, personne ne peut aller tordre le cou aux États-Unis pour exiger leur argent. Mais nous, tout le monde peut tomber sur nous. Et il n’y a rien. Ils sont assis sur nous et ils peuvent fumer un cigare »