L’intervention de Tidjane Thiam à Paris, devant une poignée de militants déjà conquis, illustre la dérive du discours politique vers la performance mystique.
En invoquant le récit de la Création pour promettre la « libération » de la Côte d’Ivoire en sept jours, il semble vouloir ajouter un chapitre inédit aux Écritures. Le ton est solennel, le propos messianique, mais la référence biblique chancelle.
Quand la théologie devient marketing politique
Selon la Genèse, Dieu créa le monde en six jours. Le Coran le confirme, tout comme les textes juifs. Mais chez Tidjane Thiam, la semaine divine se transforme en slogan politique. Un raccourci pratique pour galvaniser une poignée de partisans perdus dans le brouillard parisien.
C’est l’art du symbole mal maîtrisé : travestir le sacré pour masquer une stratégie de communication.
La foi devient récit publicitaire, et le divin, un simple argument de campagne.
Le miracle de la parole sans territoire
Le paradoxe est saisissant : proclamer la délivrance d’un peuple depuis l’étranger, comme si la géographie n’était plus un paramètre de la légitimité. La bravoure s’exprime ici à distance, télécommandée depuis son exil confortable.
Le registre de la foi « N’ayez pas peur » tente de combler le vide de l’action. Loin du terrain, le héros autoproclamé s’invente des épreuves qu’il n’a jamais traversées. La Côte d’Ivoire devient ainsi un théâtre imaginaire où il joue le rôle de libérateur sans péril.
De la Genèse à la gesticulation symbolique
La référence aux sept jours divins, censée donner une portée cosmique à son projet, tient plus de la mise en scène que de la révélation. Là où Dieu créa l’univers du néant, Thiam tente de créer le tumulte depuis le confort, transformant la politique en prétexte messianique pour s’inventer un destin de libérateur .
L’héroïsme par procuration
En se présentant comme le chef d’un « combat », Thiam mobilise les codes de la résistance sans en assumer les risques. Le lexique guerrier « unis dans ce combat », « libérer », devient le substitut verbal d’une action impossible.
Cet héroïsme d’évocation est d’autant plus ironique qu’il émane d’un homme dont la prudence politique fut jadis son signe distinctif. Autrement dit, l’exilé fait profession de courage à crédit, compensant l’absence de front par l’abondance de slogans.
Le prophète sans désert : la foi hors du réel
La satire atteint son comble lorsqu’on observe le contraste entre le ton mystique du discours et la modestie du public. Quelques dizaines d’auditeurs parisiens suffisent pour rejouer le mythe de la délivrance nationale. Tidjane Thiam s’érige en Moïse de la diaspora, mais sans peuple à guider ni désert à traverser.
Son exégèse du courage ressemble à une liturgie de podium, où la conviction tient lieu de contact avec le réel.
La bravoure à l’épreuve de la réalité
Ce meeting parisien relève moins d’un engagement politique que d’un sermon de substitution. En détournant les Écritures, Tidjane Thiam cherche à façonner une Côte d’Ivoire mythifiée où il s’imagine à la fois libérateur et messie de l’insurrection .
Pourtant, la politique, à la différence de la théologie, ne se juge ni aux jours ni aux prières, mais à la présence sur le terrain. Or lui rêve encore de libérer un pays vu depuis les nuages.
Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur