Le 12 juin 2025, Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire, a adressé une lettre ouverte au peuple ivoirien pour appeler à la constitution d’un mouvement dénommé « Trop c’est Trop ! ». Une plateforme supposément citoyenne, mais dont le ton, les arguments et les sous-entendus trahissent un retour masqué au militantisme partisan et à la stratégie de tension. Derrière la rhétorique du peuple, se dessine en réalité une tentative d’instrumentalisation des souffrances sociales, pour masquer une incapacité chronique à proposer un projet politique viable.Non, la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui n’est pas ce pays à genoux que décrit Laurent Gbagbo. Il faut avoir la mémoire courte — ou une mauvaise foi tenace — pour ne pas voir la transformation du pays depuis 2011 : plus de 18 000 km de routes réhabilitées ou construites, l’extension du réseau électrique à plus de 80 % du territoire, la mise en place de la CMU, la multiplication des établissements scolaires et universitaires, l’amélioration constante du taux de scolarisation des jeunes filles, et la stabilité du cadre macroéconomique malgré des chocs exogènes (COVID-19, guerre en Ukraine, instabilité régionale).Comment peut-on, dans le même souffle, prétendre parler au nom du peuple tout en niant les efforts colossaux entrepris pour améliorer son quotidien ? À travers l’émergence des villes secondaires, les investissements dans l’agriculture, les programmes d’emplois jeunes, les subventions à la consommation, le soutien aux PME, et les politiques publiques d’industrialisation (PIA, agro-parcs…), le RHDP ne promet pas : il agit.Le paradoxe est flagrant. M. Gbagbo dit vouloir « libérer la parole » dans un pays où les médias foisonnent, où les syndicats s’expriment librement, où les marches autorisées se déroulent sans entrave, où l’opposition siège à l’Assemblée nationale et prend part aux débats démocratiques. Quelle liberté cherche-t-il à instaurer, que la Constitution ivoirienne ne garantit pas déjà ? À force de dénoncer un régime imaginaire, il finit par parler d’un pays qui n’existe que dans sa colère.Derrière le slogan « Trop c’est Trop ! », se cache un fond de discours typiquement populiste : on généralise les problèmes, on dramatise les faits, on oppose un peuple vertueux à un pouvoir opaque… sans jamais proposer de solutions réalistes. Cette posture, dangereuse en période électorale, est aussi une insulte à la maturité politique d’un peuple qui a trop souffert pour se laisser de nouveau entraîner dans une aventure insurrectionnelle.
Sécurité, diplomatie, cohésion nationale : des acquis majeurs ignorés
Que dire également de l’action diplomatique et sécuritaire de la Côte d’Ivoire sous le leadership du Président Alassane Ouattara ? Alors que le Sahel s’embrase et que certains pays voisins basculent dans des transitions militaires incertaines, la Côte d’Ivoire demeure un îlot de stabilité politique, de paix et de dialogue. Nos forces de défense et de sécurité, mieux formées et mieux équipées, assurent la sécurité intérieure tout en participant activement aux opérations de paix de l’ONU.Sur le plan diplomatique, la voix de la Côte d’Ivoire compte désormais sur les grandes scènes africaines et internationales. La présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, l’accueil de la COP15, la CAN 2023, les multiples sommets économiques et les investissements structurants sont autant de marqueurs d’un pays qui pèse, qui rayonne, qui attire.Ce qui frappe, c’est l’absence totale de vision alternative dans le texte de Laurent Gbagbo. Il ne propose ni réforme structurelle, ni réponse aux enjeux environnementaux, ni programme pour l’éducation, ni orientation économique. Rien sur le numérique, rien sur les industries culturelles, rien sur l’intelligence artificielle ou l’économie verte. Face aux défis du monde de demain, ce silence est inquiétant. En 2025, on n’avance pas avec des slogans : on avance avec un projet, des compétences, et une vision claire.
Une éthique sélective et une mémoire courte
M. Gbagbo évoque l’injustice, l’exclusion, la pauvreté, comme s’il n’avait jamais gouverné. Pourtant, qui a provoqué la plus grave crise de notre histoire récente en refusant le verdict des urnes en 2010 ? Qui a contribué à la fermeture de centaines d’entreprises, au gel des salaires des fonctionnaires, à l’isolement diplomatique du pays entre 2000 et 2010 ? L’amnésie ne saurait être une stratégie.Le peuple ivoirien n’a pas besoin qu’on vienne rallumer les braises de la division. Il aspire à la stabilité, au travail, à la paix. Il veut voir ses enfants éduqués, ses villages électrifiés, ses produits agricoles valorisés, ses entreprises protégées. Le RHDP, sous la conduite du Président Alassane Ouattara, porte cette vision d’une Côte d’Ivoire moderne, résiliente et solidaire.Oui, trop c’est trop… de contradictions, de récupération, de politique spectacle.Ce dont nous avons besoin, c’est de responsabilité, de vérité et d’espérance.Très bien. Voici un paragraphe à insérer dans la tribune, centré sur la faible implantation du PPA-CI sur le territoire national, et le discours non conciliant de Laurent Gbagbo à son retour, notamment son refus affiché de jouer un rôle dans la réconciliation :
Un leader qui divise plus qu’il ne rassemble
Peut-on prétendre incarner une alternative crédible lorsqu’on est incapable de mailler le territoire national de manière significative ? En plus de trois années d’existence, le PPA-CI peine à s’implanter solidement hors de ses fiefs traditionnels. Il reste cantonné à quelques bastions urbains, sans réel ancrage dans les régions du nord, du centre et de l’ouest profond. Ce déficit d’implantation témoigne d’un rejet silencieux, mais ferme, d’une large frange de la population, qui voit en ce parti le symbole d’un passé conflictuel et d’une vision politique figée dans le ressentiment.À cela s’ajoute l’attitude clivante de Laurent Gbagbo lui-même. Dès son retour en Côte d’Ivoire, en juin 2021, il affirmait sans détour : « Je ne suis pas revenu pour réconcilier les gens », comme pour couper court à toute attente de leadership rassembleur. Un propos glaçant, quand on sait combien le tissu social ivoirien reste fragile après tant de blessures collectives. Comment alors se poser en chantre du « peuple » tout en refusant d’en rassembler les morceaux ?
Le refus de porter une parole de paix traduit un choix délibéré : celui d’un combat politique qui prospère sur la division, l’opposition frontale et la victimisation, loin des exigences d’une république moderne, inclusive et apaisée.Alexis OuattaraObservateur de la scène politique ivoirienne