L’un des grands absents de la présidentielle du 25 octobre 2025 sera Laurent Gbagbo. Cette élection, qui devait être son dernier combat, se fera malheureusement sans lui. Une sortie de scène imposée, conséquence directe de son propre passé judiciaire. Dans sa vie politique, l’ancien président ivoirien a pourtant suscité un immense espoir dès 1990, année qui marquait l’ouverture du pays au multipartisme. À travers Laurent Gbagbo, des Ivoiriens espéraient un véritable changement de régime, la fin du parti unique et l’avènement d’une démocratie pluraliste. Ils aspiraient aussi à des réformes économiques profondes et à une redistribution plus équitable des richesses. Gbagbo, professeur d’histoire au verbe haut, incarnait alors cet idéal. Mais peu à peu, le masque est tombé. Les Ivoiriens ont découvert un autre visage : celui d’un homme politique aux discours populistes, prompt à enflammer les foules par des promesses sans lendemain, mais souvent incapable de transformer ses slogans en politiques concrètes. Son accession au pouvoir en 2000, dans un contexte de crise, a davantage révélé ses limites. Les années de gouvernance furent marquées par la division, une crise militaro-politique sans précédent et l’affaiblissement progressif de l’État. Entraînant avec lui des milliers d’Ivoiriens dans une dérive aux conséquences dramatiques, Laurent Gbagbo a fini par incarner non plus l’espérance, mais le désenchantement d’un peuple qui avait tant cru en lui. Son refus de céder le fauteuil présidentiel après des élections perdues en 2010 aura été la goutte d’eau qui fit déborder le vase, plongeant le pays dans une guerre post-électorale sanglante. Aujourd’hui, à près de 80 ans, il vit ses derniers jours politiques. Le combat de 2025, qu’il rêvait comme son ultime baroud d’honneur, il ne le mènera pas dans les urnes, mais dans le silence imposé par l’histoire et par la loi. Dans la décision du Conseil constitutionnel rendue le lundi 8 septembre par sa présidente, Chantal Camara, l’ex-chef de l’État a été radié de la liste électorale en raison de sa condamnation dans l’affaire du braquage de l’agence nationale de la BCEAO en 2011. Bien qu’acquitté définitivement par la Cour pénale internationale (CPI) en 2022 et bénéficiaire d’une loi d’amnistie, les juges ont estimé que les conditions légales de son inscription sur la liste électorale, ainsi que celles relatives aux parrainages citoyens, n’étaient pas réunies. En conséquence, son dossier a été invalidé. Ainsi, celui qui fut un temps l’icône de l’opposition démocratique, celui que ses partisans surnommaient affectueusement « le boulanger » pour sa capacité à rouler ses adversaires politiques dans la farine, sort par la petite porte. Une fin en demi-teinte pour un homme qui aura marqué, à la fois par son charisme et ses excès, l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. L’avenir immédiat de Laurent Gbagbo reste désormais suspendu à ses choix. S’il est sage et malin, il pourrait encore poser des actes symboliques qui contribueraient à redorer un tant soit peu son blason. Mais s’il persiste dans la logique de confrontation et tente d’alimenter des troubles à l’orée des échéances du 25 octobre, il risque d’être doublement rejeté : par les institutions et par le peuple qui, lassé des crises à répétition, aspire désormais à la paix et à la stabilité.
Fulbert Yao







































































