« Si les solutions apportées par les tribunaux coutumiers et acceptées par les parties en conflit permettent de désengorger les tribunaux, cela ne doit jamais avoir pour effet de priver une partie de son droit au juge qui est un droit fondamental» Telle est la quintessence du message livré par Sansan Kambilé, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’homme, à l’issue de la rencontre à huis-clos qu’il a eu avec les têtes couronnées, vendredi, à Yamoussoukro, à la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. « Nous sommes là pour vous aider à la compréhension et à la mise en place de votre nouvelle Institution. Nous sommes là pour collaborer avec vous. Je suis responsable d’un département qui travaille avec des normes, c’est-à-dire nous appliquons des lois alors que vous, appliquez des us et des coutumes traditionnels donc c’est deux secteurs différents.
Autant nous, nos règles sont égales, par ailleurs et s’applique à tout le monde, vous, vos us et coutumes sont localisées… d’où la complexité de votre mission», a situé le patron de la justice ivoirienne. Pour regler ce dilemme, l’Etat, a-t-il fait savoir, a fait de la réorganisation de ses rapports avec la chefferie traditionnelle une priorité. « Le rôle que nous pouvons avoir auprès de vous, c’est un rôle de conseil et d’aide. Dans l’application de la loi, on est en rapport avec des hommes qui ont des pratiques, des coutumes pour que ces populations acceptent mieux la loi qui s’imposent à elles. Il y a des rapports qui doivent s’instaurer qui doivent être emprunts de convivialité de fraternité. », a préconisé Sansan Kambilé. Il a rappelé que l’article 175 la Constitution du 8 novembre 2016 dispose que la CNRCT est chargée de la valorisation des us et coutumes de la promotion, des idéaux de paix et de développement et de cohésion sociale de règlement non juridictionnel des conflits dans les villages entre les communautés. « La constitution confirme aux rois et chefs traditionnels leur rôle de gardien de la tradition. En cette qualité, la CNCRT doit veiller scrupuleusement au respect de la coutume en faisant observer ces prescriptions et en œuvrant à la restauration et à la sauvegarde et à la valorisation du riche patrimoine hérité de nos ancêtres. », a-t-il insisté.
Il a aussi rappelé qu’au terme de l’article 175 de la Constitution, la CNRCT est chargée du règlement non juridictionnel des conflits dans les villages et entre les communautés. « La même Constitution, prévoit en son article 143, que la justice est rendue sur toute l’étendue du territoire national au nom du peuple ivoirien par la Cour suprême, la Cour des comptes, les Cours d’appel, les tribunaux de première instance, les tribunaux administratifs et les Chambres régionales des comptes. Il ressort de la lecture combinée de ces deux dispositions que les attributions en matière judiciaire sont exclusivement aux organes énumérés à l’article 143 à l’exclusion de la CNRCT. Il n’en demeure pas moins que les relations constructives de collaboration peuvent et doivent exister entre la chefferie traditionnelle et les juridictions. Le règlement non juridictionnel des conflits, la chefferie traditionnelle a de tout temps disposer de pouvoir en matière de tribunal coutumier pour le règlement des litiges entre les personnes.
C’est un exemple patent de la survivance des structures traditionnelles. Ainsi en matière de litige foncier, les partis ont tendance à ne saisir les tribunaux que lorsque les tribunaux coutumiers n’ont pas réussi à régler le litige ou l’ont régler de manière insatisfaisante pour l’une des parties. », a fait observer Sansan Kambilé. Nanan Désiré Tanoé, président du directoire de la Cnrct a salué cette initiative du ministère de la Justice, car, pour lui, la question qui parait pertinente est celle de savoir comment, dans ce cadre non juridictionnel, la Cnrct doit-elle pouvoir contribuer avec plus d’efficacité à la cohésion sociale et à la paix, au niveau national, sans contredire ou gêner par endroit, les dispositif judiciaire national, étant entendu qu’il s’agit de avant tour de renforcer l’Etat et non de l’affaiblir.
Traoré Yacouba Diarra