Le ministère des Ressources animales et halieutiques veut renforcer la filière de production locale de volaille par le truchement du Projet d’appui au développement de l’élevage en Côte d’Ivoire (PADE-CI). Dans cet entretien accordé à L’Expression, Dr Traoré Moussa, le coordonateur dudit projet nous livre des détails.
De façon générale, comment se porte la filière élevage en Côte d’Ivoire ?
La filière élevage en Côte d’Ivoire se porte bien. Elle est en pleine expansion. Et depuis près d’une décennie, cela se constate dans plusieurs compartiments, que ce soit sur terre ou dans l’eau. Depuis 2011, l’élevage est en train de se développer. Par conséquent, nous sommes en train de nous rapprocher de nos objectifs. De façon globale, il s’agit de diminuer les importations de protéine animale et d’origine animale à l’horizon 2020. A cet effet, il y a un grand programme qui a été élaboré et qui vient d’être validé en Conseil des ministres. Ce programme qui va s’exécuter sur 4 ans se dénomme « Plan stratégique de relance de l’élevage et de l’aquaculture en Côte d’Ivoire ». C’est un document stratégique qui définie les politiques. C’est une émanation du Programme national d’investissement agricole de deuxième génération (PNIA 2). S’il est exécuté, nous pensons qu’il pourra nous permettre de faire un bond qualitatif et quantitatif. D’ici 2022, nous avons l’intention de produire 60% de denrées animales et d’origine animale et créer de nombreux emplois.
Parmi ces protéines animales, les populations se plaignent de plus en plus du coût de la pintade. Selon-vous, pourquoi cette volaille tant prisée coûte cher ?
La Pintade coûte cher actuellement parce que la demande est forte. Alors que la production nationale est faible. Nous avons jusque-là été approvisionnés par les marchés extérieurs, notamment celui du Burkina. Mais ce marché a des difficultés au niveau de son cheptel. Le Mali nous fournit cela mais la population de pintade n’est pas aussi importante comme au Burkina. Notre objectif est d’augmenter la production nationale de pintade. Et nous pensons qu’avec l’amélioration de ce niveau de production, l’offre sera importante et les prix vont baisser. D’ailleurs, il y a un projet en vue. Ce projet va concerner la partie nord du pays. La phase pilote va consister pour le PADECI à installer 200 jeunes éleveurs de pintade. Et chacun avec un noyau de 200 pintadeaux de chair sous forme de prêt. Ce projet a été initié par le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani qui a été plusieurs fois interpelé sur le coût élevé de la pintade. Les bénéficiaires seront accompagnés au niveau de l’alimentation et du soin vétérinaire. Ces pintades qui seront prêtes pour la consommation auront un poids de 1,5 kg. Tenez-vous, bien la pintade traditionnelle n’a pas 1,2 kg au bout d’un an de vie. Il y a des conditions à remplir. Il faut avoir entre 18 et 50 ans, être résident. A 3 mois et demi, le coût de revient de ces pintades est à 2.130 F Cfa. L’éleveur peut le vendre à 4000 F Cfa. Sur le marché, une pintade coûte en moyenne 5000 F Cfa. Par le passé, on pouvait s’offrir une pintade à 3 000 F Cfa. A Abidjan, la pintade coûte 6 000 F Cfa. Nous allons les appuyer pendant les 3 mois et demi de d’élevage. A moyen terme, nous voulons que cette zone serve le Sud en pintade. Lors de la première vague de production, nous allons leur laisser la latitude après les premières ventes de faire des croisements avec celles qui sont dans les campements. Certains pratiquent l’élevage de la pintade de chair à Abidjan. Il y a un boom ces temps-ci. C’est une pratique récente. Les pintades traditionnelles quant à elles sont élevées dans la partie nord.
De nombreux ménages n’apprécient pas vraiment le goût de la volaille de chair. Ne craignez-vous pas que celui des pintades de chair soit déprécié une fois en quantité sur le marché ?
Non je ne pense pas. Sachez que de façon physiologique, la pintade n’est pas un animal à proprement domestiqué. C’est du gibier. Dans les villages, les populations mangent des pintades sauvages sans s’en rendre compte. L’état domestique et l’état sauvage ne sont pas bien définis. Nous voulons profiter de cette marge, pour trouver quelque chose de très intéressant aussi bien au niveau du poids qu’au niveau de la qualité de la viande. Le goût de la pintade de chair et celui de la pintade domestique locale ne sont pas tellement différents. Si vous n’êtes pas un sachant, vous ne pouvez pas les différencier. Les deux qualités ont encore le goût du gibier.
Le poulet traditionnel constitue encore 70% du cheptel de volaille
Des consommateurs sceptiques prétendent qu’on injecte des produits aux poulets de chair pour qu’il gagne en volume. Pour vous qui êtes vétérinaire, est-ce à dire que les pintades de chair vont subir les mêmes traitements ?
Il n’y a pas de produits chimiques qu’on injecte aux volailles de chair. C’est vrai que dans les années 80 en Europe, les gens ont utilisé les anabolisants pour essayer de les faire gagner en poids. Mais cette pratique s’est vite arrêtée car là bas, les consommateurs sont très vigilants. Par contre, il y a une amélioration au niveau des performances sur le plan alimentaire. La recherche aujourd’hui a mis au point des substances nécessaires et performantes pour l’augmentation rapide du poids des animaux. Que ce soit au niveau de l’élevage de la pintade qu’au niveau du poulet, les techniques d’alimentation ont permis d’avoir des croissances rapides. Ces techniques se basent sur les nutriments, la composition des aliments qui sont en dehors des produits chimiques. Et en plus de cela, il y a aussi l’aspect génétique à travers. Grâce aux sélections et croisements, la recherche a pu obtenir des animaux à croissance rapide et à haute performance de ponte. Ce n’est pas toujours par les produits chimiques mais par la sélection. Grâce à cette sélection on a pu stabiliser des espèces de volailles. C’est ce qui constitue les poulets de chair.
Pourtant on parle d’un risque de santé avec ces poulets de chair…
Ce n’est pas nuisible pour la santé. Beaucoup de choses se font à travers le monde. Des chercheurs et industriels malveillants ont injecté des substances dans les volailles. C’est pour toutes ces raisons qu’autant nous cherchons à transformer le cacao, autant l’élevage doit bénéficier de cet appui. Nous voulons aboutir au fait que ce que nous mangeons soit produit localement. Nous devons être en mesure de faire une traçabilité de notre production en volaille. Cela va nous éviter beaucoup de choses. Nous ne voulons pas forcément limiter les importations, mais être sûrs de ce que nous mangeons. Car nous n’avons pas vraiment la technologie nécessaire pour détecter les enzymes avec lesquelles les viandes ont été traitées.
La consommation du poulet de chair a pris le pas sur celle du poulet africain communément appelé « bicyclette ». Et au regard des nombreux croisements, devrait-on redouter la perte de qualité de l’espèce, voire sa disparition ?
Non pas du tout. La qualité de l’espèce n’est pas menacée. Nous y travaillons. Sur instruction du ministre Adjoumani, nous sommes en train de travailler pour produire des poulets « bicyclettes » à l’état naturel. Il ne faut pas laisser tomber le poulet ‘’bicyclette’’. Cela fait 3 ans que nous sommes sur le terrain pour non seulement aider les populations locales à améliorer la production mais aussi les aider à commercialiser le poulet bicyclette. C’est à travers le projet « 10 poules 1 coq ». Cela veut dire nous mettons 10 poules et 1 coq africains à la disposition de familles très pauvres vivant en milieu rural, avec 25 Kg d’aliment. Au bout de 6 mois, cette famille a un revenu régulier de 35.000 F Cfa et pendant un an, ce revenu double à partir de la deuxième année. Le projet cible des familles très pauvres vivant en milieu rural. Ce projet a un double avantage. Il augmente la production et le niveau de revenu des populations. Rassurez-vous le poulet africain ne disparaiîtra pas. Il constitue encore 70% du cheptel de volaille. Le poulet traditionnel est à environ 20 millions de bêtes.
Réalisé par Isaac Kroman