Le problème de la Nationalité est le plus grand problème existentiel de la Côte d’Ivoire, estime le Renouveau démocratique, parti d’opposition ivoirienne. Aussi, à l’occasion de sa dixième conférence thématique le vendredi 23 août à Cocody, son président Lamoussa Djinko, est revenu sur les causes, les enjeux de cette crise identitaire, tout en proposant ses solutions pour le règlement du problème.
Selon lui, « le cancer de la nationalité » ne date pas de l’apparition du Président Ouattara sur la scène politique, mais remonte plutôt au 7 août 1960, avec des racines ancrées dans le réaménagement territorial de la Côte d’Ivoire entre 1932 et 1947. Il a rappelé les mouvements migratoires spécifiques qui ont marqué le pays au cours des siècles.
Pour lui, ceux qui sont aujourd’hui qualifiés d’étrangers ont contribué à la construction du pays en abattant des arbres, travaillant dans des plantations dans des conditions souvent inacceptables et sans protection sociale. Nombre d’entre eux sont décédés pendant cette période difficile de l’histoire ivoirienne.
Lamoussa Djinko a souligné que la politique du Président Houphouët-Boigny avait fait de la Côte d’Ivoire un miracle économique dans les années 70 grâce à l’agriculture et au travail acharné de tous les résidents du pays. Avec les revenus de cette agriculture, le pays a construit ses infrastructures : routes, ponts, écoles, universités, entreprises d’État, habitats, usines, centres hospitaliers universitaires (CHU) et centres hospitaliers régionaux (CHR).
Il a déploré qu’« depuis 1960, tout a été fait pour nier les droits de ces personnes, malgré la loi qui garantit l’égalité pour tous en République ». Avant 1960, tous les résidents avaient le statut de citoyens français. L’idée d’« Ivoiriens d’origine » n’a aucune base juridique, selon lui. « On a toujours voulu contrôler la nationalité en Côte d’Ivoire depuis 1960. Des gens ne peuvent pas être considérés comme étrangers dans un pays qu’ils ont vu naître », a-t-il protesté, dénonçant les péripéties et les abus liés à l’obtention du certificat de nationalité.
Djinko a expliqué que le droit du sang a été préféré au droit du sol en 1972 sous Houphouët-Boigny, empêchant ainsi l’octroi de la nationalité aux populations dites « étrangères » malgré leur contribution au développement du pays.
Par ailleurs, Lamoussa Djinko a affirmé que la réconciliation nationale est encore un objectif non atteint. « Nous ne pouvons pas nous réconcilier si nous ne savons pas pourquoi nous nous sommes battus. La question de la nationalité est au centre des problèmes du pays. Qui dit nationalité, dit participation aux élections et gouvernance. Pourtant, malgré plusieurs ministères de la réconciliation nationale et de grands médiateurs, la réconciliation des Ivoiriens n’a jamais été réussie », a-t-il déclaré.
Il a également souligné que tous les chefs d’État du pays ont été confrontés à ce problème, y compris le nouveau président du PDCI-RDA, Tidjane Thiam. « Le problème de la nationalité est en train de plonger la Côte d’Ivoire dans un gouffre. Cela pourrait mener à une nouvelle crise. Il n’y a pas autant d’étrangers que vous le pensez. Il ne s’agit pas de donner la nationalité à des étrangers, mais de reconnaître la citoyenneté des Ivoiriens », a-t-il ajouté.
Le président du Renouveau Démocratique propose, une fois élu à la magistrature suprême du pays, de faire de la question de la nationalité une priorité. Les solutions proposées incluent :
- Une concertation nationale avec les chefs religieux, l’organisation des rois, la société civile et les partis politiques pour trouver ensemble une solution définitive à ce problème majeur.
- L’adoption d’un code pénal strict sur la question de la nationalité.
- La révision des dossiers de tous ceux qui sont considérés comme Ivoiriens, mais qui ont été naturalisés sous les cinq présidents successifs, afin d’annuler les naturalisations illégales.
- La régularisation sans préconditions des anciens bénéficiaires des articles 17 à 23 de la loi n°61-415 du 14 décembre 1961, abrogée par la loi n°72-851 du 21 décembre 1972, en appliquant le droit du sol.
- La régularisation des personnes nées en Côte d’Ivoire avant le 7 août 1960 et de celles qui ont résidé et travaillé en Côte d’Ivoire de manière permanente avant cette date.
Le Renouveau Démocratique souhaite également inscrire ce chapitre de l’histoire migratoire de la Côte d’Ivoire dans les manuels scolaires pour que les enfants apprennent, tout comme ils ont appris l’histoire de la Reine Abla Pokou, que cet aspect sombre fait partie intégrante de l’histoire nationale.
Fulbert Yao (herrwall2007@yahoo.fr)