Au moment où les partis politiques que sont le PIT, MFA, UDPCI et le RDR s’apprêtent à formaliser leur alliance au sein du RHDP, en la transformant en un parti politique unique, il me paraît important de jeter un coup d’oeil sur l’histoire du RDR, pour me souvenir et rappeler à la mémoire collective ou indiquer à ceux qui ne le savent pas, l’une des choses que le temps n’a pu effacer de ma mémoire, et rendre hommage à un groupe socio -professionnel, vaillant et courageux, qui a permis aux membres fondateurs et aux adhérents « 94 » du RDR de croire et ainsi de poursuivre leur action politique.
En effet, sans l’adhésion massive de ce corps social, ce qu’on accusait Djeni Kobina de faire, aurait été vérifié et il aurait effectivement « prêché dans le désert » comme le lui disait à tort le tout puissant secrétaire général du PDCI d’alors. Ceux qui ont évité à Djéni Kobina de prêcher dans le désert étaient les artisans de Côte d’Ivoire. Oui, il convient de le dire, de le rappeler, afin que l’histoire retienne le rôle joué par les mécaniciens, tailleurs, chauffeurs et leurs apprentis, coiffeurs, menuisiers, ferrailleurs, maçons, les commerçants et autres petits détaillants de denrées et marchandises… Il faut ajouter à ceux-ci les débrouillards, dans les gares routières et dans les marchés. On les appelle souvent trop aisément les « sans emploi ». L’histoire enseigne que les partis politiques qui mobilisent du monde ont toujours pris leurs racines dans un groupe social ou une corporation donnée. En Côte d’Ivoire, le PDCI avait pris son départ dans le monde paysan; le syndicat agricole africain. Le discours du président Houphouët-Boigny qui les ciblait, les a convaincus. Leur adhésion massive a donné au PDCI ses solides bases qu’il a jusqu’à nos jours conservées. Le FPI de Laurent Gbagbo a compris ce nécessaire ancrage sociologique, en initiant des incursions dans le milieu rural, avant de s’installer dans celui des enseignants et des étudiants.
En 1994, les choses paraissaient donc difficiles et fermées pour les créateurs du RDR. Les fonctionnaires et agents de l’Etat, dont les hautes hiérarchies étaient aux mains des cadres PDCI, ne pouvaient pas s’afficher au RDR, encore moins y adhérer. Ce serait pour eux exposer leurs carrières à de grands risques. Dans ce milieu, la prudence, la grande, voire l’extrême prudence était de mise. On peut dire que les fonctionnaires en activité ont mis du temps à accepter ce que, sans doute leurs esprits épousaient en silence. En leur sein, le RDR ne pouvait qu’avoir des sympathisants noyés dans les profondeurs de leur discrétion. Il ne restait donc aux fondateurs et initiateurs du RDR naissant, que les professions libérales, en dehors des notaires et avocats qui, pour sauvegarder leurs clientèles ou pour conquérir de nouveaux clients, préféraient s’afficher politiquement neutres. Ce sont donc les artisans qui, les premiers, en donnant leur confiance aux créateurs du RDR, leur ont donné des raisons de continuer. Ils ont été, en masse, les premiers militants du RDR. Libres de penser, libres d’agir parce qu’ils ne doivent rien à personne, sauf à eux mêmes et à leur force de travail, les artisans s’étaient fortement mobilisés au soutien du RDR comme en témoigne leur forte mobilisation à sa toute première sortie publique au stade champroux. Les chauffeurs et leurs apprentis ont été ceux qui ont transporté et inondé, sous des manteaux complices et bienveillants, tout le pays avec nos fameuses fiches d’adhésion. Le RDR leur doit sa rapide expansion.
Honneur, gloire et félicitations amplement méritées aux artisans regroupés dans leurs différentes faîtières. Tous les cadres actuels du RDR doivent leur en savoir infiniment gré. Aujourd’hui, contrairement à bon nombre d’entre les militants du RDR qui réclament reconnaissances et faveurs diverses, les artisans au nombre d’environ 780.000 enregistrés au RDR n’exigent rien. Fidèles à leur engagement primitif, ils toujours là, prêts à agir et au besoin à réagir en soutien au RDR et à l’accompagner dans sa nouvelle aventure, dans le cadre du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pour eux, le bonheur vient de l’intérieur et non de l’extérieur, car ils savent que le bonheur ne dépend pas de ce qu’on possède, mais dépend de l’amour de son travail et de ce qu’on est réellement. C’est pourquoi les artisans républicains se sont résolus à créer eux mêmes leur bonheur, mais ne veulent qu’une seule et petite faveur: qu’on leur trace les cadres juridique et spatiale, propices à l’expression de leur génie.
Alexandre A. AYIE