Doit-on percevoir un appui financier quand on dispose d’un bien situé dans la zone protégée du Patrimoine mondial de l’Unesco ? Les propriétaires des bâtiments protégés reçoivent-ils une quelconque subvention pour l’entretien et la restauration de leurs biens ?
En principe, l’inscription de la Ville historique est un label Unesco. Il est du devoir de l’Etat de restaurer les bâtiments. C’est le devoir de l’Etat de pouvoir accompagner tous les particuliers qui ont des bâtiments sur le site. L’Etat a beaucoup de priorités en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures routières etc. Ce n’est pas facile. C’est ce qui explique le fait que cet aspect n’est pas encore développé. Mais nos autorités réfléchissent pour mettre en place cet accompagnement. Nous avons eu des séances de travail avec le ministre de la Culture et de la Francophone qui nous demandait de voir comment nous pouvons mettre en place des projets.
Cela, afin de permettre aux privés qui ont les moyens de pouvoir entrer en contact avec les particuliers pour conduire ensemble des initiatives de restauration de certains bâtiments. L’Etat sera l’arbitre de ce bail qui pourrait s’étendre, par exemple, sur dix ou quinze ans. Ces bâtiments restaurés pourraient être exploités par le privé avant de revenir par la suite aux particuliers. Nous avons sur le site de nombreux bâtiments publics qui sont en train d’être restaurés. Ce sont des mécanismes qui devraient se mettre en place de façon progressive.
Quels sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre mission de protection et de restauration de la Ville historique de Grand Bassam ?
La première difficulté, c’est l’accompagnement. La restauration des bâtiments coûte chère. Il y a beaucoup de particuliers qui nous sollicitent. Nous leur faisons comprendre que la situation est en ce moment difficile. Nous ne bénéficions, pour l’heure, que du budget de fonctionnement. Mais, ce que nous pouvons faire, c’est d’apporter notre appui institutionnel et voir dans quelle mesure un bailleur qui veut accompagner le projet peut le faire.
La seconde difficulté, c’est le manque de moyens pour mener une offensive en matière de communication. Nous faisons avec les moyens de bord. Cela fait que nous ne sommes pas toujours bien compris. Nous voyons des gens poser des actions qui ne rentrent pas dans la réglementation en vigueur. Nous faisons arrêter beaucoup de travaux illicites sur le site. Les gens ne comprennent pas.
Nous leur expliquons pourquoi ces travaux pourraient endommager le site historique et pourquoi ces travaux sont contraires à la réglementation selon les normes de l’Unesco. La Ville historique de Grand-Bassam est un patrimoine qui appartient au monde. Pour garder ce label Unesco, nous devons nous conformer à la réglementation internationale. Il y a aussi l’impact de la mer sur les bâtiments restaurés et sur le matériel de travail de nos équipes. Enfin, il y a les déchets laissés par ceux qui viennent à la place. Après leur passage, nos plages ressemblent à un véritable dépotoir. Nous lançons d’ailleurs un programme baptisé : «Adoptons un comportement éco-citoyen». Nous allons faire en sorte que ceux qui viennent à la plage comprennent leur responsabilité dans la préservation du site.
Jusqu’où peut mener une inspection sur le terrain afin de s’assurer que le site est préservé par le particulier ? Avez-vous le droit de pénétrer dans un bâtiment habité pour mener une inspection ?
Si un particulier veut travailler à l’intérieur de son bâtiment, nous n’intervenons pas. Quand il est question d’un bâtiment qui est déjà construit, les modifications à l’intérieur ne nous concernent pas. Mais, c’est la modification de l’aspect extérieur qui amène le Comité à réagir. Nous stoppons les travaux. Et, nous demandons au propriétaire de prendre contact avec nos équipes afin que nous puissions l’accompagner. Sinon, il peut modifier l’intérieur du bâtiment à sa guise.
Combien de dossiers de restauration de bâtiments sont-ils en ce moment sur votre table ?
Tous ceux qui nous sollicitent ont des dossiers en cours de traitement ou déjà traités. Il y a deux comités qui accompagnent l’organe de gestion que nous représentons. Nous les appelons les entités de gestion. Il s’agit du «Comité local de gestion» qui est présidé par le maire. Ce comité comporte en son sein toutes les parties prenantes du site, à savoir : les jeunes, les femmes, les Ong etc. Et puis, il y a la Commission permis de construire présidée par le Préfet. Ce comité comporte les institutions techniques : la mairie, le conseil général et les communautés. Ce sont ces deux structures qui appuient l’organe de gestion du site. Dès qu’un particulier a un projet de restauration d’un bâtiment ou même une nouvelle construction. Mais la personne doit au préalable monter un dossier, il écrit au maire pour la demande de permis de construire.
Le maire transmet les dossiers à la Maison du patrimoine. Nous instruisons le dossier. Avant, on allait directement en plénière. Mais, nous nous sommes rendu compte que toutes les parties prenantes sont représentées dans la Commission. Ce ne sont pas forcement tous des techniciens. Nous faisons un travail en amont. Si le projet est bon, nous informons le Préfet pour la plénière. Une fois le dossier validé, il est renvoyé au maire pour avis favorable pour obtenir le permis de construire. Les dossiers qui respectent la procédure aboutissent toujours.
Comment arrive-t-on alors à raser un bâtiment classé au Patrimoine de l’Unesco malgré tout cet arsenal de mesures de protection et de dissuasion?
Il y a toujours des brebis galeuses. Le bâtiment auquel vous faites allusion a été détruit entre 4 heures et 5 heures du matin. Est-ce une heure pour procéder à des travaux si l’on ne cache pas quelque chose ? Nous pensons que ceux qui ont fait ça, l’ont fait de façon intentionnelle parce qu’ils savent qu’il y a des mesures qu’ils ne peuvent, en aucun cas franchir, pour arriver à leur fin.
La famille à l’origine du drame avait-elle introduit un dossier auprès de vos services ?
Non. Aucun dossier. La famille ne nous a jamais saisis. Voilà pourquoi, le ministre de la Culture et de la Francophonie a pris le problème à bras le corps. Il veut faire de ce cas, un exemple pour ne plus que les gens s’attaquent aux bâtiments du site. A l’époque, il y avait un flottement au niveau de la mairie avec la crise postélectorale après les municipales. Les gens ont sans doute profité de ce flottement pour commettre ce crime contre le Patrimoine de l’Unesco. C’est la première fois que nous sommes confrontés à une telle situation.
A quel niveau l’Unesco intervient-elle dans le processus de valorisation et de restauration du site ?
L’Unesco n’accorde pas comme ça son appui. L’organisation onusienne apporte surtout son appui au niveau technique et même financier. Mais là, nous sommes dans les cas des projets qui vont dans le sens de la valorisation du patrimoine. Ce ne sont pas des projets individuels conduits par un particulier pour la réhabilitation de son bâtiment.
Il faut savoir que plusieurs autres Etats sollicitent l’Unesco pour ces mêmes fonds. Il y a des canevas pour en bénéficier. Au-delà, le label de l’Unesco nous permet de pouvoir solliciter certains partenaires, des fondations etc. Mais, très souvent, ces canaux ne sont pas connus. Nous devons donc communiquer afin que le grand public comprenne que ce n’est pas l’Unesco qui va donner l’argent. Mais que l’organisation peut nous aider à rentrer en contact avec d’autres partenaires.
Fofana Ali