Aujourd’hui je me suis rendu sur un marché pour évaluer le sentiment que toute cette intranquilité que traverse l’Afrique de l’ouest avec notamment les attaques de présumés djihahistes, les coups d’état à la chaîne et les tensions entre certains états de la région inspire aux simples et honnêtes gens du commun.
A ma grande surprise, tous, le vendeur de friperies, le rabatteur de clients, l’horloger ou le vagabond qui écume le marché comme une âme en peine, ont une lecture très informée de ce qui est en cause et/ou en jeu aussi bien pour les dirigeants africains de la veille école que pour la jeunesse impatiente et déterminée à assumer sa responsabilité devant l’Histoire.
Tous ont en effet pointé du doigt le déphasage qui existe entre ces deux groupes d’acteurs qui souhaitent soit continuer à fonder l’histoire du continent dans la continuité de ce qu’elle est depuis l’octroi de ce qui est réputé être l’indépendance, soit de prendre et garder l’initiative de rompre avec les pratiques du passé et écrire avec toute la fougue et l’énergie de leurs jeunes années une nouvelle Histoire.
C’est en cela que mes interlocuteurs de ce matin ont estimé à une nuance près que la situation que vit le Burkina Faso depuis le 30 septembre 2022 est la même que vit Mali depuis le Coup d’État du 24 mai 2021, lorsque l’armée a capturé messieurs Bah N’Daw qui fut désigné Président du pays suite au premier coup d’état des cinq colonels le 20 août 2020 contre IBK et Moctar Ouane qui assurait la fonction de premier ministre.
Pour eux, il s’agit d’une reprise en main des choses dans la logique de ce qui a poussé le peuple ou les populations à réclamer la tête des dirigeants démocratiquement élus de ces pays. Plus concrètement, ils affirment que les premiers coups d’état au Mali et au Burkina Faso avaient pour objet de libérer ces pays de la situation de servitude vis-à-vis de la France et avec laquelle les dirigeants congédiés étaient confortables.
La perte de vue de cette exigence a causé la perte au Mali de Bah N’Daw et Moctar Ouane qui se sont mis à comploter pour pervertir la volonté populaire et la reprise en main des choses par les cinq colonels. Le soutien dont ces colonels bénéficient aujourd’hui d’une très grande frange de la population malienne et africaine, trouve son explication dans leur détermination à extraire leur paix de cette posture de vassalité vis-à-vis de la France. C’est également cela, selon eux, qui a perdu Damiba, coupable de s’être compromis avec ceux qui symbolisent désormais aux yeux de l’opinion les geôliers des peuples panafricanisés.
La visite à Ouagadougou le 9 septembre 2022 du Chef d’état-major particulier du président français Emmanuel Macron, l’amiral Jean-Philippe Rolland, a paraphé selon mes interlocuteurs l’acte de condamnation du désormais ex-président du Faso. Il est fort à parier que comme des camarades de cellule, les autorités maliennes vont désormais avoir en commun avec celles qui sont en train de s’installer à Ouagadougou, le très corrosif qualificatif » d’autorités issues d’un double coup d’état « . Rien que ça !
En attendant de voir ce qui va se passer, on peut déjà prédire que tout cela complexifie l’équation pour la pauvre et très impliquée CEDEAO, devenue à son corps défendant la tête de Turc des bien nommés panafricanistes et autres révoltés.
Je suis revenu du marché avoir la conviction que la révolution des prisonniers du soleil est bel et bien en marche et risque d’emporter tous ceux qui rameront à contre-courant. Le peuple est informé sur les enjeux de tout ce bouleversement et apporte toujours un peu plus d’eaux au moulin de ceux qui sont à la manœuvre et cela ne doit échapper à personne.
Moritié CAMARA
Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales