Rentrés du 26e Festival panafricain du cinéma et de la télévition de Ouagadougou (Fespaco) avec dans la besace deux Prix Spéciaux, les réalisateurs du long métrage «Résolution» ont encore des projets à faire aboutir. En attendant, l’un d’entre eux, Boris Oué, a accepté de se confier à L’Expression. Interview.
Vous êtes l’un des réalisateurs de «Résolution» qui a été en compétition dans la catégorie «Longs métrages» au dernier Fespaco. Dites-nous comment s’est passé le tournage du film
Le tournage de «Résolution» s’est très bien passé. On a tourné sur à peu près deux mois. Il y avait une équipe dynamique, jeune et nous étions presqu’une cinquantaine de personnes. C’était une équipe vraiment dynamique. Pour certains c’était le premier long métrage. J’en suis, personnellement, à mon deuxième en co-réalisation. Ce fut une très belle expérience.
Qu’est-ce qui vous a poussés à adresser la thématique de la violence conjugale ?
Il ne s’agit pas directement de nous, mais plutôt de la productrice Evelyne Ily Juhen qui nous a contactés. Elle a d’abord contacté la scénariste Fatim Diaby et ensemble elles ont travaillé sur un scénario pendant presqu’une année. Et après, elle nous a contactés, Marcel Sangne (Ndlr, le co-réalisateur) et moi pour essayer de mettre cette idée en scène. C’est une histoire que nous aussi nous nous sommes appropriée et que nous avons essayé de raconter du mieux que nous avons pu pour vraiment passer le message que voulait passer la productrice.
Qui a dirigé les acteurs sur les différents plateaux ?
Nous les avons dirigés ensemble Marcel et moi. On faisait d’abord une mécanique ensemble, ensuite on vérifiait la caméra, on faisait une répétition et on revenait pour arranger ce qu’il fallait arranger au niveau du jeu des acteurs. Quand on avait une bonne mécanique, on pouvait lancer le tournage de la première prise.
Qu’avez-vous ressenti après la première projection, au ciné Burkina, lorsque le publique s’est levé pour un standing ovation ?
Nous étions très satisfaits. Pour être très francs, participer au Fespaco, surtout à ce cinquantenaire, c’est très important. Ça représente beaucoup pour nous. Le fait que le travail que nous accomplissons en tant que jeunes soit reconnu est pour nous un motif de satisfaction. J’ai personnellement été agréablement surpris et satisfait de voir que le public a réagi à des moments où on voulait qu’il réagisse. On était vraiment satisfaits de la réaction du public, surtout des Ivoiriens qui sont venus soutenir le film qui a représenté la Côte d’Ivoire pour le trophée principal.
Comment avez-vous réussi à amener les acteurs à travailler de cette façon ? Ils ont tellement bien campé leurs rôles qu’il a été difficile pour certains spectateurs de faire la différence entre le personnage et l’acteur qu’ils ont vu, plus tard dans les rues de Ouaga. Prenons l’exemple de Bruno Henri qui joue Marc Kassy dans le film.
Bruno Henri, il faut savoir qu’il avait déjà tourné plusieurs fois à Abidjan. Du coup Evelyne voulait qu’il joue dans le film. Quand il est arrivé nous avons eu le temps d’échanger et de lui dire exactement ce que nous voulions, comment nous voyions le personnage, etc. Nous avons surtout travaillé les subtilités, parce que nous nous sommes dit que le texte donnait suffisamment d’informations. Au niveau des petites histoires, il y a deux ou trois choses qui sont cachées, ne serait-ce que dans les regards, dans les gestes, dans les choses assez- silencieuses. Il y a beaucoup de séquences silencieuses et nous avons vraiment pris le temps de travailler cela avec lui. Il était disposé et assez ouvert. C’est quelqu’un de très expérimenté, un doyen, un grand frère dans le cinéma. Face à nous, jeunes, il s’est laissé diriger. Il était très sympatique.
Et le personnage feminin, Yenan, campé par Evelyne Juhen ?
Evelyne, on a travaillé beaucoup plus longtemps avec elle parce qu’elle était là dès le départ, depuis l’écriture. Depuis ce moment on a donné notre avis et elle a vraiment incarné le personnage, elle s’est mise dans la peau de son personnahe. Il y a même certaines séquences qui étaient assez difficiles, qui sont mentalement et psycohologiquement lourdes à porter pour un acteur. Il y a des moments où elle était trop dedans et même sur le plateau ça se ressentait. Il y avait une vraie émotion partagée par toute l’équipe. Je pense qu’elle a pu incarner pleinement ce rôle. Déjà il faut savoir que pendant la préparation on a rencontré plusieurs femmes – dans la procédure d’écriture il y a eu tout ce travail de recherche – mais je pense que tout cela a permis à Evelyne de construire son personnage.
Quels ont été les moments difficiles du tournage ?
Il y a des scènes assez fortes. Par exemple celle de la prière, où tout le monde a éclaté en sanglots sur le plateau. Ce n’est pas seulement à cause du point d’intrigue qui est annoncé, mais c’est surtout parce que d’une certaine façon on sentait que c’est une femme qui voulait se délivrer et qui n’y arrivait pas. Il y avait un côté spirituel et métaphysique. Ce sont des choses qu’on ne peut pas expliquer mais qui se ressentent. Et le fait que ce soit partagé par et avec tout le monde, c’était assez fort. Pas compliqué, mais assez fort émotionnellement.
Pourquoi vous choisissez, dans l’intrigue, de faire mourir le jeune Kevin ?
Ce n’est pas un choix. Je pense que c’est la conséquence d’un enchainement, d’une accumulation d’évenements qui ont conduit à cela. Il y a beaucoup de nouvelles que le garçon apprend. Il n’est pas suivi par ses parents parce qu’ils ne sont pas des modèles. Et après on apprend que sa grand-mère non plus n’est pas un modèle. Il est entouré de personnages qui sont censés être ceux qui représentent l’idéal, mais qui ne le sont pas vraiment parce que toute personne a quelque chose de bon et de mauvais. L’être humain est très ambigu et je pense que c’est cette ambiguité des personnages qui entourent celui de Kevin qui a contribué à ce qu’arrive ce moment.
«Résolution» a remporté deux prix spéciaux, à savoir le Prix de la CEDEAO de l’intégration et le Prix Félix Houphouët-Boigny du Conseil de l’entente. Comment avez-vous accueilli ces prix?
On a acueilli l’annonce de ces prix avec beaucoup de fierté. On a ressenti une grande reconnaissence de notre travail surtout en tant que jeunes qui sommes à nos premies projets. Nous étions très satisfaits de cette reconnaissance-là. Surtout pour le Prix du Conseil de l’entente qui porte le nom du père fondateur de la Côte d’Ivoire. Ça nous a vraiment fait énormément plaisir et ça a touché toute l’équipe.
Déçu de n’être pas sur le podium ?
Ce serait malhonnête de dire qu’on n’est pas déçus. Mais je pense que notre plus grande victoire était d’être sélectionnés et de participer au festival, surtout pour ce cinquantenaire. Evidememnt, comme tous les films en compétition, on aurait voulu être sur le podium mais nous sommes très satisfaits du résultat. Nous sommes rentrés à Abidjan avec deux prix spéciaux et non des moindres et de ces résultats nous tirons une grande satisfaction. Il y a encore beaucoup d’autres festivals et on se prépare pour le prochain Fespaco.
Quels sont à présents vos projets ?
Evidemment, il y a beaucoup de projets que nous avions avant, pendant et après «Résolution». On travaille sur plusieurs projets dont un documentaire. Je pense qu’avec les différents soutiens que nous avons eus grâce au Fespaco, nous esperons pouvoir proposer très bientôt, des produits de qualité au public ivoirien
Quand le film sera-t-il vu à Abidjan ?
Le film sera vu à Abidjan. Il faut qu’il passe à Abidjan. Absolument. Le moment que j’attends le plus c’est de voir la réaction du public abidjanais. C’est vrai que c’est un film universel, qui est censé toucher tout le monde parce que c’est une histoire universelle mais on a essayé de mettre l’accent sur la Côte d’Ivoire. Il faut que les gens regardent plusieurs fois. Deux ou trois fois on a placé des petits drapeaux de la Côte d’Ivoire, il y a des détails qui mettent en avant notre pays. Ne serait-ce que pour cela, il faut que le film passe absolument à Abidjan.
Quel est votre parcours professionnels, Boris ?
Je suis issu de l’Ecole supérieure des arts visuels de Marrakech (Esav), au Maroc. J’ai quitté la Côte d’Ivoire en 2012. Après le Baccalauréat et des études en Communication et Ressources humaines dans une grande école de la place, je me suis lancé dans la réalisation de mon rêve. Dès mon jeune âge, je voulais faire du cinéma mais je ne voulais pas commencer sans formation pure. J’ai passé un concours pour entrer à l’Esav de Marrakech au Maroc et j’ai pu intégrer cette école. Après quatre années à l’Esav, dans la spécialité Image, je suis sorti en tant que Directeur photo. Une fonction que j’ai assumée plus tard sur d’autres tournages. J’ai participé à quelques festivals dont celui de Tanger. Avec le projet qui a suivi, mon Travail de fin d’études (Tfe) j’ai participé à plus de 7 festivals en France, en Egypte. Et j’ai obtenu le Prix de la meilleure image avec ce film au Benin. J’ai aussi travaillé avec Guy Kalou sur le film «Kamissa» en tant que Directeur photo et coréalisateur aussi. C’est après qu’interviendra l’aventure «Résolution».
Entretien réalisé à Ouagadougou par M’Bah Aboubakar