Pourquoi avoir transféré les prérogatives du Sénat à l’Assemblée nationale ?
La nouvelle Constitution de 2016 a prévu que nous ayons un Parlement bicaméral, avec deux chambres. Dans la même Constitution, il a été indiqué que tant que le Sénat ne sera pas mis en place de manière définitive, les prérogatives du Sénat seront dévolues à l’Assemblée nationale avec une chambre. Il se trouve qu’au niveau du Sénat, à la date d’aujourd’hui, tous les organes ne sont pas en place. Par exemple, le bureau et les commissions ne sont pas encore en place. Tous ces éléments sont nécessaires pour faire fonctionner le Sénat en tant que Chambre parlementaire. Pour ne pas bloquer, il avait été déjà prévu dans la Constitution qu’en attendant la mise en place définitive du Sénat, l’Assemblée nationale continuerait à exercer la plénitude des fonctions parlementaires. C’est cet article de la Constitution qui a simplement été mis en œuvre. Nous espérons que très rapidement, avec la session d’avril de cette année, toutes les conditions seront réunies pour que le Sénat puisse être fonctionnel et prendre sa place dans les institutions de la République.
Une rumeur annonce le départ de Monsieur Ahoussou Jeannot de la présidence du Sénat parce qu’il n’est pas Rhdp ? Qu’en est-il réellement ?
Personnellement, je n’ai pas entendu de rumeur sur le départ de Monsieur Ahoussou Jeannot de la présidence du Sénat. Ahoussou Jeannot est présent à la création du Rhdp. A titre personnel, je n’ai pas d’informations qui me permettent de remettre en doute son engagement par rapport à ce grand projet de rassemblement des Ivoiriens. Je ne peux pas commenter une rumeur. Ceci étant, j’ai la conviction qu’à un moment donné, toutes les institutions de la République devront avoir à leur tête des personnes qui sont en parfaite cohérence avec la majorité politique. Je n’ai pas d’éléments qui me permettent de dire le contraire en ce qui concerne Monsieur Ahoussou Jeannot.
En Septembre dernier, vous avez fait une promesse aux planteurs de la Société africaine pour la promotion de l’hévéaculture (Saphic) concernant le litige avec Tropical Rubber Côte d’Ivoire) (Trci), l’entreprise créée après la privatisation de Saph à Angélédou. Jusque-là, les planteurs n’ont pas encore reçu leurs dividendes. Vous avez dit que leurs intérêts seront préservés ? Où en êtes-vous avec ce dossier ?
C’est un conflit qui est né de la privatisation du domaine hévéicole d’Angélédou en 1995. A la date d’aujourd’hui, nous avons décidé de rapprocher les parties afin de trouver un consensus. Le dossier se trouve au niveau de la justice. Les parties ont accepté de se retrouver sous l’égide de la Primature pour essayer de trouver une solution à l’amiable. Il s’agit de déterminer quel sera le niveau de l’indemnisation légitime à laquelle les planteurs de Saphic peuvent avoir droit. Le repreneur est prêt à examiner une solution. Il se trouve simplement qu’à la date d’aujourd’hui, la fourchette est trop importante. Nous sommes entrain de travailler à rapprocher davantage les positions. Les planteurs réclament 23 milliards de Fcfa. L’opérateur qui a repris serait prêt à payer autour de 4 milliards de Fcfa. Vous voyez l’ampleur. Notre responsabilité, en tant que gouvernement, est de rapprocher les deux parties. Nous sommes saisis de la question. Nous sommes entrain de la traiter. Comme il s’agit d’une médiation, cela prend naturellement un peu plus de temps que prévu. Le dossier est totalement pris en charge.
Concernant les logements sociaux, jusqu’à présent, les 5,5 % d’intérêts aux souscripteurs ne sont pas encore appliqués. Qu’en dites-vous ?
Ce que nous avions imaginé au niveau des acquéreurs, c’était d’avoir des conditions au niveau de l’emprunt qui soient optimum pour permettre que les remboursements mensuels soient supportables pour les uns et les autres. Je voulais énoncer deux éléments. Le premier élément était l’allongement de la durée de remboursement des prêts. Aujourd’hui, quasiment toutes les banques se sont déjà alignées sur cette option. Les prêts immobiliers sont d’une durée minimale de 15 ans. Il y a des banques qui vont jusqu’à 20 ans au niveau de la durée de remboursement des prêts.
La deuxième chose, c’était le taux d’intérêt que nous voulions baisser à 5,5%. Nous avions pensé qu’avec le compte de mobilisation pour l’habitat (Cdmh), l’Etat pouvait bonifier les taux d’intérêt qui sont ceux des banques pour permettre de les ramener à 5,5%. C’est une opération qui est en cours. J’ai le plaisir de vous annoncer que certaines banques dont la Banque de l’Habitat sert aujourd’hui des taux d’intérêts qui sont en deçà de 5%, c’est-à-dire 4,5. La dynamique est lancée. Je considère que nous sommes dans la bonne direction.
Cette semaine, le Journal de l’économie a fait un dossier sur la Couverture maladie universelle (Cmu). Un dossier intitulé : La grande peur des acteurs. Dans ce dossier, nous avons interrogé les assureurs, des Ivoiriens sur la Cmu. Les assureurs craignent que la part qui sera désormais réservée dans la couverture santé est minime, notamment dans l’assurance complémentaire qui n’est pas encore développée en Côte d’Ivoire. Ils craignent de perdre des clients, des parts de marchés. En plus, beaucoup d’Ivoiriens ont posé des préalables pour la réussite de cet important projet (…) Il y a tellement de défis que les Ivoiriens nous ont dit qu’ils ne croient pas à la Cmu. Au regard de tous ces défis, n’êtes-vous pas d’avis avec les Ivoiriens qui soutiennent que la Cmu est une utopie ?
Je comprends les inquiétudes. C’est un projet important. L’accès aux soins apparait comme une priorité forte du gouvernement et une instruction importante du président de la République. Pour avoir un système de couverture maladie qui fonctionne, il faut avoir la technique et les services qui vont être offerts aux populations qui soient de qualité. C’est une question sur laquelle nous continuons de travailler. La date que nous avons arrêtée maintenant qui est de démarrer les cotisations à partir de la fin du mois de juillet pour que les prestations soient effectives à partir du 1er octobre 2019, tient compte de ce que nous avons identifié 725 centres de santé où les Ivoiriens pourront aller dans le cadre de la Couverture maladie universelle pour se faire soigner.
Nous avons bien identifié ce qu’il faut faire dans ces 725 centres. Il y a de la réhabilitation légère dans certains centres, il y a des équipements à envoyer dans d’autres centres. Ce sont ces délais que nous avons regardés avec réalisme pour arriver à la conclusion aujourd’hui. Je prends l’engagement que nous pouvons tenir le délai du 1er octobre 2019 pour lancer la Couverture maladie universelle. Je suis sûr qu’à cette date, les 725 centres identifiés pour prendre en charge les malades de la Cmu seront effectivement réhabilités. Les contrats sont passés, les ressources sont disponibles et le délai que nous avons donné est le délai normal d’exécution des travaux.
En ce qui concerne le délai des assurances, vous devez savoir que ce qui est du régime de base, en dehors du régime d’assistance des indigents pour lesquels c’est l’Etat qui prend totalement en charge, c’est 70% qui sont pris en charge dans le cadre de la Cmu. Nous allons inciter les Ivoiriens à avoir l’assurance complémentaire, notamment pour les 30% restants. Je pense qu’il y a de la place pour les assurances. Vous ne pouvez quand même pas imaginer que vous êtes associés à un projet social aussi important qui permet l’accès à la santé à des milliers d’Ivoiriens qui ne puisse pas être abandonné pour les raisons que vous avez évoquées. Le projet a été discuté avec l’ensemble des acteurs y compris les assurances et toutes les décisions qui sont mises en œuvre aujourd’hui sont des décisions qui sont consensuelles.
Votre ancien allié du Rhdp, groupement politique et son nouveau fils, Guillaume Soro, ne cessent d’accuser votre régime d’user de moyens de pression et de faire chanter les citoyens à adhérer au Rhdp. Ces accusations sont-elles mensongères ou avérées ?
J’ai trop de respect pour les responsables politiques de notre pays, pour les cadres de notre pays pour accepter qu’on puisse les accuser de subir des pressions pour avoir effectué des choix politiques. Il y a beaucoup que je fréquente. Ce que je retiens d’eux, ce sont des gens responsables qui croient en quelque chose. Ils étaient engagés dans un processus depuis 2005. Je peux comprendre que tous ceux qui étaient engagés dans un processus de 2005 ne comprennent pas pourquoi ils se sont retirés. Eux, ils ont décidé de poursuivre un processus dans lequel ils se sont engagés depuis 2005.
Je trouve totalement inacceptable de vouloir les injurier parce que ces personnes ont des convictions et sont engagés dans un processus depuis des années. Ils travaillent ensemble et décident de rester ensemble dans l’esprit du père fondateur de la République, de continuer de construire notre pays, en relevant les défis à venir. Il faut savoir qu’on a fait du chemin ensemble qui a donné des résultats. Je considère au contraire que ceux qui font ça, sont des gens responsables. Je voudrais les féliciter.
Si ce n’était pas une conférence de presse, j’aurai même demandé que nous puissions les applaudir. Bien au contraire, je pense qu’ils ont compris qu’il faut venir au Rhdp pour renforcer cette formation politique pour créer cette vague de stabilité pour notre nation, pour que la Côte d’Ivoire ne vive plus ce qu’elle a déjà vécu. Peut-être que de l’autre côté, certains assurent cette pression pour des raisons ethniques. C’est cela la vraie pression. Ce qui n’est pas acceptable pour la Côte d’Ivoire moderne.
L’opposition, dans le cadre de la recomposition de la Cei, a souhaité que la reforme touche également le Conseil constitutionnel. Quelle est votre réaction sur le sujet ?
Il convient de rappeler que la Cei que nous avons aujourd’hui a été le fruit d’un consensus. Nous avons discuté en 2013 et en 2014. Il y a eu une ordonnance qui a été prise par le Président en 2014 pour prendre en compte les desideratas de l’opposition pour que nous ayons cette Cei consensuelle. Il y a eu des recommandations qui ont été faites par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Sur cette base, le gouvernement peut prendre ses responsabilités. Je travaille pour prendre en compte ces recommandations. J’envoie un texte à l’Assemblé nationale. Nous avons simplement estimé que l’orientation du Président a été celle là : compte tenu de l’importante de la question, nous devons consulter la société civile et les partis politiques. C’est ce que nous avons fait. Nous avons reçu des propositions.
Je me réjouis, d’ailleurs, qu’un certain groupe de partis politiques qui, au début, ne voulait même pas faire de propositions, qui remettait en cause la méthodologie, se soit ravisé et devenir un peu plus positif en faisant des propositions. Nous les avons maintenant sur la table. Nous allons les examiner. Nous allons reprendre les discussions. Mais, ces discussions vont se faire dans un cadre bien précis. Il s’agit de voir comment nous pourrons prendre en compte les recommandations qui ont été faites par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. C’est ce que nous allons faire. Nous ne ferons pas plus.
Nous ne ferons pas moins parce que cette cour n’a rien imposé concernant le Conseil constitutionnel qui a un texte organique qui régit la désignation de ses membres qui sont nommés par les institutions de la République.
C’est un schéma classique et vous le verrez partout. Je ne vois pas comment la question du Conseil constitutionnel a pu se retrouver dans ce débat. Nous allons travailler sur la question de la Commission électorale indépendante. Je recevrai les membres de la société civile et les partis politiques, je reprendrai les discussions selon les recommandations de la Cours africaine des droits de l’homme et des peuples. Je vous rappelle que dans la commission de 2011, il y avait sept représentants du pouvoir, dont des représentants d’institutions de l’Etat et des représentants des membres du gouvernement.
Lors de votre dernière conférence de presse, une question portant sur les rapports entre l’homme d’affaires Adama Bictogo et votre gouvernement est restée sans réponse. Nous l’avons appris dans un média que vous l’avez nommé secrétaire exécutif du Rhdp.
Adama Bictogo est membre d’un parti politique. Il est engagé politiquement. Je note, d’ailleurs, que dans pas mal de pays, je vois des hommes d’affaires qui accèdent aux hautes fonctions dans différents Etats. Je ne veux pas me mettre à les citer. Je crois tout simplement que séquentiellement, en fonction des responsabilités que l’on peut assumer au niveau de l’Etat, il faut savoir se retirer des affaires que l’on a et se mettre à plein temps dans les responsabilités qui relèvent de l’Etat. Mais, tant qu’on n’est pas dans ces responsabilités, on peut avoir une opinion politique, être membre d’un parti, l’animer. Ça ne me pose aucune difficulté. Il existe des exemples dans beaucoup de pays où des hommes d’affaires font la politique. Maintenant si votre question est de savoir est-ce qu’il doit partir de là, je vous dis non.
Je l’ai toujours dit et de manière très claire, par rapport à tous les opérateurs économiques ivoiriens qui sont aidés. L’aide, c’est en réalité tous ceux qui ont la capacité de mobiliser des financements et qui, regardant le programme national de développement du pays qui a des composantes et des urgences, disent : moi, j’ai la possibilité de mobiliser les financements. Si ces financements rentrent dans les caractéristiques qui sont celles qui sont exigées par le ministère de l’Economie et des Finances dans le cadre de la gestion intelligente de la dette en Côte d’Ivoire, nous considérons qu’il faut construire des champions nationaux. Là, il y a plusieurs opérateurs qui peuvent être pris en compte. C’est la seule règle. Il n’y a pas de favoritisme particulier. Je peux vous l’assurer.
Maintenant sur les fonctions liées à celle de la direction exécutive du Rhdp, ce n’est pas moi qui nomme. La décision n’est pas encore prise. Il y a peut-être des rumeurs qui courent. Mais, si elles étaient prises, je considère que les éléments que j’ai évoqués devront être pris en compte pour éviter ce que l’on pourrait considérer en ce moment-là comme étant un éventuel conflit d’intérêt. Je pense qu’il faut lui rendre hommage pour le travail qu’il fait en tant qu’homme d’affaires.
Aujourd’hui l’école est paralysée. Les discussions semblent ne pas aboutir. Qu’est-ce qui se passe exactement ?
Sur l’école, vous savez depuis 2013, il y a des efforts extrêmement importants qui ont été faits par l’Etat, par le gouvernement en ce qui concerne généralement les fonctionnaires. Que ce soit le déblocage, en ce qui concerne l’avancement indiciaire, au niveau des salaires. Ce déblocage au niveau des avancements indiciaires pour des salaires qui avaient été bloqués pendant 25 ans. Vous devez savoir que ça coûte à l’Etat de Côte d’Ivoire 126 milliards de Fcfa par an en plus. Plusieurs autres mesures avaient déjà été prises, notamment en ce qui concerne les engagements pris en 2007 par le régime précédent. Il y a eu, à partir de 2013, un certain nombre d’engagements qui ont été actés qui eux, représentent un coût de l’ordre de 42 milliards 600 millions de Fcfa. Nous avons eu la prise en compte global de ces engagements, c’est ce qu’on a appelé le paiement du stock des arriérés qui a conduit à la signature d’un accord valant trêve sociale.
L’Etat respecte sa part, puisqu’en 2018, nous avons payé 39 milliards de Fcfa. Et en 2019, nous avons au budget 44 milliards de Fcfa dans le cadre du paiement du stock des arriérés. Lorsque nous avons signé la trêve sociale, nous avons dit que cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus du tout de revendications. Mais, on considérait que tous les problèmes qui seraient posés feraient l’objet de discussions, de négociations et qu’on s’interdisait de faire une grève pendant cinq ans. Aujourd’hui, au niveau de l’enseignement supérieur, il y a la question des heures supplémentaires. Au niveau du primaire et du secondaire, il y a le problème de l’indemnité de logements et des cours de mercredi qui s’est posé. Nous discutons de ces questions mais dans le cadre de ce que nous avons signé ensemble comme accord valant trêve sociale.
Nous considérons que la grève, de ce point de vue, est une grève qui n’est pas légitime. Le fait qu’elle ne soit pas légitime a conduit à retenir les salaires de ceux qui ont fait la grève. Nous constatons un dégel, les discussions sont en cours. Je me félicite que cette nouvelle ambiance puisse permettre aux enseignants du primaire et du secondaire de reprendre les cours et sont en train de discuter avec leur ministère sur les questions qui sont en suspens. Il restait une partie des enseignants du secondaire qui, eux, n’avaient pas repris les cours. Suite à la réunion qui s’est tenue, il y a 48 h, ils viennent de prendre la décision d’appeler à une assemblée générale, ce samedi. Nous avons bon espoir qu’à la fin de cette semaine, la question de la grève sera une question qui est derrière nous. Et que dès le lundi prochain, les cours reprendront sur l’ensemble du territoire national.
Les dozos tiennent des barrages sur des routes en Côte d’Ivoire. Récemment à Vavoua, nous en avons croisé sur la route. De qui dépendent-ils ?
Je ne saurai vous répondre. Si voulez savoir si c’est légal, je vous dis que c’est illégal. Nous avons des forces de police, des forces de gendarmerie qui sont là pour assurer la sécurité. Nous avons un phénomène traditionnel qui existe, qui permet, quelque fois, dans des endroits spécifiques, dans des contextes spécifiques, d’être des forces d’appoint. De là à devenir une force de contrôle de route, ce n’est pas légal. Le ministre de l’Intérieur est dans la salle, il fera les vérifications nécessaires par rapport à cette question.
Qu’en est-il de la question de la cherté de la vie, du gel des avoirs des enseignants ?
Concernant la cherté de la vie, nous devons parler de tout ce qui a été fait sur les revenus. Il y a un pan qui concerne les revenus et l’autre concerne le coût d’accès aux denrées alimentaires, au transport, au logement etc. Sur la période 2013 -2019, c’est plus de 1473 milliards de Fcfa injectés pour ce qui concerne les fonctionnaires pour améliorer leur pouvoir d’achat. Le Smig a été augmenté de 38.000 à 60.000 Fcfa. Les revenus au niveau des paysans, sur la période où les cours étaient bons, ont augmenté considérablement de 68%. En 2015, nous étions à plus de 5000 milliards de Fcfa de revenus distribués aux paysans. En 2017, nous devrions être autour de 6300 milliards de Fcfa de revenus distribués aux paysans. Il y a maintenant le problème des prix. En général, quand on parle de la cherté de la vie, les choses auxquelles on pense, il y a les denrées de premières nécessités.
A un moment donné, le gouvernement avait pris un décret qui bloque les prix et les marges en ce qui concerne les denrées de premières nécessités. Sur le logement, ce que nous comptons faire, c’est augmenter l’offre. Nous ferons tout pour que les logements qui sont construits et pour lesquels les acquéreurs n’ont pas pu accéder au logement, que les travaux de voirie et de réseau d’électricité et d’eau puissent être achevés pour le mois de septembre pour que tous ces logements puissent être livrés aux propriétaires. Nous avons aussi la loi sur le bail à usage d’habitation qui limite les avances à deux mois de loyer et les cautions à deux mois de loyer également. Dans cette loi, il y a des dispositions qui sont prises pour réprimer tous les bailleurs qui ne respecteraient pas cette disposition. Sur le transport, des efforts ont été faits au niveau de la Sotra.
Ces efforts ont réduit les coups de déplacement qui étaient extrêmement élevés. Avec l’augmentation du parc d’autobus qui permet à la Sotra de desservir encore mieux les populations. Des familles avaient renoncé à la scolarisation de leurs enfants du fait du coup élevé du transport. De 200 à 300 bus en 2011, aujourd’hui la Sotra a un parc de plus de 1200 bus. Nous avons de grands projets de transport de masse, comme le métro, qui viendront encore régler le problème de transport. Ce sont toutes ces choses sur lesquelles nous travaillons pour maitriser le coût de la vie pour les ménages. Nous allons amplifier ce travail pour que la vie soit facile pour nos compatriotes.
Une délégation du Fmi séjourne en ce moment en Côte d’Ivoire. Le gouvernement envisage d’émettre un Eurobond. Pouvons-nous avoir des détails sur la taille de l’Eurobond ?
C’est une mission statutaire classique. Nous sommes en programme avec le Fonds monétaire international depuis 2016. C’est un programme de trois ans qui s’achèvera en juin 2019. La mission a pour but d’évaluer les performances de notre pays à la fin de l’année 2018. Nous avons rempli tous nos engagements prévus dans le programme. De ce point de vue, la revue se déroule dans de bonnes conditions et devrait s’achever, le 27 mars. Les discussions sont en cours avec les ministères sectoriels. J’ai une rencontre avec la mission à mi-parcours, le 22 mars. Le président de la République recevra la délégation le 26 mars. C’est une mission statutaire normale et, a priori, elle va se conclure de manière positive.
Sur la question de l’Eurobond, on n’a pas d’Eurobond décidé pour cette année. Au niveau du budget, chaque année, nous avons des montants que nous devons rechercher sur les marchés. Ça peut-être le marché sous-régional ou le marché international. En fonction des conditions des différents marchés, nous prenons la décision, soit d’aller à l’international, soit de financer notre budget sur le marché sous-régional. Après analyse de la situation en ce qui concerne les marchés internationaux, nous n’avons pas encore pris la décision d’aller sur le marché international. Et nos options sont de financer notre besoin autour de 1450 milliards de Fcfa sur le marché sous-régional.
Nous avons également, pour une partie, lancé un appel d’offre au niveau des banques internationales pour des prêts directs. Cet appel d’offre est en cours de dépouillement pour environ 500 milliards de Fcfa. Le solde est à peu près à 900 milliards de Fcfa et sera levé au niveau du marché sous-régional. Si nous voulons aller pour un Eurobond, ce sera pour une opération spécifique qu’on appelle l’opération de rachat de dette, c’est-à-dire que nous regardons le profit de service de la dette, nous pouvons racheter une partie de la dette ancienne à des conditions meilleures qu’aujourd’hui.
Vous avez annoncé l’année dernière que la Côte d’Ivoire avait obtenu un accord pour aller sur le marché du CFA, c’est-à-dire faire une émission internationale qui devait être entre 150 et 200 milliards de Fcfa. Est-ce qu’on est toujours dans cette dynamique ?
Pour l’émission internationale en CFA, nous avons toujours le projet. Mais, il y a une série de conditions à remplir, notamment au niveau de la BRVM. Nous sommes en train de travailler avec les avocats aux fins de finaliser toutes les conditions préalables qui permettraient de pouvoir faire cette émission internationale en CFA. Quand on le fera, ce sera quelque chose d’important, car cela devra dire que des investisseurs internationaux dans le monde vont souscrire à des obligations ivoiriennes. Ceci est important, puisque cela élargi de manière automatique notre devise et le champ de nos possibilités. Nous y travaillons. Je suis convaincu que nous y arriverons. Si ne n’est cette année pour une tranche de 150 milliards, ce sera au plus tard l’année prochaine. Car ce sera une bonne opportunité pour le financement de nos besoins dans l’avenir.
Pouvez-vous revenir sur les différents chiffres de la croissance pour cette année et l’année dernière, notamment en termes de déficit budgétaire ?
Le taux de croissance de notre économie en 2018 a été de 7,4%. Il est projeté pour l’année 2019 à 7,7%. Le Fmi pense à 7,5%. Nous sommes relativement proches. Nous avons un déficit budgétaire de 4% par rapport au PIB pour l’année 2018. L’engagement que nous avons est d’avoir un déficit de 3% pour 2019. Ce qui est la norme communautaire. Tout cela doit être pris en compte dans les discussions avec les syndicalistes.
Dans le programme social, vous avez mis un accent particulier sur l’amélioration des conditions de vie des populations. Cependant, dans des zones du district d’Abidjan telles qu’Abobo, Cocody, Anyama, Yopougon… la pénurie d’eau se fait sentir à tel enseigne que des populations sont obligées de veiller. A quand la fin du calvaire ?
En matière d’approvisionnement en eau, nous n’avons pas de déficit. Aujourd’hui, nous devons être à une capacité de production de 600.000 mètres cubes par jour avec les investissements que nous avons eu à faire au niveau de Bonoua 1 et 2, Songon etc. Mais le problème que nous avons, c’est le problème des canalisations. Nous avons un certain nombre de canalisations qui sont vétustes et qui ne permettent pas d’avoir la distribution adéquate. Vous avez aussi des extensions de quartiers qui se sont faites où nous devons étendre le réseau de distribution d’eau. C’est ce programme qui est en cours. Il y a des financements qui sont déjà acquis. Que ce soit au niveau de la BNI, du C2D espagnol pour ce qui concerne spécifiquement Abobo. Une fois que nous aurons réglé le problème de canalisation des quartiers qui ont des difficultés d’accès à l’eau potable, ces questions seront automatiquement résolues. Nous avons déjà réglé la question de la capacité d’approvisionnement en eau potable de la ville d’Abidjan. D’ailleurs, au dernier conseil des ministres (mercredi 20 mars), un projet a été adopté sur l’approvisionnement de la ville d’Abidjan à partir de la rivière de la Mé et qui donnera une capacité supplémentaire de 250 mètres cubes par jour.
L’ancien président de l’Assemblée nationale, Soro Guillaume, a multiplié ses sorties au cours desquelles il dénonce le fait que, je le cite : « On fouille les biens des gens ». Y a-t-il des audits ciblés contre Guillaume Soro et ses proches ?
Je n’ai pas connaissance de « fouille des biens des gens ». Je ne comprends même pas ce que cela veut dire. Maintenant, un audit ne se déclenche que s’il y a des soupçons. S’il n’y a rien, il n’y aura pas d’audit. Mais s’il y a quelque chose, il y aura un audit. Ils ne peuvent pas prôner la bonne gouvernance matin et le soir nous proposer autre chose. Il n’y a pas de décision de principe d’audit. Il y a des données qui seront là. Nous espérons simplement que l’institution a été gérée normalement. C’est tout. Il ne faut pas qu’eux-mêmes anticipent. Est-ce une manière de dire qu’il y a quelque chose ? Personne ne fouille rien du tout. Mais, s’il y a des faits, les institutions de la République feront leur travail. Il n’y a pas de raison de s’acharner fondamentalement sur Guillaume Soro qui est un jeune frère. Ce qui s’est passé, c’est sa décision. Tels sont ses choix.
Après la libération sous conditions de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, la Côte d’Ivoire pourrait-elle envisager de les accueillir ?
Blé Goudé est libéré dans les conditions que l’on sait ainsi que le président Laurent Gbagbo. Nous avons, pour principe, de ne pas commenter les décisions de justice, qu’elles soient nationales ou internationales. Il n’y a pas aussi de requête spécifique de retour de sa part au pays. Le problème, à la date d’aujourd’hui, ne se pose pas au niveau du gouvernement. Une fois que les procédures seront achevées sur la base des méthodes propres à la Cpi, en ce moment-là, le gouvernement ivoirien avisera s’il y a des questions qui relèvent de sa compétence. Nous avons aujourd’hui pris note des différentes décisions de la Cour pénale internationale.
La campagne anacarde a été lancée. Mais, il y a des zones de production, notamment le Poro, la Bagoué, le Tchologo où les producteurs éprouvent encore des difficultés à écouler leurs productions. Y a-t-il une mesure spéciale permettant à ceux-ci d’écouler leurs productions ?
C’est une spéculation qui n’est, certes, pas en bourse, mais nous avons des indications sur les niveaux de transactions sur les marchés internationaux. Cette année, les coûts sont relativement bas. Nous sommes quasiment autour de 1300 tonnes. Nous étions arrivés à une proposition de 375 Fcfa le kilogramme pour l’achat de l’anacarde. A titre indicatif, le prix d’achat, l’année dernière était de 500 Fcfa le Kilogramme. Nous avons fait un point au niveau du comité interministériel des matières premières sur le déroulement de la campagne qui s’est ouverte mi-février. J’ai été interpellé et j’ai eu déjà à interpeller le directeur du Conseil coton-anacarde, puisqu’on nous a indiqué qu’il y a certaines régions où le prix de l’anacarde oscillait autour de 250 à 300 Fcfa dans le meilleur des cas en lieu et place des 375 Fcfa.
L’une des raisons évoquées, c’est que les acheteurs n’ont pas le financement nécessaire. Nous devons regarder pourquoi. Est-ce qu’il y a rétention au niveau des exportateurs ? Nous prendrons les mesures nécessaires pour que ce prix indicatif soit respecté. Les conditions de vie de nos paysans tiennent à cœur au gouvernement et particulièrement au chef de l’Etat. Mais, nous estimons que la mesure structurelle, c’est de transformer notre anacarde. La production cette année est prévue à environ 800.000 tonnes, le taux de transformation était en deçà de 10%. Nous avons aujourd’hui des progrès en termes de capacité installée et les projections que nous avons, nous indiquent que vraisemblablement en 2021, nous serons autour de 51% de transformation de l’anacarde. Une fois que nous aurons transformé l’anacarde chez nous et que nous aurons au niveau de cette chaîne de valeur décapé des valeurs supplémentaires, tout cela nous permettra de servir des prix améliorés à nos paysans.
La mesure à prendre, c’est de tout faire pour arriver rapidement à une transformation de l’anacarde. Mais ceci étant, le Conseil coton-anacarde travaille aussi à avoir des contrats avec un certain nombre de grands pays à des prix rémunérateurs. Il y a des discussions avec des Vietnamiens et des Chinois pour vendre des quantités de l’ordre de 200.000 tonnes d’anacarde. Ce sera pour nous une opération de vente de produit non transformé, mais avec l’idée en contrepartie de voir ces sociétés avec lesquelles nous avons fait des transactions de pouvoir venir s’installer en Côte d’Ivoire pour transformer l’anacarde. Mais ces contrats directs que nous pouvons conclure à des prix rémunérateurs vont eux aussi aider à pouvoir servir des prix meilleurs aux paysans que ceux que nous avons à la date d’aujourd’hui.
Sur le PND 2012-2015, l’objectif était de réduire de moitié le taux de pauvreté. 2015 s’est terminé avec un objectif de 46,3%, soit une baisse de 2%. Quel est l’objectif chiffré pour le PND 2016-2020 ? Que répondez-vous aux économistes qui disent que la Côte d’Ivoire a un bon taux de croissance, mais que son niveau de pauvreté reste encore très élevé ?
Je vous ai dit comment le taux de pauvreté a évolué. Il était de 20% en 1984. Il est passé à 38,8% en 1998. Il est passé à 51% en 2011. Les dates que je donne sont des dates repères pour comprendre l’évolution des choses. A partir de 2012, nous avons eu une inflexion à la baisse. Ceci étant, nous avons comme objectif de diminuer de moitié le taux de pauvreté dans le pays. Aujourd’hui, je ne pense que par rapport au taux de 51%, nous serons à 25% 2020. Une étude est en cours qui permettra de mesurer le taux de pauvreté avec des méthodes identiques dans l’ensemble de l’espace Uemoa. Mais pour le moment, nous devons être déjà pour 2018-2019 à un taux de pauvreté en deçà de 40%. Le programme social qui est en train d’être mis en place pour la période 2019-2020 devra voir une baisse prononcée. Vous aurez des chiffres bientôt sur le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire. Nous serons en dessous des 46% qui datent de 2015.
De cette date à aujourd’hui, vous imaginez bien qu’il y a eu suffisamment d’actions pour que le taux continue de baisser. Il y a eu la phase ascendante. Nous sommes à la phase descendante. Le projet de filets sociaux où nous allons passer de 50.000 à 100.000 familles bénéficiaires cette année. C’est un outil puissant pour faire baisser la pauvreté. La mise en place de la Couverture maladie universelle qui sera prise en charge en totalité par l’Etat pour les indigents, sera un outil puissant de réduction de la pauvreté. Les enseignants qui seront recrutés et qui feront que les parents qui cotisent dans certaines zones pour l’enseignement de leurs enfants, sont aussi un outil puissant de réduction de la pauvreté. Toutes ces mesures feront qu’en 2020 nous serons très confiants sur la baisse du taux de pauvreté.
L’an dernier, le ministre des Infrastructures économiques avait annoncé à l’Assemblée nationale le projet de construction d’un château d’eau dans chaque chef-lieu de sous-préfecture avant la fin de 2018. Un an après, où en sommes-nous avec ce projet ?
C’est plutôt dans les 31 régions que les problèmes de l’eau seront réglés. Nous avons quasiment bouclés un prêt avec EXIBAMK Chine pour les capitales régionales de notre pays pour régler les problèmes d’approvisionnement en eau potable. Maintenant, nous avons le programme ‘’Eau pour tous’’. Dans ce programme, nous avons la mission d’aller au-delà des capitales régionales pour régler le problème des sous-préfectures. Cela est un objectif et nous travaillons à la mobilisation des financements. Les financements qui sont acquis aujourd’hui sont ceux qui permettront aux capitales régionales de régler leurs problèmes d’eau de manière définitive. Nous sommes en train de travailler également dans le cadre du financement ‘’Eau pour tous’’ pour ce qui concerne les chefs-lieux de sous-préfecture.
Retranscrit par La Rédaction