« Le Rhdp ne gouverne pas la Côte d’Ivoire avec le Front populaire ivoirien (Fpi). On est libre. On a signé un accord avec eux pour que la réconciliation avance ».
Ces propos ont été tenus ce samedi 4 mai 2024, par le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan, à l’occasion d’une conférence de presse, au siège de son parti à Cocody.
Sur la vie politique, Affi a appelé à une alternance politique en 2025 pour marquer la fin d’un cycle dominé par les trois présidents qui ont succédé à Félix Houphouët-Boigny.
« 2025 verra l’ouverture d’une nouvelle phase dans l’histoire de notre pays », a t il affirmé.
« Nos compatriotes éprouvent une envie profonde de changement. L’alternance, c’est quelque chose de sain et de naturel dans une démocratie. C’est une respiration. C’est la possibilité de donner un nouveau souffle à notre pays. Et la Côte d’Ivoire a besoin d’un nouveau souffle. »
Critiquant sévèrement le bilan du gouvernement actuel, dirigé par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), Affi N’Guessan a souligné des « résultats macro-économiques flatteurs », mais a également mis en évidence « un taux d’endettement alarmant, un niveau de corruption écœurant, une misère révoltante, un indice de développement humain en régression et une espérance de vie à la naissance en recul. »
« Les Ivoiriens vivent mal et moins longtemps ! Ces résultats disqualifient tout discours sur la réussite économique de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire va mal ! » a-t-il ajouté, soulignant également les scandales de corruption à répétition qui secouent le pays.
En ce qui concerne le volet social, Affi N’Guessan a exprimé sa solidarité envers les populations en difficulté, telles que les familles touchées par les déguerpissements arbitraires et les producteurs de cacao confrontés à des systèmes injustes. Il a également rappelé la nécessité de mettre fin à un système politique basé sur le clientélisme et les prébendes, appelant à un projet politique inclusif pour le futur.
« Réussir l’alternance ne sera possible que sur la base de valeurs et d’un projet. La Côte d’Ivoire mérite un vrai débat programmatique. Notre projet s’adresse à tous les Ivoiriens. Le temps du ‘toujours plus’ pour une petite caste associée au pouvoir et du ‘jamais rien’ pour tous les autres, ce temps-là doit s’achever en 2025 », a conclu Affi N’Guessan.
Ci dessous le propos luminaire d’Affi Nguessan
« Je voudrais d’entrée vous remercier pour votre présence ce matin.
Cela fait un bon moment, que nous n’avions pas eu l’occasion d’échanger dans ce cadre de la conférence de presse.
Je me prêterai dans quelques minutes à toutes vos questions. Mais avant, vous me permettrez de vous livrer quelques mots d’introduction qui seront un peu plus long que d’habitude, cet exposé liminaire étant aussi le message que nous délivrons chaque année à l’occasion de notre traditionnelle ‘’Fête de la Liberté’’.
L’année dernière, nous étions à Man dans le Tonkpi où plus de 30.000 militants et sympathisants se sont retrouvés sans pains ni sardines, mais avec beaucoup d’enthousiasme et de joie pour célébrer la liberté.
Cette année nous avons choisi de bousculer la tradition pour faire de ce moment un temps de réflexion intellectuelle et politique. D’abord parce-que le FPI est en deuil. Nous venons de perdre notre vice-présidente Pierrette BLEHIDE, un visage de notre parti, que vous connaissiez bien puisqu’elle a longtemps été votre interlocutrice à la communication. Le temps du deuil ne se prête pas aux activités festives. Aussi, avons-nous décidé de privilégier cette année la réflexion autour de trois grandes questions : la liberté, la réconciliation et l’indispensable alternance que nous avons l’ambition d’incarner en 2025.
Liberté, réconciliation, alternance… : elles sont liées et d’actualité.
D’abord la LIBERTE
La Liberté est toujours une conquête. Elle est le fondement de la démocratie et de la bonne gouvernance. Encore aujourd’hui beaucoup de nos compatriotes sont privés de liberté ou contraints à l’exil pour leur engagement politique. Je salue la libération récente de plusieurs prisonniers politiques dont Soul to Soul, vice-président de Génération et Peuple Solidaire (GPS). Mais des progrès sont encore à réaliser. Il faut aller plus loin afin de vider nos prisons de tous ceux qui n’ont rien à y faire et dont l’incarcération balafre l’image du pays et enrhume la démocratie.
La liberté est un bien précieux qu’il nous faut encore approfondir, conforter pour arracher en 2025 des élections transparentes, fiables, qui garantissent à tous ceux qui le souhaitent, la liberté de pouvoir se présenter. La transparence n’est pas forcément dans la culture de nos gouvernants. Il faut l’imposer avec un scrutin inclusif qui garantit l’égalité des chances. C’est à ce prix que la Côte d’Ivoire sera gouvernée dans la paix et dans la stabilité par des dirigeants pleinement légitimes.
C’est d’autant plus indispensable dans le contexte international très tendu dans lequel nous évoluons. Des vents mauvais soufflent aux frontières de notre pays. Certains mots, certaines intentions nous alarment. Nous devons collectivement savoir préserver la Côte d’Ivoire. Un scrutin sans contestation renforcera notre pays, ses institutions, sa stabilité, sa sécurité.
Le contexte régional nous rappelle que la liberté n’est jamais un acquis. Il est marqué par la confiscation des libertés politiques dans toute une série de pays voisins et frères.
La liberté bâillonnée, c’est au Mali, la suspension des activités des partis politiques par des autorités de transition désormais en contrat à durée indéterminée.
La liberté bâillonnée, c’est au Burkina Faso, des opposants pourchassés, traqués ou envoyés au front en dépit de leur âge parfois avancé.
Les terribles massacres des femmes et des enfants, il y a quelques semaines dans les villages de Nodin et de Soro, nous prouvent que la liberté est le rempart contre les violations des droits de l’Homme.
La liberté bâillonnée, c’est en Guinée, des opposants historiques contraints à l’exil et condamnés à une vie d’errance et de souffrances physique et morale.
La liberté bâillonnée, c’est toujours une presse muselée, c’est vos confrères interdits de faire leur travail. C’est les lanceurs d’alerte en prison, afin que les insuffisances, les échecs, les massacres parfois, s’effectuent en circuit fermé.
La liberté bâillonnée, c’est enfin la situation au Niger, pays pour lequel j’aurai une mention particulière. Le président légitime et démocratiquement élu, notre camarade et frère Mohamed Bazoum est confronté à une situation que je dénonce depuis plus de 9 mois. Le chef de l’Etat est, vous le savez, séquestré avec son épouse, au mépris de ses droits élémentaires. Il vit de manière très précaire, sans le moindre contact avec l’extérieur, victime de la cruauté des hommes.
Sa situation traduit en réalité notre impuissance collective. Celle de la CEDEAO, celle de la communauté internationale tout entière. Cette prise en otage d’un président de la République ne serait tolérée nulle part ailleurs que sur notre continent. C’est pourquoi, je voudrais solennellement demander aux chefs d’Etat en exercice dans nos pays respectifs de ne pas l’abandonner. N’abandonnons pas BAZOUM !
Le combat pour sa libération doit être mené jusqu’au bout. Mohamed Bazoum est un exemple de courage, de force morale et mentale. Il mérite mieux que notre démission collective. La junte militaire doit trouver une sortie de crise honorable qui garantisse le retour du Niger dans le concert des Nations démocratiques et la mobilisation de toutes les forces vives de la nation contre l’ennemi commun : le terrorisme djihadiste.
La Cour d’Etat du Niger a mis en délibéré jusqu’au 10 mai la question de la levée de l’immunité présidentielle du président élu. Il s’agit d’une fuite en avant qui ne constitue nullement la solution à la situation de crise que traverse le pays. Cette demande est en outre illégale puisqu’une telle procédure ne s’applique qu’à un ancien président et que Mohamed Bazoum n’a pas démissionné de ses fonctions. Je lance donc un appel à la Cour d’Etat afin qu’elle se montre à la hauteur de l’enjeu. Au Sénégal, le Conseil Constitutionnel a donné l’exemple en rappelant le droit et seulement le droit de façon magistrale au moment où le fonctionnement démocratique de ce pays vacillait. Au Niger, je souhaite qu’à son tour, la Cour d’Etat se montre à la hauteur de l’enjeu : le droit ne peut pas et ne doit pas voler au secours d’un acte anticonstitutionnel, d’un coup d’Etat.
Face à la liberté bâillonnée, il ne faut jamais baisser les bras. Il ne faut jamais se résigner. Chaque mètre de terrain perdu en matière de liberté a un coût politique, économique et social trop lourd pour être toléré.
Pour cette raison, je le redis, nous devons rester mobilisés en permanence pour la défense de la liberté. Notre mobilisation est la meilleure manière de protéger la Côte d’Ivoire notre pays.
Liberté donc, réconciliation ensuite
Nous sommes aujourd’hui le 4 mai. C’est à deux jours près le premier anniversaire du partenariat pour la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie que nous avons signé le 2 mai 2023 avec le parti au pouvoir.
A ce propos, permettez-moi de revenir un instant sur ce mot de « partenariat », qui semble entretenir au niveau de certains de nos compatriotes des confusions. Les choses ont pourtant toujours été claires. Au moment de la signature, j‘ai eu les mots suivants :
« Dédié à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et à la démocratie, ce partenariat n’est évidemment pas un partage de postes et de gâteaux. Notre pays n’est pas une friandise et le pouvoir n’est pas un restaurant. Chacun est dans son rôle.
Travailler ensemble à conforter la réconciliation, la cohésion et la démocratie, travailler à l’apaisement des cœurs, n’exclut d’ailleurs pas la compétition entre nous. Chacun continuera à défendre ses idées, son projet ».
Et c’est bien ce qui s’est passé depuis un an. Ce n’est pas avec nous que le RHDP gouverne la Côte d’Ivoire. Le RHDP défend son pouvoir et dans l’opposition, nous défendons nos idées.
Alors, où en sommes-nous de la réconciliation ? Je le redis avec tristesse : notre réconciliation est inachevée. D’expérience, une réconciliation au sortir d’une grave crise comme celle qu’a traversée la Côte d’Ivoire doit obéir à quatre principes : le principe de vérité, de justice, de réparation des torts aux victimes, de réformes pour garantir la non-répétition des crises.
Certes, de nombreux actes ont été posés, depuis la CDVR jusqu’au programme national de cohésion sociale en cours à l’heure actuelle. Des exilés sont rentrés, des prisonniers politiques ont été libérés, des comptes bancaires dégelés, des fonctionnaires réintégrés dans leurs emplois, etc.
Mais à l’heure actuelle, pouvons-nous sérieusement affirmer que la vérité sur les crises qui ont endeuillé et divisé le pays est connue ? Que les responsabilités des uns et des autres ont été posées ?
Toutes les victimes de nos différentes crises ont-elles été identifiées de façon exhaustive, inclusive et prises en compte dans les programmes de réparations, que ceux-ci soient d’ordre moral, matériel et financier ?
Ensuite, les Ivoiriens partagent-ils à l’heure actuelle une analyse unanime des causes des affrontements du passé ? Des réformes consensuelles et adéquates qu’elles soient d’ordre constitutionnel, législatif, administratif et sécuritaire ont-elles été mises en œuvre pour garantir la non- répétition de ces crises ?
A toutes ces questions, on ne peut pas répondre par l’affirmative.
Pour toutes ces raisons et au nom du partenariat pour la réconciliation, nous avons proposé au RHDP de tenir un séminaire national sur ce sujet. Le thème retenu est « Réconciliation nationale et cohésion sociale en Côte d’Ivoire : bilan et perspectives ». Avec deux grands sous-thèmes qui embrassent l’ensemble des problématiques liées à la réconciliation nationale et la cohésion sociale: « Vérité, victimes et réparations » d’une part ; « causes et réformes » d’autre part.
Ces réflexions seront menées à la lumière des expériences africaines de Justice transitionnelle.
Nous proposons que ce séminaire soit ouvert à toutes les composantes de la Nation ivoirienne:
- Les représentants du gouvernement et des corps constitués ;
- Les représentants de la société civile, des couches socio-professionnelles, des Régions et des communautés ;
- Les experts et représentants des partenaires au développement ;
- Les représentants des victimes des crises.
Ce séminaire nous permettra de convenir des mesures d’approfondissement du processus de réconciliation et de consolidation de la cohésion nationale afin de « passer d’un passé divisé à un avenir partagé ».
Le président du RHDP a été saisi par courrier de cette initiative. Les premiers retours sont positifs et un groupe de travail devrait être mis sur pied dans les prochains jours pour analyser le projet et convenir des modalités de son organisation.
Une campagne de promotion de ce projet sera engagée dans les jours à venir.
La paix et la stabilité de notre pays en dépendent !
Enfin, l’alternance
Nous le savons tous, la Côte d’Ivoire est à la fin d’un cycle politique. Ce cycle a été rythmé par les trois présidents qui ont alternativement succédé à Félix Houphouët Boigny. 2025 verra l’ouverture d’une nouvelle phase dans l’histoire de notre pays.
Nos compatriotes éprouvent une envie de changement, une envie profonde de changement.
L’alternance, c’est quelque chose de sain et de naturel dans une démocratie. C’est une respiration. C’est la possibilité de donner un nouveau souffle à notre pays. Et la Côte d’Ivoire a besoin d’un nouveau souffle.
Quel bilan aujourd’hui pour le pouvoir RHDP : des résultats macro-économiques flatteurs, un taux d’endettement alarmant, un niveau de corruption écœurant, une misère révoltante, un indice de développement humain en régression qui place la Côte d’Ivoire en queue de peloton des pays du monde, une espérance de vie à la naissance en recul, de 58 à 57 ans. Les Ivoiriens vivent mal et moins longtemps !
Ces résultats disqualifient tout discours sur la réussite économique de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire va mal !
Notre vie politique est aujourd’hui rythmée par des scandales de corruption à répétition qui mettent à mal la confiance envers nos dirigeants et nos institutions.
Sur le plan social, en ville comme à la campagne, nos concitoyens souffrent. Nous sommes à leurs côtés lorsque des familles entières sont victimes de déguerpissements au mépris des règles élémentaires d’humanité. Nous sommes aux côtés de nos producteurs de cacao, victimes d’un système inique de fixation du prix qui les maintient dans une situation de pauvreté endémique. C’est pour défendre leurs intérêts et leur dignité que nous avons demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire.
Nous porterons en 2025 la voix du peuple de Côte d’Ivoire, ce peuple qui se lève tôt et se couche tard ; ce peuple qui se sent peu respecté, peu considéré. Nous porterons son combat pour la justice et la dignité.
Face aux héritiers d’un système à bout de souffle, l’alternance sera une rupture et un nouveau départ.
Réussir l’alternance ne sera possible que sur la base de valeurs et d’un projet. La Côte d’Ivoire mérite un vrai débat programmatique. Il se tiendra entre d’une part les héritiers d’un système qui marque chaque jour ses limites et d’autre part le candidat de la rupture, le candidat du changement, le candidat de l’espérance, qui sortira de nos rangs.
Notre projet s’adresse à tous les Ivoiriens. Le temps du « toujours plus » pour une petite caste associée au pouvoir et du « jamais rien » pour tous les autres, ce temps-là doit s’achever en 2025.
Les nominations inutiles et dispendieuses comme lots de consolation ou pour neutraliser toute velléité d’exister par soi-même, ce temps-là doit s’achever en 2025. Il faut en finir avec un système politique fondé sur les prébendes et le clientélisme. Ces méthodes ne seront jamais les nôtres.
Notre ambition est de fonder une Nation démocratique, unie dans sa diversité socioculturelle, ouverte sur le monde, dont la prospérité est durable, assise sur une économie industrielle, diversifiée, compétitive et pourvoyeuse d’emplois.
Cette ambition passe par quatre (4) ruptures :
- Rupture au niveau de l’Etat et de la pratique du pouvoir ;
- Rupture au niveau de nos choix sécuritaires et diplomatiques ;
- Rupture au niveau de notre modèle de développement ;
- Rupture au niveau de nos priorités sociales et culturelles.
Cette vision, ces quatre ruptures seront portées par sept piliers stratégiques, les piliers de la renaissance.
– Premier pilier : la Côte d’Ivoire, une nation démocratique, unie dans sa diversité socio-culturelle et attachée à la justice.
– Deuxième pilier : la Côte d’Ivoire, un smart power diplomatique et militaire, au service de la sécurité nationale, de la souveraineté africaine et de la paix dans le monde.
– Troisième pilier, la Côte d’Ivoire, grenier de l’Afrique de l’Ouest, une puissance industrielle et digitale et une économie diversifiée, performante et pourvoyeuse d’emplois.
– Quatrième pilier, une infrastructure technique et technologique moderne et diversifiée pour la renaissance économique et sociale.
– Cinquième pilier, la Côte d’Ivoire, un peuple de culture, de connaissances et de compétences pour une Nation de modernité sociale, de créativité, d’abondance, d’excellence et de paix.
– Sixième pilier, la Côte d’Ivoire, une référence en matière écologique, de développement durable et de bien-être.
– Septième pilier : un cadre macroéconomique robuste pour une prospérité durable
Réussir l’alternance nous impose de nous mettre en ordre de bataille. Cela passe par la décentralisation de l’organisation du parti et la responsabilisation des cadres régionaux à travers des contrats d’objectifs. Avec l’opération ‘’Marée Bleue’’, nous ambitionnons de recruter 648000 adhérents d’ici la fin de l’année.
Avec l’opération ‘’N’zrama’’, nous disposerons d’un maillage territorial composé de 10.000 sections qui seront autant d’agents électoraux pour la victoire en 2025.
Réussir l’alternance implique une stratégie globale de reconquête. En 2015, notre candidature à notre sortie de prison relevait pour le FPI de l’affirmation de sa capacité de résilience et donc de survie. Je ne reviendrai pas sur 2020. En 2025, nous n’allons pas à l’élection pour participer. Nous y allons pour gagner. Ensemble, avec et pour le peuple de Côte d’Ivoire.
Je vous remercie
Pascal AFFI N’Guessan
Président du FPI