L’œil aux aguets, Barro Bachirou, 60 ans, observe les véhicules roulant à vive allure. Convaincu que la plus petite inattention dans sa traversée, pourrait lui coûter la vie, il attend impatiemment que la voie soit dégagée pour se précipiter de l’autre côté.
« Mes yeux ne voient pas bien. Je traverse avec quelqu’un. Aller à la mosquée de l’autre côté est un problème », témoigne l’homme, la gorge nouée, planté au bord de la voie.
Il n’est pas seul à vivre ce cauchemar. Mamadi Sangaré, un autre sexagénaire rencontré dans un restaurant installé sur l’axe, explique que lorsque le trafic est dense, il peut passer près d’une trentaine de minutes à attendre.
« Pour traverser, tu peux attendre près d’une heure qu’il y ait moins de véhicules. De Adjamé à Anyama, c’est une autoroute. Il n’y a même pas de ponts piétons », regrette t il.
Sur cette autoroute, en plus de l’inexistence de ponts piéton, les feux tricolores se comptent du bout des doigts. De plus les véhicules, les motos et les tricycles, qui roulent à vive allure, augmentent le risque d’accident.
« Pour traverser, c’est difficile. Les motos sont dangereuses. Vers 18h et 19h, elles roulent sans phares », regrette Barro Bachirou.
« Pour les voitures, tu peux vite traverser, mais pour les motos, tu peux les voir de loin et au moment de finir ta course, elles sont déjà là. Les conducteurs de motos n’ont jamais fait d’auto-école et n’ont aucune notion », accuse-t-il.
Des bénévoles à la rescousse
Pour aider les usagers à traverser la voie plus facilement, l’association des usagers des transports terrestres de Côte d’Ivoire a vu le jour sur cet axe. Cinq personnes se relaient à Anokoi-Kouté et cinq à Plaque Anador.
Présidée par Akichi Ncho Omer, cette structure travaille et défend les intérêts des usagers des transports terrestres, avec la permission de l’OSER, à l’aide de panneaux et chasubles.
« J’ai engagé ce combat parce que la voie express partant d’Adjamé à Anyama n’a pas de pont piéton. Nous avons décidé de sécuriser cette voie, c’est-à-dire ces zones noires. », nous confie t il.
« On ne peut pas passer une semaine sans avoir au moins cinq accidents. Nous avons dit, au lieu de lutter contre autre chose pour l’instant, nous devons défendre et lutter pour le bien-être des passagers et des transportés. C’est ainsi que nous avons choisi deux zones à Abobo : Plaque Anador et Anokoi-Kouté », a précisé Akichi N’cho.
« Ce sont les embouteillages. Quand on leur demande de s’arrêter, ils obtempèrent. Ici, on ne fait plus d’accidents corporels quand on est là», assure l’homme.
Grâce à leurs efforts, les accidents ont drastiquement diminué. Cependant, pour mener à bien leur travail, ils plaident pour plus d’aide de l’État.
« La sécurité routière, c’est le devoir du ministère des Transports. Nous demandons de l’aide pour agrandir notre champ d’action. Plus nous sommes nombreux, mieux nous pouvons couvrir les secteurs les plus dangereux », souhaite-t-il.
Comme lui, Bakari, un pousseur de brouette, souhaite aussi, en attendant la construction de ponts, des feux tricolores et des policiers pour patrouiller dans le secteur la nuit tombée.
« On demande des feux tricolores et des policiers pour patrouiller. Nous perdons des brouettes. Ils ont volé cinq ou six brouettes. Le matin, pour traverser, c’est la pagaille ! », a-t-il indiqué, soulignant qu’à la veille de notre passage, un homme a été renversé par un véhicule.
Sanogo Djomolo, réparateur de fauteuils de véhicule à Plaque Anador, plaide pour sa part pour plus d’éclairage sur la voie, pour une meilleure visibilité. « Quand il fait nuit, il n’y a pas assez de véhicules qui passent. Il y a aussi l’insécurité. Les délinquants arrachent les portables et fuient avec. Mon souhait, c’est qu’on construise un pont piéton. »
Bila Abdoulaye, vendeur de bois, demande un feu tricolore au niveau du 32e, pour faciliter la traversée tant pour les piétons que pour les vendeurs de bois.
Fulbert Yao (herrwall2007@yahoo.fr)