En Côte d’Ivoire, les jeunes laveurs ambulants de pare-brise sont régulièrement aux aguets des véhicules aux feux tricolores ou coincés dans des embouteillages sur les grandes artères, au péril de leur vie.
Tous mineurs, Karamoko Abdoulaye et ses amis ont entre 9 et 14 ans. Vêtements et “lèkê” (chaussures fermées ivoiriennes) presque usés, bouteille en plastique contenant de l’eau savonneuse et brosse de nettoyage en mains comme matériel de travail. Ces gamins attendent que le feu tricolore passe au rouge pour se précipiter vers les voitures dans l’optique de laver des pare-brises, en quelques secondes. Parfois, on les laisse faire moyennant des pièces de 50 Fcfa ou 100 Fcfa. Mais ils croisent parfois des conducteurs qui les rabrouent sans ménagement. Ce petit métier est prisé par les adolescents, surtout pendant les vacances. Ces derniers ont pour champ d’activité les grandes artères de la ville d’Abidjan. Le jeune garçon, Karamoko Abdoulaye, est l’un des anciens. Il a plus de cinq années à son actif. Habitant de la commune d’Adjamé, il détient toutes les astuces pour approcher les automobilistes. Ce dernier zigzague entre les véhicules et prend même le risque de poser un pied gauche entre les jantes d’une voiture et hop ! Une autre vitre est lavée. Ce petit job, Karamoko Abdoulaye l’exerce malgré les dangers, soucieux de contribuer aux dépenses de sa famille. Sa zone de prédilection est le carrefour “Opéra” de la commune de Cocody-Angré. « C’est un travail que je n’aime pas. Mais je suis obligé de le faire pour avoir un peu d’argent sur moi. Je peux gagner près de 5000 Fcfa par jour », révèle-t-il. Les frères Konaté Ibrahim et Abdoul Ibrahim sont engagés dans cette aventure. Ces apprentis mécaniciens de formation n’hésitent pas à quitter la commune de Yopougon pour les 2-Plateaux, un quartier de la circonscription administrative de Cocody, afin de gagner quelques pièces d’argent. Ce groupe d’ados, après le carrefour “Opéra”, met le cap en milieu d’après-midi sur le carrefour Williamsville, situé dans la commune d’Adjamé, qui fourmille de véhicules en tout genre. « Mon frère et moi faisons ce travail à nos heures perdues. Souvent, nous venons à l’insu de notre patron. Mais nous l’exerçons pour avoir un peu d’argent sur nous. Ce, afin de subvenir à nos besoins. En tant qu’apprentis mécaniciens de voiture, nous ne sommes pas payés et ce métier nous aide énormément. Notre père rencontre de petits soucis au niveau de son travail. C’est pour cela qu’il ne peut pas payer comme il se doit pour nos études. Nous sommes donc obligés de faire cette activité que je commence à aimer », raconte Ibrahim Konaté tout en laissant échapper un sourire. Ce petit job, Gohibi Cédric en fait sa passion. Selon l’adolescent de 11 ans, une grande part du butin récolté après une journée de travail revient à sa mère pour l’achat de nouveaux vêtements et chaussures. Un travail qui n’est pas sans risque, le dit-il, conscient des dangers auxquels il s’expose au quotidien. « C’est une activité dangereuse surtout pour nous autres. À la moindre inattention, on peut se faire renverser par les motocyclistes qui se faufilent parmi les véhicules stationnés, et même par certains automobilistes. Cependant, je continue cette activité puisqu’elle me permet de gagner beaucoup d’argent pour subvenir à mes besoins », explique-t-il.
Les avis sont partagés
Ce métier exercé la plupart du temps par des adolescents force l’admiration de Koffi Akissi Chantale, une automobiliste qui n’hésite pas à tendre quelques jetons au premier qui se pointe. Pour elle, il n’y a aucune raison de les refouler. « Ce sont des enfants vraiment courageux qui ne s’adonnent pas au vol. En tout cas, j’admire leur courage », déclare-t-elle l’air satisfaite. Ce sentiment de fierté est aussi partagé par Martial Kouamé. Il trouve également ce travail noble et courageux, prisé des enfants. Il raconte les années où il a fait le même job dans son enfance. Toutefois, cet avis n’est pas partagé par Bruno Tanho, conducteur de taxi intercommunal. Il condamne vigoureusement l’activité, au point où il n’hésite pas à refouler ces enfants avec violence parfois accompagnée d’injures. « Tout à l’heure, j’ai refusé qu’il touche à mon pare-brise parce que le feu tricolore était presque vert. Je trouve cela dangereux », explique-t-il. De son côté, Koné Aboubacar laisse ses essuie-glaces faire tout le travail. Il leur interdit de s’approcher de sa voiture. Car, selon lui, les produits qu’ils utilisent abîment sa vitre. Natacha Kouadio, pour sa part, refuse catégoriquement cette activité. « C’est mieux de quémander de l’argent que de s’exposer aux dangers qui peuvent coûter la vie de ces gamins », lance-t-elle énervée.
Meshack Eman (Stg)