Au cours du compte rendu du conseil des ministres tenu ce mercredi, le ministre ivoirien de la communication et porte-parole du gouvernment Amadou Coulibaly a répondu aux préoccupations des journalistes sur plusieurs sujets d’actualité, notamment la rétrocession du camp du 43e BIMA, la présence militaire française en Côte d’Ivoire, les tensions diplomatiques avec le Burkina Faso, ainsi que les enjeux liés aux prochaines élections présidentielles. Il a également abordé la question de la sécurité liée à l’arrivée du nitrate d’ammonium et les attentes autour de la candidature d’Alassane Ouattara.
Ci dessous, l’Intégralité des échanges
Venance Aka, journaliste au Quotidien de l’Inter : Bonjour, M. le Ministre. Avant de poser ma question, je voudrais, comme vous l’avez fait tout à l’heure, vous renouveler nos vœux de santé. Puisse Dieu permettre que 2025 soit une belle année pour nous tous. M. le Ministre, lors de son adresse à la Nation le 31 décembre, le Chef de l’État a annoncé la rétrocession du 43e BIMA. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Qu’est-ce que cela implique ? Quand on parle de rétrocession, cela signifie-t-il que l’armée française installée à la base de Port-Bouët quittera totalement la Côte d’Ivoire, ou bien sera-t-elle présente sous une autre forme ? C’est là ma première préoccupation. La seconde porte sur la sortie de l’ancien Président de la République, Laurent Gbagbo, qui, récemment, lors du Comité central de son parti, a annoncé que l’ONU avait été saisie pour son inscription sur la liste électorale et que l’ONU aurait écrit à la Côte d’Ivoire pour lui enjoindre d’inscrire son nom. En avez-vous un peu plus sur ce dossier ? Je vais m’arrêter là. Merci beaucoup, M. le Ministre.
Pour ce qui concerne la première question, je voulais déjà vous dire merci pour vos vœux. Sur la rétrocession du 43e BIMA, je pense que le terme est assez clair. On parle de rétrocession, ce qui signifie que ce camp revient à la Côte d’Ivoire. Et moi, je ne connais pas de casernes où plusieurs armées de pays différents cohabitent. Une fois que ce camp nous a été cédé, il nous appartient entièrement. Sauf si je n’ai pas bien compris votre question. Il faut savoir que ce processus est ancien. Des discussions et des négociations ont été menées depuis longtemps pour arriver à cette conclusion, selon laquelle le camp du 43e BIMA revient à la Côte d’Ivoire. Vous avez dû remarquer d’ailleurs que le nom du camp va changer. Le Chef de l’État a indiqué qu’il portera désormais le nom d’un de nos illustres et vaillants militaires, le premier chef d’état-major ivoirien, le général de corps d’armée Thomas d’Aquin. Cela constitue la meilleure preuve que ce camp nous revient, puisque nous en changeons même le nom.
Concernant votre seconde question, l’ONU aurait écrit, mais nous attendons encore cette lettre. Ceux qui disent l’avoir peuvent la mettre à disposition. Pour ma part, je n’ai pas été informé de ce courrier
Bonjour M. le ministre, Cyprien Kouassi pour Abidjan.net. Je vous réitère également mes vœux les meilleurs pour cette année 2025. M. le ministre, justement, sur la question du retrait des troupes françaises en Côte d’Ivoire, le président de la République française a fait une sortie qui a fait couler beaucoup d’encre. Certains pays ont réagi, notamment lorsqu’il a traité d’ingrats les chefs d’État africains. Que répond le gouvernement ivoirien vis-à-vis de cette sortie de M. Macron ? Ma seconde question porte sur le rappel de l’ambassadeur du Burkina Faso et bien d’autres diplomates de ce pays en Côte d’Ivoire. Est-ce que l’information est confirmée par les autorités ivoiriennes ? Sinon, dites-nous un peu plus sur cette histoire. Merci M. le ministre.
Nous n’avons aucun commentaire à faire sur les propos du président Macron. Pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le chef de l’État ivoirien, lors de son intervention, a été assez clair sur les conditions dans lesquelles le camp du 43e BIMA nous a été rétrocédé. Il n’y avait aucune ambiguïté là-dessus. Quant aux pays qui devraient être reconnaissants envers la France, en tout cas, je ne me souviens pas que la France ait mené des combats pour la Côte d’Ivoire, donc nous ne sommes pas particulièrement concernés par ces propos. Nous avons eu une collaboration avec la France, avec l’armée française, dans le cadre d’une coopération connue et claire. Nous avons des relations anciennes avec la France, avec laquelle nous avons toujours eu de bonnes relations. Après l’intervention du chef de l’État, qui a été très clair sur les conditions dans lesquelles les négociations et les discussions ont été menées pour aboutir à cette rétrocession du camp du 43e BIMA, nous n’avons pas d’autre commentaire à faire. Je pense qu’il faut revenir au discours du président de la République pour voir peut-être que ses propos concernaient d’autres pays, mais pas la Côte d’Ivoire.
Concernant le Burkina, non, nous n’avons pas encore été informés par le ministère des Affaires étrangères, mais si tel était le cas, le ministère des Affaires étrangères informerait le gouvernement, et à partir de ce moment-là, vous aurez une réaction
Monsieur le ministre, bonjour. Je suis Yapi Coulibaly pour le quotidien Le Jour. Le bateau Zimrida transportant du nitrate d’ammonium, un produit inflammable et dangereux, a accosté au port d’Abidjan. Sa cargaison est en train d’être déchargée en ce moment. Malgré la peur et la crainte de la population ivoirienne, pouvez-vous rassurer le peuple de Côte d’Ivoire que ce produit n’est pas dangereux pour lui ?
Je ne peux pas rassurer plus que ce que le Port Autonome a déjà communiqué. Personne n’a dit que ce n’était pas un produit dangereux, mais Dieu seul sait combien de produits dangereux entrent dans le pays dans le cadre de l’industrie chimique. Ce n’est pas la première fois que nous manipulons des produits dangereux. Il faut donc arrêter de se faire peur. Ce n’est pas très sérieux. C’est un produit utilisé dans la fabrication d’engrais. Nous avons besoin d’engrais pour développer notre agriculture, et nous avons des objectifs de souveraineté alimentaire. Donc, à partir de ce moment, il n’y a aucun problème. Il s’agit d’une transaction privée. Ce n’est pas la première fois que ce produit entre dans le pays et contribue à la fabrication d’engrais. Je ne vois donc pas pourquoi on cherche à semer la panique, à effrayer les populations, s’il n’y a pas une autre intention derrière. Ce n’est pas un produit qui entre frauduleusement dans le pays. C’est un produit qui, certes, est dangereux, mais qui est destiné à la fabrication d’autres produits, notamment des engrais. Les explosifs sont également dangereux, mais lorsqu’ils sont utilisés par les industries minières pour entrer en Côte d’Ivoire, cela ne suscite pas une telle psychose. Voilà, et ce n’est pas le seul cas de produits dangereux qui entrent dans le pays. Ces produits font partie de la vie industrielle de nos pays. Ce qui compte, c’est l’usage qui en est fait, et dans ce cas, l’usage est très clair : il s’agit de fabriquer des engrais. Je ne vois donc pas le problème. C’est un produit que les gens transportent très souvent. Parfois, il est même exporté vers les pays de l’Interland, qui l’utilisent dans leur propre industrie chimique pour fabriquer des engrais. Je n’ai pas d’autres commentaires à faire. Les communiqués du port ont été assez explicites. Vous avez même effectué une visite sur le bateau, si je me souviens bien, il y avait plus d’une trentaine de journalistes présents. Ne pensez-vous pas que si c’était un produit vraiment dangereux, on vous aurait permis d’embarquer ? À moins que vous soyez des téméraires, ou que vous n’ayez pas peur de risquer votre vie dans l’exercice de votre métier. Mais il n’aurait pas été responsable pour le gouvernement de vous laisser côtoyer un produit dangereux. Si vous avez pu accéder au bateau et voir le produit, c’est que sa dangerosité est parfaitement maîtrisée.
Bonjour M. le ministre, Pierre Donadieu de l’AFP. Bonne année 2025. Je voudrais revenir sur des propos que vous venez de tenir concernant le 43e BIMA. Vous avez dit que vous ne connaissiez pas de camps où deux armées cohabitent. Toutefois, selon nos informations, quelques soldats français resteraient sur le camp ivoirien dans le cadre de la coopération militaire. Est-ce à dire qu’il n’y aura plus du tout de présence militaire française en Côte d’Ivoire dans les mois à venir ?
Dans tous les cas, vous savez qu’il y a toujours une forme de présence militaire dans le cadre des coopérations. Après, la question se pose en termes de quantité. Il faut voir. Nous avons des conseillers militaires qui, parfois, sont présents dans nos états-majors, parfois dans les ministères. Ce n’est pas uniquement les Français. Les Américains font de même, ainsi que d’autres nations. Dire qu’il n’y aura plus de présence du tout, c’est remettre en cause les accords qui lient nos pays. D’ailleurs, dans la plupart des ambassades, il y a des attachés de défense dont le rôle est justement de promouvoir la diplomatie militaire, la diplomatie de l’armée. Donc, cette forme de coopération va continuer. Mais ce ne sera pas un camp d’intervention, tel qu’il était prévu, avec un bataillon et les effectifs qui étaient initialement envisagés. Nulle part il n’a été question de rompre toute coopération avec la France. Ce n’est pas le cas. Mais c’est notre camp. Il nous revient, et il porte désormais le nom de Général Thomas d’Aquin. Il sera administré par les Ivoiriens.
Bonsoir, M. le ministre. Je suis Paul Kouakou du quotidien Le Mandat. Nous sommes à quelques mois de la présidentielle. Plusieurs cadres du RHDP, et pas seulement eux, ont appelé à ce que le président de la République se porte candidat. Est-ce possible qu’il ne réponde pas favorablement à un tel appel ? Et quel est son état d’esprit actuellement ?
Je peux répondre plus facilement à la dernière question. Le président est en forme. Nous venons tout juste de sortir d’un conseil, et je peux vous assurer qu’il a un excellent état d’esprit. Surtout que l’année 2024 s’est très bien terminée. Les résultats macroéconomiques du pays sont positifs. Nous avons de bons résultats en matière de gestion. Vous vous souviendrez que nous avons terminé l’année avec une annonce du FMI qui saluait les performances de notre économie et qui, de ce fait, a débloqué des ressources pour accompagner le pays. Avec toutes ces bonnes nouvelles, en ajoutant à cela les dernières découvertes dans le secteur minier, comme le pétrole, le gaz et les deux mines d’or de classe mondiale, le président va très bien. Je peux donc répondre avec assurance à cette question : il est dans un excellent état d’esprit. D’ailleurs, aujourd’hui, le conseil était très détendu, et nous avons beaucoup ri, ce qui montre à quel point il est serein. Son état d’esprit est irréprochable.
Quant à la première question, de savoir s’il est possible qu’il ne réponde pas favorablement, je n’ai pas de boule de cristal, je suis désolé. Nous attendons tous sa décision. Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas seulement des cadres du RHDP qui appellent à sa candidature. Il y a aussi eu des appels de différentes couches de la population : des femmes, des jeunes, des agriculteurs. Cela va bien au-delà du cadre des militants du RHDP, comme vous l’avez suggéré. Une large frange de la population le souhaite, probablement en raison du travail accompli et de la position actuelle de la Côte d’Ivoire.
Je rappelle que nous sommes, en termes de puissance économique en Afrique de l’Ouest, le deuxième pays après le Nigeria. Si vous regardez notre démographie, nos richesses par rapport aux géants comme le Nigeria, vous pouvez imaginer les performances réalisées pour nous permettre d’atteindre ce niveau. Nous sommes également dans les dix pays africains les plus développés économiquement, occupant la neuvième place, et nous sommes le troisième pays francophone du continent après l’Algérie et le Maroc.
Avec de telles performances, il n’est pas étonnant que les Ivoiriens souhaitent que le président poursuive sa mission. Ils aiment leur pays, ils veulent qu’il continue de se développer, qu’il soit fort et puissant, et qu’il devienne une véritable puissance régionale. Et pour le moment, celui qui incarne cet espoir, c’est Alassane Ouattara. Tout le monde attend. Notre souhait le plus ardent est qu’il réponde favorablement. Et ils sont nombreux à prier pour cela.
Bonjour, monsieur le ministre. Je suis Patrice Allegbé, journaliste à Apanews. L’opposition, notamment le PPACI, appelle à un dialogue politique en vue de la réforme du processus électoral en Côte d’Ivoire avant la présidentielle d’octobre 2025. Est-ce que le gouvernement prévoit un dialogue politique avec les partis de l’opposition avant ces élections ?
Je souhaite d’abord bien comprendre ce qu’on entend par « dialogue politique » et pourquoi il est nécessaire. Nous avons déjà eu un dernier dialogue politique. Ce dernier a permis de passer en revue toutes les préoccupations. Une des conclusions principales de ce dialogue a été de dire que nous sommes désormais un État de droit, où toutes les institutions sont installées et fonctionnent. La recommandation issue de ce dialogue a été claire : tous les problèmes relevant d’une institution doivent désormais leur être posés directement. Tant que nous étions dans une phase de transition, où toutes les institutions n’étaient pas encore installées, il était compréhensible qu’il soit important que tous les acteurs politiques se réunissent pour voir comment trouver des solutions ensemble. Mais aujourd’hui, le constat est fait que toutes les institutions sont installées et fonctionnent. Il est donc temps de s’adresser à ces institutions. C’est ainsi que se consolide un État de droit. Concernant l’appel de l’opposition, nous le notons, mais qu’ils commencent par poser leurs préoccupations auprès des institutions compétentes. Si ces préoccupations concernent la justice, ils doivent s’adresser à la justice. Si ce sont des questions relatives au fonctionnement du Parlement, ils peuvent s’adresser à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Pour des problèmes liés à la gestion de l’administration du territoire, ils doivent se tourner vers les autorités compétentes. Enfin, si ce sont des questions constitutionnelles, la Cour constitutionnelle est là pour y répondre. Toutes les institutions fonctionnent maintenant. Il est essentiel que nous apprenions à faire fonctionner nos institutions de manière efficiente et conforme à la loi.
Propos recueillis par Fulbert Yao