Jean–Pierre Kutwa a appelé les catholiques de son diocèse à une marche le 15 février pour la paix en Côte d’Ivoire. Si la démarche paraît bien légitime en lien avec la doctrine sociale de l’Eglise, l’annonce de l’archevêque d’Abidjan a surpris plus d‘un au Saint Siège et embarrassé Parolin, chef de la diplomatie vaticane. D’autant que compte tenu de la fragilité du pays et de la délicate mission des nonces apostoliques à Abidjan depuis 2002, l’Eglise ne doit pas mettre de l’huile sur le feu mais aussi et surtout pour éviter une suspicion face à un président plutôt musulman qui s’investit dans les bonnes relations avec le Pape. Pourtant le Cardinal Agré était de ceux qui avaient voulu écarter, en 2000, Ouattara de la présidentielle. De quoi s’agit-il concrètement, que peux-faire l’Eglise et pourquoi l’initiative n’a rien à voir avec celle analogue que mène la conférence épiscopale du Congo?
Quelques explications. Un cardinal est un évêque appelé par le Pape à une plus intime gestion des affaires de l’Eglise. Il peut être à la tête d’un diocèse, comme Jean-Pierre Kutwa ou siéger à la Curie, gouvernement du Vatican. Un nonce apostolique est un ambassadeur du Vatican près d’un pays. Il a la double représentation du Pape auprès des évêques et du Saint Siège auprès du pays de mission. La conférence épiscopale est l’ensemble des évêques d’un pays ou d’une région donnée. Le Secrétaire d’Etat, actuellement Piétro Parolin est la plus grande autorité de la diplomatie du Vatican. Le Vatican est un Etat indépendant avec sa monnaie (l’euro à l’effigie du Pape), son drapeau, ses armoiries, sa banque, son armée, sa citoyenneté (passeport ou carte d’identité) et le Pape est reconnu comme un chef d’Etat à part entière selon la convention de Vienne.
Trois faits importants. Fin décembre, dans la foulée du retour avorté de Guillaume Soro, l’archevêque d’Abidjan s’adresse ouvertement au président Ouattara qui lui a fait l’honneur de prendre part à une messe pour la paix à la cathédrale Saint Paul du Plateau, accompagné de son Premier ministre. Il évoque là déjà, le cas Soro et demande explicitement la libération des personnes arrêtées alors que la justice prend à peine le dossier de tentative à la sureté de l’Etat à bras le corps. Le 23 janvier, le Cardinal Kutwa écrit à ses curés et les informe d’une marche pour la paix, sur son territoire de gouvernement, c’est-à-dire le diocèse d’Abidjan. Le lendemain, levée de boucliers. Les médias proches du pouvoir ont multiplié des piques pendant que l’exécutif cherche des éléments de langages de ripostes. Plus tôt, le 19 janvier, en marge d’une session ordinaire de la conférence des évêques de la Côte d’Ivoire à Korhogo, 600 km d’Abidjan, les archevêques (04) et évêques (11) de la Côte d’Ivoire reprennent curieusement, dans une déclaration finale, les revendications point par point de l’opposition ivoirienne. Le dimanche suivant, Place Saint Pierre, le Pape n’y fait aucune allusion dans son traditionnel angelus dominical. Pourtant, les jours précédents, il a dû recevoir des explications du Cardinal Parolin qui est très embarrassé selon plusieurs sources concordantes. A 65 ans, ce chevronné diplomate né en Vénétie qui est à la fois Premier ministre et ministre des affaires étrangères du Vatican travaille de près avec son compatriote et nonce apostolique en Côte d’Ivoire, Mgr Paolo Borgia, pour que « l’Eglise contribue à la paix » selon la lettre de mission de l’ambassadeur. Alors …
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