Le promoteur du « Lycée virtuel de Côte d’Ivoire » livre dans cette interview, les nombreuses opportunités de développement des habiletés chez élèves à travers le téléenseignement.
Qu’est-ce qui vous a incité à créer « Lycée virtuel de Côte d’Ivoire » avant même la crise du Covid-19 ?
Il faut dire que je suis un passionné des Technologie de l’information et de la communication en éducation (TICE). Ensuite, J’ai eu la chance de bénéficier d’une allocation de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) pour suivre le Master « ACREDITE » (Analyse, conception et recherche dans le domaine de l’ingénierie de technologie en éducation) à l’université de Cergy-Pontoise, en France. C’est cette université, dans le cadre du C2D (Contrat de désendettement et de développement), qui a accompagné la mise en place de l’Université virtuelle de Côte d’Ivoire.
A la fin de mes études 2017-2019, j’ai cherché très rapidement à mettre en application les qualifications acquises lors de cette formation, d’où l’idée de la création d’un lycée virtuel à l’image de l’Université virtuelle qui existait dans l’enseignement supérieur. Donc la crise du covid-19 n’a fait que booster un projet déjà en gestation.
En quoi cet enseignement en ligne peut-il apporter un plus à l’apprentissage des élèves?
De manière générale, la Formation à distance (FAD), lorsqu’elle est bien menée, contribue à l’acquisition de connaissance et à la préparation aux compétences du futur, notamment le développement d’habiletés multiples comme l’esprit critique, la résolution de problèmes complexes, la communication, la mutualisation, la créativité, la prise de décision, la flexibilité cognitive, le travail en équipe et les habiletés méthodologiques.
Au niveau de l’enseignement/apprentissage, l’intérêt des TIC est de permettre un accès à une multitude d’informations, un échange en temps réel ou différé avec des classes entières ou des petits groupes. Toutes ces possibilités favorisent l’adoption d’une approche pédagogique qui place l’élève au centre de son apprentissage.
La particularité du modèle pédagogique proposée par la plateforme de cours en ligne « Lycée virtuel de Côte d’Ivoire » est sa conformité avec les théories d’apprentissage du constructivisme et du socioconstructivisme. Nous proposons aux apprenants des travaux individuels et collaboratifs. Individuellement, les élèves se connectent à la plateforme à partir d’un identifiant et d’un mot de passe. Ils accèdent aux ressources de cours, prennent connaissance des consignes, participent aux activités prévues : réunion synchrone, forum d’échange et dépôt des travaux (exercices ou devoirs) dans des espaces dédiés. Dans un second temps, ils sont constitués en groupe de trois à cinq personnes pour les travaux collaboratifs dans des salles virtuelles réservées uniquement au groupe de travail. Dans chaque salle virtuelle, les élèves disposent d’outils pédagogiques (forum, espace de réunion, courrier électronique etc.) pour mener à bien les tâches demandées.
Par exemple je propose un sujet de dissertation en histoire-géographie aux élèves. Individuellement, chaque élève prend connaissance du sujet, traite l’exercice et le dépose dans l’espace de remise de devoir de la plateforme. Dans une deuxième étape, les élèves sont constitués en groupe de 5 personnes avec pour consigne de commenter les travaux de leurs pairs. Enfin, dans une troisième étape, l’apprenant enrichie sa production initiale à partir de ce qu’il a vu sur les copies de ses pairs et des observations de ces derniers sur sa copie. Le travail final (ainsi que les travaux intermédiaires) déposé reçois un feedback de l’enseignant. Nous avons plusieurs méthodes pédagogiques d’apprentissage (gestaltisme, behaviorisme, néo-béhaviorisme, cognitivisme et néo-cognitivisme) par lesquels les élèves construisent leurs connaissances.
La deuxième particularité de notre dispositif de formation est l’encadrement proposé à travers des communications synchrones (réunion, appels téléphoniques, visioconférence) et asynchrones (forum, courriersélectroniques).
Comment tout ce système fonctionne-t-il ?
D’abord, les élèves sont informés par courrier électronique du démarrage de chaque nouvelle leçon. Ensuite, un rendez-vous synchrone (réunion) est organisé dans l’espace de réunion pour rappeler aux élèves les objectifs du cours et les consignes de travail. Chaque rencontre est assortie d’un compte rendu à diffuser aux apprenants. Les absents peuvent consulter le compte rendu de la réunion ou l’historique de la réunion sur la plateforme. Pour chaque leçon, un forum est ouvert afin que les élèves partagent leurs difficultés, mais aussi répondent aux préoccupations de leurs pairs. L’enseignant vient en appoint pour donner des compléments d’informations. En outre, l’enseignant ou tuteur disciplinaire vérifie l’état d’avancement des travaux et appelle les élèves décrocheurs pour prendre de leur nouvelle et essayer de leur apporter l’assistance nécessaire. Vous devez savoir que dans l’enseignement en ligne, le dispositif doit tout mettre en œuvre pour lutter contre l’isolement des élèves, source d’abandon.
Avez-vous reçu un feed-back de la part des apprenants sur la qualité des enseignements dispensés?
La qualité des enseignements ne souffre d’aucune contestation parce que nous sommes tous des enseignants. On a des échos favorables de quelques apprenants et de leurs parents. A la fin du covis-19, nous évaluerons l’ensemble du dispositif de formation. Nous partagerons un formulaire d’évaluation aux apprenants afin de recueillir leurs avis sur la qualité des contenus, les activités d’apprentissage et l’accompagnement ou le tutorat proposés.
Comment faites-vous pour que votre plateforme puise toucher une cible plus importante, notamment dans les zones rurales où l’accès à l’Internet n’est pas monnaie courante?
Il faut savoir que notre dispositif de formation est complémentaire des initiatives proposées par le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle (Menet-FP), avec l’usage de la télévision et de la radio. La possession d’un ordinateur et l’accès à la connexion internet sont des conditions sine qua none pour participer à nos formations. Cependant, le covid-19 a eu pour avantage de poser avec acuité certains de développement relatifs à l’accès à internet et la possession des ordinateurs qui relèvent encore du luxe sous nos tropiques. L’après covid-19 permettra d’adresser tous ces défis.
Par ailleurs, il faut aussi former les enseignants à l’usage éducatif des TIC. On assiste partout dans le monde à une prolifération des cours en ligne sans que ces initiateurs ne soient formés au préalable aux conditions juridiques d’utilisation des ressources sur internet et à la protection des données.
Les évaluations dans ce cas sont-elles fiables? Peut-on se fier aux réponses des élèves pour dire que les savoirs sont fixés chez les apprenants?
Les évaluations sont très fiables. En fonction des dispositifs de formation, plusieurs types d’évaluation sont proposés aux élèves avec des modalités différentes. Dans la plupart des cas, un accent est mis sur le contrôle continu qui compte pour 1/3 du total des évaluations et des examens en présentiel qui compte pour 2/3 du total des évaluations. Les formules varient selon les pays et les institutions. Ces exemples peuvent s’appliquer ici également. Ce sont les activités d’apprentissage proposées qui permettent de fixer les savoirs chez les apprenants.
Quelles sont vos perspectives après le covid-19
Pour l’instant, les enseignements se déroulent uniquement en histoire-géographie et en mathématiques pour la classe de terminale. A la fin de la crise sanitaire, nous allons progressivement étendre les enseignements aux autres disciplines enseignées au secondaire de la sixième à la terminale. Tous les enseignants du public et du privé disposant d’une autorisation d’enseignement seront la bienvenue. Ils verront leurs capacités renforcées au tutorat pour accompagner le dispositif. Notre dispositif de formation restera une plateforme gratuite de soutien scolaire auxélèves de Côte d’Ivoire.
Nomel Essis