Quand est-ce que l’ex-chef d’État, Laurent Gbagbo, comprendra que l’histoire de la Côte d’Ivoire est récente et, par conséquent, encore fraîche dans la mémoire collective ? Devant ses parents de Gadoukou, dans la région du Gôh, le président du Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (Ppa-CI), Laurent Gbagbo, a une fois encore amusé la galerie. Comme dans un « grin » (ndlr : endroit où des jeunes se retrouvent autour d’une tasse de thé pour dire tout et n’importe quoi), l’ex-président s’est étalé sur des ragots racontés dans les cabarets et autres débits d’alcool. « On dit que l’argent ne circule pas parce qu’il travaille. Mais moi, je veux le faire travailler. Je veux le faire circuler comme il circulait avant. C’est quelle histoire ? D’où vient cette histoire ? L’argent doit circuler. C’est quand il circule qu’il passe de poche en poche. Nous demandons simplement aux citoyens de travailler pour acquérir l’argent dans leur poche. Et il vient dans leur poche, il sort de leur poche pour le travail à cause du travail d’un autre et il va là-bas. Nous allons reprendre tout ça », a-t-il lancé.
La volonté de l’ex-président de vouloir faire passer sa gouvernance comme un moment d’abondance est aux antipodes des réalités vécues par les Ivoiriens à cette époque. Laurent Gbagbo déclare que l’argent circulait quand il était aux affaires. Mais il ressort globalement des données diffusées par le ministère du Plan et du Développement d’alors, qui a rapporté les résultats de l’Enquête sur le niveau et les conditions de vie des ménages menée sur tout le territoire auprès d’un échantillon de 12 600 ménages et portant sur la période 2002-2008. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 48,94 % de la population ivoirienne vivait sous le seuil de pauvreté avec moins de 661 francs CFA (soit un euro) par jour et par personne. Dans les zones rurales du pays, ce taux s’élevait à 75 % (trois habitants sur quatre). Voici ce qu’était la Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo. Comment faut-il alors comprendre la manière dont circulait le peu d’argent sous son magistère ? Sous le pouvoir de Laurent Gbagbo, apparemment, l’un des indicateurs de croissance et de bien-être était la présence massive des Ivoiriens dans les débits de boisson au coucher du soleil. Pour attester cette thèse, il ne s’était pas empêché d’inviter un samedi soir de 2008 au Queen’s, boîte de nuit en vogue, à la rue Princesse, à Yopougon, son hôte, le député socialiste français Jack Lang.
À l’analyse de la politique du chef de la refondation, l’attachement de ses concitoyens aux débits de boisson était une réussite de sa politique sociale. Outre cela, les week-ends sous le Woody de Mama étaient consacrés à l’organisation des obsèques des proches parents dans l’ouest du pays. Pour la circonstance, la ville de Gagnoa, chef-lieu de région de Mama (village natal de Laurent Gbagbo), était prise d’assaut par des véhicules rutilants, pour la plupart appartenant aux refondateurs. Des moments où l’alcool et le sexe étaient au rendez-vous. Pendant ce temps, les infrastructures (bâtiments publics, routes d’accès à la ville, les voies de circulation) perdaient de leur lustre d’antan. Pire, les agoras et les parlements, dont les animateurs étaient entretenus aux frais du contribuable, poussaient comme des champignons, au grand dam des Ivoiriens. En est-il besoin de rappeler que c’est sous Laurent Gbagbo que le phénomène des véhicules RAV4 octroyés aux maîtresses a été révélé au grand jour ? Outre cette autre manière de dilapider l’argent du contribuable, les collaborateurs de l’ex-chef d’État, dans la filière café-cacao, s’étaient donné à cœur joie dans une gabegie à nulle pareille. Les différents audits café-cacao réalisés par les cabinets KPMG et Sec Diarra, à la demande des institutions de Bretton Woods, avaient fait état de la disparition de quelque 370 milliards de F CFA entre 2002 et 2008. Les organes touchés sont le Fonds de régulation et de contrôle (183 milliards), le Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (136 milliards), la Bourse du café et du cacao (43 milliards) et l’Autorité de régulation du café et du cacao (8 milliards). Voici comment l’argent circulait sous Laurent Gbagbo. Dans la poche de ses amis et non au profit des populations. La réalité est que l’argent n’a jamais travaillé sous la refondation, il a servi aux amusailles de Laurent Gbagbo et son clan. Aujourd’hui, c’est une autre réalité, l’argent travaille pour le bien-être des populations. Laurent Gbagbo n’est plus obligé de faire le détour par Sinfra pour rejoindre Mama. Sur une voie bien faite, à partir de N’douci, l’époux de Nady Bamba rejoint les siens en l’espace de quelques petites heures pour tenir ses meetings à odeur de flagornerie.
L.F