Vous venez d’être élu président de l’IPDoP-Côte d’Ivoire pour un mandat de cinq ans à la suite d’une Assemblée générale. Pourquoi avoir mis sur pied cette plateforme?
Initiative pour la Protection des Données à Caractère Personnel en Côte d’Ivoire (IPDoP-Côte d’Ivoire) est une action du projet de protection des données à caractère personnel de l’Afrique de l’Ouest initié par l’Association sénégalaise des usagers des Tic (ASUTIC) et dont la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) est en charge en Côte d’Ivoire. Cette plateforme est une réponse des organisations de la société civile ivoirienne pour défendre, protéger et promouvoir la protection des données personnelles.
Y-a-t-il danger concernant la collecte des données à caractère personnel?
Les dangers inhérents à la collecte des données personnelles sont pour l’essentiel de trois ordres : le ciblage, c’est-à-dire catégoriser un groupe d’individus afin de mener des actions individuelles ou collectives à leur encontre ; l’usurpation d’identité, c’est le fait de se faire passer pour un individu qu’on est pas et poser des actes répréhensibles ; quant au chantage, il consiste à faire pression sur un individu sur la base d’informations intimes ou confidentielles en vue d’en tirer un quelconque profit.
Qu’allez-vous faire comme actions sur le terrain?
IPDoP-Côte d’Ivoire est organisée en réseau pour faire des plaidoyers auprès des autorités compétentes en vue de la ratification des instruments internationaux de protection des données à caractère personnel notamment la convention de Malabo et la convention de Budapest. Il s’agit également de mener des activités de large sensibilisation et de formation en faveur de l’ensemble des couches de la population vivant en Côte d’Ivoire ; et enfin de fédérer toutes les actions de la société civile afin d’effectuer un contrôle citoyen coordonné de la politique nationale de protection des données à caractère personnel.
Quelles précautions doit prendre le citoyen pour éviter que ses données personnelles ne soient pas manipulées à des fins dangereuses pour sa sécurité?
La première protection du citoyen doit être assurée par l’Etat en votant des lois pour la protection des données à caractère personnel. Je dois vous avouer que le dispositif légal en Côte d’Ivoire est bien en place, conforme aux textes internationaux, mais les résultats sur le terrain sont mitigés. Il devient impérieux de le faire évoluer et d’améliorer son application. Car, de nombreuses données personnelles collectées aussi bien par des structures étatiques que privées sont exposées sur internet et dans divers lieux publics sans l’autorisation des concernés. Cette pratique est une violation de la loi sur la protection des données à caractère personnel. Les organismes collecteurs doivent impérativement obtenir l’autorisation de l’ARTCI, le régulateur. Se pose alors la question de la collecte, de la conservation et de l’utilisation des données personnelles ainsi que l’efficacité du régulateur dans sa mission régalienne. Quant au citoyen, il doit comprendre que ces données d’identification lui sont propres et ne doivent être divulguées que si la loi le lui exige (CNI, Passeport, ouverture de compte, etc….). En aucune manière ou d’aucune façon, elles ne doivent être communiquées aussi bien sur les réseaux sociaux que dans des centres de collectes.
Avez-vous les moyens d’empêcher que les puissantes entreprises comme Wattsapp, Google, facebook ne nous espionnent?
Toute action de protection du citoyen doit partir de l’Etat qui est le principal garant de la souveraineté nationale. Ici, il s’agit de souveraineté numérique. Les nations du monde prennent des mesures pour protéger leurs données numériques qui font partie des ressources nationales. L’Etat de Côte d’Ivoire doit en faire de même. La ratification de la convention de Malabo et de Budapest évoquées plus haut garantit la souveraineté numérique des données nationales. Ainsi, la protection des données personnelles se fera de concert avec les autres Etats. Je rappelle que la Côte d’Ivoire n’a pas encore ratifié ces conventions. Elle expose de fait ses citoyens à des cyberattaques ou même à l’exploitation abusive de leurs données personnelles, et partant du patrimoine numérique national sans possibilité de recours.
Pour le citoyens, connaitre les bonnes pratiques de diffusion des données personnelles, militer au sein d’associations comme IPDoP-Côte d’Ivoire afin de mener des actions citoyennes pour protester contre l’exposition des données personnelles, de contester les Conditions générales d’utilisation (CGU) des applications, et de manifester pour le respect de la vie privé. Cela dépasse le cadre de l’individu et de l’état, mais concerne tous les citoyens du monde entier.
Nomel Essis