En Côte d’Ivoire, les violences homophobes ne cessent de croître. Des jeunes homosexuels sont marginalisés, stigmatisés et subissent des violences psychologiques et parfois physiques, en plus des risques de perte de bien matériels. Ils sont vus comme la « honte de leurs familles » et sont amenés à fuir la terre natale pour une destination inconnue où ils seront protégés.
L’histoire du jeune ivoirien Diomandé Galoua Léon, remonte au 23 décembre 2022. Convaincu de son orientation sexuelle, ce jeune commerçant dans la ville de Tabou, décide d’en informer ses parents et proches tout en espérant avoir le soutien de ceux-ci. Mais « les choses comme ça, c’est à la télé », prévient le rappeur ivoirien Suspect 95. En effet, mal l’en a pris. Après sa confession, ce sont des parents choqués et visiblement furieux qui, sur-le-champ, se ruent sur lui et le renient. La nouvelle parvenue aux oreilles du voisinage, les habitants vont piller puis brûler le magasin de celui qu’ils qualifient de « mauvaise graine ». « Mon compagnon et moi avons été agressés par des riverains. J’ai pu me sauver des griffes de ces gens, mais mon compagnon a perdu la vie. », se souvient encore Diomandé, qui nous relate ce triste épisode de sa vie.
Persécuté, son magasin brûlé…
Rejeté par ses pairs, son commerce détruit, désemparé, il ne lui reste qu’un choix à faire : quitter le pays au risque de subir un lynchage public. Diomandé utilise donc ses économies pour se rendre en France où il réside depuis lors. Loin des siens. Dans la commune de Koumassi, Dagnoko Lassina, un jeune « branché », qui a accepté de se livrer à nous, a subi le même sort que Diomandé dans la nuit du 10 décembre 2022, par un groupe de jeunes munis d’armes blanches. « J’ai été agressé par un groupe de jeunes de mon ancien quartier qui m’ont copieusement bastonné et poignardé à quelques mètres de chez moi. J’étais couvert de sang quand la foule m’a trouvé suite à mes appels au secours. », relate-t-il, lui qui a encore le souvenir vivace dans un coin de la tête. Notre enquête nous mène ensuite à A Abobo où nous nous sommes rendus nuitamment dans un endroit chaud de la commune, précisément dans les alentours du maquis Elysée», sis à 200 mètres de la mairie. Là encore, les personnes LGBTQI ne sont pas à l’abri du danger. Coulibaly Porna et Moussa, un couple homosexuel, sont mis à tabac par de jeunes noceurs dans la nuit du 24 au 25 septembre 2022, qui les avaient découverts dans la pénombre en train de s’adonner à des pratiques homosexuelles. Ce genre de cas en Côte d’Ivoire, sont légion. Mais que dit la loi ivoirienne, serait-on tenté de se demander.
Cadre légal et juridique
« Les droits des personnes homosexuelles devront encore attendre en Côte d’Ivoire. », écrit Rfi dans sa parution du 11 novembre 2021, suite à ce qu’il convient d’appeler « l’affaire du 28 octobre ». En effet, dans le cadre d’une modification du Code pénal, le gouvernement ivoirien projetait d’ajouter aux motifs de discriminations proscrites par la loi, comme la race ou la religion, l’«orientation sexuelle ». Le 28 octobre 2021, les députés de la commission des affaires générales et institutionnelles ont décidé à l’unanimité – opposition comme majorité – de retirer la mention « orientation sexuelle » du texte. Même si le projet n’a pas vu le jour, n’empêche que la polémique à ce sujet a fait les choux gras des réseaux sociaux, des partis politiques également. Dans une conférence de presse, Auguste Dago, porte-parole du groupe EDS, n’avait ménagé aucun amalgame ni propos homophobes pour accuser le pouvoir de vouloir, de facto, avec cette disposition, légaliser à terme le mariage homosexuel : « L’orientation sexuelle englobe l’homosexualité, la zoophilie, la pédophilie, etc. La validation d’une telle loi entraînerait l’acceptation de la célébration des mariages homosexuels en Côte d’Ivoire. Ce que les Ivoiriens, dans leur grande majorité, ne sont pas prêts à accepter. », relate Pierre Pinto, correspondant de RFI à Abidjan, dans sa livraison du 11 novembre 2021.
Une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 de FCFA
Ainsi, le mot passe mal dans les communautés ivoiriennes et dans les juridictions non plus. d’ailleurs, la nouvelle version de l’article 360 du code pénal ivoirien stipule est sans équivoque : « Est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 de FCFA, quiconque attente aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe au-dessous de l’âge de 18 ans » (OFPRA, 7 décembre 2019). Cela dit, l’homosexualité en Côte d’Ivoire n’est pas illégale mais la promouvoir par quelque moyen que ce soit est proscrit. Raison de plus pour certains jeunes surexcités ou des communautés, de persécuter toute personne qui se livre à cette pratique. « Une situation devenue problématique et qui s’est détériorée ces dernières années », peut-on lire dans le rapport de l’Organisation suisse d’aide au réfugiés (Osar), intitulé : Côte d’Ivoire, situation des personnes LGTBQI (lesbiennes, gay, transsexuelles, bisexuelles, Ndlr), du 16 juillet 2021. « Les victimes ne prennent souvent même pas la peine de porter plainte. Aucune plainte pour agression homophobe n’a encore abouti », conclut le rapport.
Un facteur d’immigration clandestine
Cette situation pousse certains « branchés (homosexuels, ndlr), à s’éloigner de la mère-patrie et d’autre au suicide carrément, dans une société où dit-on, d’égalité des droits. En Côte d’Ivoire, la question est d’une sensibilité extrême. Comment protéger cette catégorie de personnes sans pour autant promouvoir leur pratique ? L’article 360 du code pénal est clair à propos. C’est la prison. Le combat pour la protection des personnes LGTBQI n’est pas pour demain. « Tant que des personnes seront confrontées à l’incrimination, aux préjugés et à la violence fondés sur leur orientation sexuelle, leur identité de genre et leurs caractéristiques sexuelles, nous devons redoubler d’efforts pour mettre fin à ces violations », a déclaré Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, le 25 septembre 2018.
Alexis Ouattara