Le rapport publié vendredi 20 décembre 2024, met en cause la gestion de Tidjane Thiam, à titre individuel, et engage collectivement -avec les autres ex-patrons de Credit Suisse- la responsabilité du Franco-Ivoirien dans la faillite de la banque, à l’époque une des plus grandes institutions financières de la planète. La publication de ce rapport pourrait plomber la carrière politique de M. Thiam, qui se targue de sa belle carrière dans la finance internationale, pour séduire les Ivoiriens lors de la présidentielle prévue en octobre 2025.
Les dirigeants de Credit Suisse sont les principaux responsables de la faillite de la banque, a indiqué la Commission d’enquête parlementaire (CEP) suisse. La présidente de la commission d’enquête, Isabelle Chassot, s’est voulue on ne peut plus claire : “La responsabilité pour la chute du Credit Suisse appartient à son management et à son Conseil d’administration, qui ont agi d’une manière particulièrement irresponsable”.
La gestion de T. Thiam épinglée
La période sous revue va de 2015, année où Tidjane Thiam a pris le poste de Directeur Général de la Banque, à 2023, celle où l’institution financière a fait faillite avant d’être absorbée par sa concurrente, UBS. « Le conseil d’administration et la direction de Credit Suisse de ces dernières années sont responsables de la perte de confiance dans la banque et des difficultés que celle-ci a rencontrées, et qui se sont accrues jusqu’à mettre en péril l’existence même de l’entreprise en mars 2023 », peut-on lire dans le rapport de 566 pages. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été alertés, notamment par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers suisse (FINMA).
L’enquête parlementaire relève que « Dans le cadre de son activité de surveillance permanente, la FINMA a attiré de manière répétée l’attention de Credit Suisse sur un certain nombre de sujets. À partir de 2015 au plus tard, elle a régulièrement signalé que Credit Suisse devait lui communiquer de manière proactive et plus transparente les développements fondamentaux dans l’optique prudentielle. La banque ne s’est toutefois jamais conformée à cette demande. La FINMA avait par ailleurs des doutes quant à la durabilité de la stratégie de la banque et en particulier quant à sa politique de rémunération (…). Parmi les risques identifiés figuraient notamment des carences dans le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et dans la décentralisation du contrôle des risques». Par ailleurs, la FINMA s’est déclarée maintes fois préoccupée de ce que «Credit Suisse ne constituait pas ses fonds propres avec les revenus de ses activités commerciales, mais par le biais d’augmentations de capital et de financements provenant d’autres sociétés du groupe (…). Elle a dû réitérer certaines exigences durant des années, sans obtenir aucun progrès notable de la banque ».
La politique de refinancement à travers l’augmentation de capital plutôt que par la constitution de fonds propres est justement une stratégie adoptée par Tidjane Thiam lorsqu’il prend la tête de la banque. Le rapport d’enquête révèle ainsi que l’année même de sa prise de fonction, en 2015, « Deux augmentations de capital d’un montant total de 6 milliards de francs (suisse) et un programme complet de réduction des coûts sont lancés pour financer la stratégie ». Nonobstant ces réformes de Tidjane Thiam, peut-on lire dans le rapport, « En 2015, Credit Suisse essuie une perte de 2,9 milliards de francs (plus de 2039 milliards FCFA), due notamment à un amortissement du goodwill résultant d’un rachat d’entreprise en 2000, et aux coûts de restructuration occasionnés par la nouvelle stratégie ». L’année suivante -la deuxième de la gouvernance Thiam- « Credit Suisse enregistre une nouvelle perte substantielle de 2,7 milliards (environ 1900 milliards FCFA ) ».
Tidjane Thiam et les autres dirigeants n’ont pas souvent respecté les règles
L’enquête parlementaire pointe du doigt le non-respect des règles de gestion des institutions financières, par la direction de Credit Suisse, plusieurs fois relevé par l’autorité de régulation du système bancaire suisse, FINMA, poussant celle-ci à déclencher des procédures d’enforcement, pour obliger les dirigeants de Credit Suisse à respecter la réglementation bancaire. « Entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2022, la FINMA a réalisé des enquêtes préliminaires dans 42 cas d’infraction présumée de Credit Suisse à la législation sur la surveillance. Dans onze cas, les enquêtes préliminaires ont débouché sur l’ouverture d’une procédure d’enforcement visant au rétablissement de l’ordre légal. Pendant la même période, huit procédures d’enforcement ont été menées à l’encontre de membres de la direction de Credit Suisse ».
Malgré la menace des mesures disciplinaires contre Tidjane Thiam et d’autres patrons de la banque, les mauvaises pratiques vont se poursuivre au sein de Credit Suisse, comme le souligne l’enquête parlementaire. Et cette fois-ci, ce sont les Etats-Unis qui s’en mêlent : « Peu avant la fin de l’année 2018, le Département américain de la justice dépose une plainte contre huit personnes, dont trois employés de CS International (Credit Suisse International), notamment pour corruption et blanchiment d’argent ».
Ces « affaires » et rémunérations qui ont fini par couler la banque
Entre 2010 et 2022, le total bilan de la banque dirigée par Tidjane Thiam -ont découvert les enquêteurs- a diminué de moitié, passant de 1032 milliards de francs (Suisse) en 2010 à 531 milliards de francs en 2022. Et pourtant, dans la même période, « les chiffres de performance de Credit Suisse ont soulevé des questions concernant la politique en matière de rémunération ». En gros, les dirigeants s’accordaient de faramineuses rémunérations, sans aucun rapport avec l’état de santé financière de l’institution. Le rapport parlementaire s’étonne : « Malgré ces chiffres de performance défavorables, les rémunérations variables des managers de la banque sont restées de l’ordre du milliard, même si leur tendance était à la baisse : en 2010, ces primes de performance dites discrétionnaires s’élevaient à 5,0 milliards de francs, contre 1,0 milliard de francs en 2022. Au total, les primes de performance versées aux managers se sont montées à 39,8 milliards de francs entre 2010 et 2022 ; sur la même période, les pertes économiques ont atteint 33,7 milliards de francs ». Pendant que la banque perdait de l’argent, ses dirigeants s’accordaient de très gros bonus.
L’un des facteurs expliquant les énormes pertes enregistrées par Credit Suisse dans la période a été « le montant élevé des amendes, des règlements et des dommages et intérêts, qui s’est élevé à environ 15 milliards de francs pour Credit Suisse ». La banque a notamment dû payer de fortes amendes et des dommages pour éviter des procès dans des affaires qui illustraient des mauvaises pratiques et une gestion hasardeuse, notamment au moment où Tidjane Thiam dirigeait l’institution.
Rappelons que monsieur Thiam et plusieurs autres ex-dirigeants de Credit Suisse sont poursuivis devant les tribunaux américains par de gros investisseurs qui ont perdu des fortunes dans la faillite de la Banque suisse. Ils accusent M. Thiam et d’autres ex-patrons de l’institution financière, d’avoir provoqué la faillite par leur mauvaise gestion et leur réclament plusieurs milliards de dollars de dommages.
Tidjane Thiam a quitté son poste de directeur général de Credit Suisse en février 2020. Il a été forcé à la démission à la suite d’un scandale d’espionnage impliquant la banque.
Toutes nos démarches pour obtenir la réaction de Tidjane Thiam au rapport de la Commission d’enquête parlementaire suisse, qui met directement en cause sa gestion, sont restées infructueuses.
Ce qui est vrai, est vrai !