Depuis 2018, l’affaire Norbert Zongo, éponyme du dossier judiciaire de l’assassinat du journaliste d’investigation burkinabè Norbert Zongo en 1998, est devenue l’affaire François Compaoré avec la demande d’extradition de France de celui que d’aucuns considèrent, à tort ou à raison, comme le commanditaire du terrible meurtre amenant ainsi, l’Etat français à jouer un rôle direct dans le dossier.
D’une simple affaire judicaire de demande d’extradition, l’affaire François Compaoré devient de fait une affaire France-Afrique révélant ainsi la duplicité de la politique étrangère française. Le président français Emmanuel Macron n’a jamais rompu avec la France-Afrique.
En plus d’avoir été un journaliste d’investigation chevronné, le journaliste Norbert Zongo, assassiné le 13 décembre 1998 au Burkina Faso, était un intellectuel progressiste panafricaniste viscéralement opposé à la France- Afrique qu’il n’a eu de cesse de dénoncer avec véhémence. Présenté par certains comme un des conseillers occultes du célèbre président révolutionnaire Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987 dans une révolution de palais qui porta au pouvoir Blaise Compaoré, il avait un discours anti-impérialiste sans nuance et prônait avec forces arguments l’unité du continent et la nécessité d’une rupture totale avec les anciens colonisateurs et toutes les formes de domination et d’exploitation du continent africain, si on voulait lui donner une chance de s’en sortir. Certaines langues ont même parlé d’une connivence de la France dans la tragédie du 13 décembre 1998. Ce qui est certain, elle a tout fait à l’époque, pour sauver le régime Compaoré, un des piliers de la France-Afrique, que la rue qui réclamait justice avait manqué de peu, déjà, de balayer.
Norbert Zongo dénonçait avec véhémence la France-Afrique !
La persévérance des activistes pour la vérité et la justice a fini par payer avec la réouverture du dossier en avril en 2015, à la faveur de la chute de Blaise Compaoré (la rue a fini par le vaincre) en octobre 2014 et le lancement en mai 2017 d’un mandat d’arrêt international contre son petit frère François Compaoré, régulièrement cité comme commanditaire du crime. Interpellé le 29 octobre 2017 en France où il vit avec sa famille après avoir fui le Burkina Faso, il est depuis lors dans une procédure d’extradition dont les péripéties laissent un arrière-goût d’acharnement judiciaire sur fond d’une hyper politisation du dossier tant dans la puritaine France que dans son pays d’origine où les adversaires politiques de son frère aîné font aujourd’hui la loi et se montrent sans concession contre les dignitaires de l’ancien régime. Du coup les enjeux politiques du dossier tendent à prendre le pas sur la recherche de la vérité au point qu’il est comme pris en otage par les deux Etats dans un tango ravageur qui rappelle les airs de la France-Afrique que le président Macron dit pourtant avoir banni de la république française.
Tout a commencé avec l’arrestation, dans des conditions troubles, de monsieur Paul François Compaoré, puisqu’en violation des règles du droit applicable aussi bien en France qu’au Burkina Faso, l’intéressé ne faisant l’objet d’aucune inculpation, condition pourtant nécessaire pour l’exécution d’un mandat d’arrêt international. Cela marquera le début d’un calvaire judiciaire pour l’intéressé avec une procédure totalement aux ordres des deux pays.
Dans une sorte de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». En effet cette demande d’extradition est devenue une pièce maitresse dans leurs relations tumultueuses avec en toile de fond la montée d’un sentiment anti-français tenace savamment entretenu par des activistes au cœur du pouvoir burkinabè, le retour en force de la Chine qui est loin de faire l’affaire de la France, les vicissitudes de la guerre contre le terrorisme et une crise sociale sans précèdent au Burkina contre laquelle tous les adjuvants sont bon à prendre pour le pouvoir, notamment les avancées de ce dossier emblématique.
Macron roi de France, de Navar, du Burkina Faso et de la France-Afrique !
Plus que le dossier, c’est le politique qui conduit le juge. On en aura une admirable démonstration à l’occasion de la visite le 28 novembre 2017 du Président Emmanuel Macron au Burkina Faso, qui, interpelé dès sa descente d’avion sur la question de l’extradition de Paul François Compaoré, va déclarer sans sourciller « … je ne doute pas que la justice française va rendre sa décision et qu’elle sera favorable ». C’est donc dire qu’avant même le procès, monsieur Macron en connaissait déjà le verdict et en informait officiellement les opinions publiques burkinabè et africaine qui étaient très remontées contre sa visite présentée par d’aucuns comme la preuve manifeste qu’il continuait la même politique africaine que ses prédécesseurs. Comme si cela ne suffisait pas et pour faire la preuve que ses engagements seront tenus il assène : « Je peux vous dire, … le gouvernement et le président de la République feront tout pour accompagner cette décision. … ». Peut-on être plus clair : Macron juge et exécute !
Du coup la pression de la rue et le sentiment anti-français chauffé à blanc par certains activistes pour rendre le séjour de Macron des plus désagréables sont tombés de plusieurs crans, facilitant la suite d’une visite qui s’annonçait très houleuse. En « français facile », la France « fera tout » pour livrer François Compaoré ; mais si d’aventure ce n’était pas le cas, ce ne serait pas de sa faute. La messe est donc dite du côté français avant même l’arrivée du curé censé la célébrer. Avant même ces entrefaites la justice française avait déjà donné des gages en retenant le dossier malgré les circonstances discutables de l’arrestation de monsieur François Compaoré et mettra un zèle pour le moins excessif en retardant plus que de raison la tenue du procès.
Quand la justice française « ralentit » pour attendre sa consœur du Burkina !
Tenez ; à la suite de l’interpellation de François Compaoré le 29 octobre 2017 un délai de 3 semaines est donné à la justice burkinabè pour compléter son dossier de demande d’extradition. Pas de réponse à l’expiration de ce délai et sur sa seule demande le dossier sera renvoyé le 13 décembre 2017 au 7 mars 2018. A cette date encore pas de réponses aux questions du juge français et de nouveau report ; date retenue : 28 mars. Le 28 mars, le même scénario se reproduit : pas de faits nouveaux, ni d’aménagements législatifs et de nouveau report. Cette fois-ci le tribunal fixe le 13 juin 2018 dernier délai affirme-t-il. A la surprise générale, le 13 juin 2018, au lieu d’un délibéré, celui-ci est fixé au 3 octobre 2018 avec autorisation pour les parties (en la justice burkinabè) de continuer à alimenter le dossier. A cette date ; nouveau report, le tribunal fixe le 5 décembre pour rendre son délibéré ! On l’aura tous compris, la France a « tout fait » et de la pire des manières, pour « obliger » la justice burkinabè, il s’agit bien de cela, à lui fournir les documents indispensables pour faire son « travail » ! En effet il coule de source que si le procès avait eu lieu dans des délais « normaux », sans cette pression de la France, la cause aurait été perdue sans coup férir, la justice burkinabée n’ayant pu ni fournir les éléments nouveaux pouvant justifier la réouverture du dossier, ni expurger de sa législation la peine de mort, ni relire et adopter la convention d’extradition entre les deux pays, … conditions sine qua non pour toute extradition. D’où d’ailleurs de sérieuses suspicions sur la sincérité de la procédure et partant du verdict qu’elle a accouché. Au total il aura fallu plus de 3 ans au Burkina Faso pour acheminer à Paris des éléments supposés ayant permis de rouvrir le dossier, alors que comme on le verra il saura faire preuve d’une célérité extraordinaire sur des choses beaucoup plus difficiles.
« Norbert Zongo » et François Compaoré « otages » de la France-Afrique ?
Ces délais accordés de manière cavalière par la justice française, afin de pouvoir se conformer aux indications du président Macron, vont être aussi mis à profit par la justice burkinabè pour tripatouiller dans le dossier, falsifier des auditions sur procès-verbal de témoins, produire des documents prétendument trouvés au domicile de François Compaoré, un domicile vandalisé, saccagé et illégalement occupés par des « insurgés » pendant des mois, … On a même entendu parler d’un témoin à charge qui se serait par la suite rétracté pour non-respect d’un deal avec ses commanditaires. Dans le dossier embarrassant de l’extradition de François Compaoré, il y’a tout lieu de s’étonner et d’essayer de comprendre l’incompréhensible. Nous assistons à une hérésie et une justice de façade que le politique semble manipuler à sa guise. Parler de respect séparation de pouvoir devient à la limite ridicule. Comment un procès classé en non lieu en 2003 par manque de preuve puisse être déclassé en non lieu et accepté par les autorités françaises pour faire plaisir à un régime avec une justice aux ordres ? A quel jeu joue la France au pays des libertés ? Quels sont ces prétendus éléments nouveaux à charge (inexistant) que les autorités Burkinabè peinent à trouver pour faire inculper François Compaoré ?
Le 25 Septembre dernier, le journal d’investigation Courrier Confidentiel titrait à sa une « On m’avait promis 50 millions de franc cfa », des aveux de monsieur Rodrigue Didas Yameogo qui met à cette farce juridique montée de toute pièce par l’ancien juge d’instruction Emile ZERBO avec la complicité du ministre de la justice Réné Bagoro. Des promesses non tenues après qu’il ait endossé la responsabilité de ce parjure.
Pour corroborer les propos du témoin, le Bimensuel Journal de Norbert ZONGO L’Evénement dans sa dernière parution nous présente un autre témoin à charge dans sa une . Mohamed BONGO Koné conteste ses procès verbaux et reproche au juge d’instruction et à son greffier d’y avoir introduit des phrases qu’il n’a pas dites. «Dans mon deuxième PV d’audition, il est ressorti que j’ai déclaré que Francois Compaoré a commandité le meurtre de Norbert Zongo chose que je n,ai pas dite, Je n’ai jamais dit que Francois Compaoré a commandité le meurtre ». Plusieurs personnes ont été approchées pour concocter ce projet lamentable et honteux parmi eux un ancien General de l’armée Burkinabé aujourd’hui hors du Burkina
On se rappelle qu’une plainte a été déposée contre le juge d’instruction Emile ZERBO pour Faux et usage de faux en écriture par les avocats de François Compaoré lors du procès d’extradition à Paris.
En vérité le régime actuel, héritier direct de l’insurrection qui a balayé le régime Compaoré avait cru pouvoir se dédouaner auprès de sa frange juvénile qui réclame justice pour Norbert Zongo, en engageant une procédure qu’il savait vouée à l’échec et mettre cet échec prévisible sur le dos de « l’impérialisme français, de la France-Afrique » et autre. Flairant le coup de Jarnac, Macron n’a pas hésité à faire sans vergogne dans la politicaillerie en se comportant en roitelet d’une république bananière.
En croyant pouvoir se dédouaner à moindre frais sur la France, le régime du président Kaboré se retrouve donc pris à son propre piège, coincé entre son opinion publique et celle-ci. Cela va l’obliger à violer les règles élémentaires de procédure et le sacrosaint principe de l’impersonnalité de la loi pour soumettre la législation burkinabè aux normes exigées par le droit français. Il va ainsi procéder au pas de charge à la révision du Code pénal burkinabè, à l’abolition de la peine de mort pourtant inscrite dans la Constitution, à la relecture de la Convention d’extradition entre la France et le Burkina Faso, … Jamais le Burkina Faso ne s’est autant aplati et humilié devant les injonctions d’un autre Etat ! Jamais la France-Afrique n’a aussi bien fonctionné ; et cela dans les deux sens et le tout grâce à … Norbert Zongo !
D’autres caciques du régime Compaoré en voulaient à Norbert Zongo !
Il faut dire que le dossier n’était pas à sa première prise de liberté avec le droit. Déjà en 2014 et le 28 mars la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), saisie par des organisations de la société civile, dénonçait le fait que toutes les enquêtes étaient uniquement orientées sur la piste du pouvoir sans tenir compte des autres pistes possibles. Pire, même dans cette occurrence elles n’ont visé que le petit frère du président au seul motif des écrits du journaliste sur la mort des suites de tortures par la garde présidentielle de son chauffeur, alors que de nombreux témoignages dont ceux du journaliste lui-même peu avant son assassinat, indiquaient clairement que d’autres personnes pouvaient bien lui en vouloir à mort. C’est le cas notamment de Simon Compaoré (actuel président du parti présidentiel, le mpp), ancien Directeur Général de la Caisse Générale de Péréquation que Norbert Zongo accusait avec des preuves à l’appui de graves malversations, et qui l’aurait dans une colère noire menacé, aux dires du journaliste, de lui « … tirer une balle dans la tête et il n’y aura rien ». Ces éléments qui étaient connus d’un grand nombre de personnes sont dans un enregistrement audio qui fait actuellement le buzz sur les réseaux sociaux.
Avec tous ces éléments on peut raisonnablement douter que la justice burkinabè puisse, dans les circonstances actuelles dire sereinement le droit. En effet tout autre personne que François Compaoré accepterait-elle se présenter devant une justice qui s’autorise autant de libertés avec ses propres principes fondamentaux et se livrer à un pouvoir censé garantir l’indépendance de la justice qui se montre partie prenante au procès et à des choses à cacher ? La réponse est à coup sûr non ! Assurément il sera condamné; mais justice aura-t-elle été pour autant rendue ?
Après la mise en cause de l’institution judiciaire Burkinabè par l’opinion publique et Internationale, une réforme profonde de la justice s’avère nécessaire. Victoria Kibora OUEDRAOGO ministre de la justice et garde des sceaux aura pour mission d’engager des mesures significatives et indispensable à la crédibilité de son institution. On espère que sa proximité avec son prédécesseur n’entachera en rien sa mission. Les juges Burkinabè ont aussi été fortement déstabilisés » depuis ce feuilleton ils sont maintenant attentifs. Après avoir été choqué par l’opprobre jeté sur eux, cette flétrissure laissée par le juge Emile ZERBO. Un jeune magistrat fraichement nommée juge d’instruction Alain Natéwendé Ouedraogo devra procéder en toute impartialité à la manifestation de la vérité dans l’affaire François Compaoré en reprenant les enquêtes.. Malgré sa jeunesse, l’ancien étudiant de Nantes de la promotion 2016 dont l’intégrité la loyauté, l’impartialité sont autant d’atouts reconnus par ses pairs aura des choix difficiles à faire . Toute fonction de la justice est fondée sur la confiance des citoyens. Cette dernière est atteinte aujourd’hui. .Saura-t-il se démarquer de son prédécesseur, ou dira t-il le droit en toute légalité ? La suite nous situera. Les dernières informations venant de Kossyam nous apprennent que Roch Kaboré a demandé une clarté sur les 500 millions du contribuable débloqués pour ce procès .Rien d’étonnant si une telle cagnotte attirent les ripoux. Du « mouta –mouta » dans l’air, une attitude qui suscite des grognes au sein des jeunes magistrats Burkinabè qui demandent des comptes à sa hiérarchie .Le compte à rebours à commencé.
FABRICE Dupond