Le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Sidiki Diakité a éclairé, hier, la lanterne des députés sur les phénomènes. C’était au cours d’une séance de question orale avec débat à l’hémicycle.
Moins de deux semaines après son passage à l’hémicycle au cours duquel il a instruit les députés sur la sécurisation de l’état civil, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité s’est présenté, hier, à nouveau devant les élus de la Nation pour un sujet tout aussi important. Suscité par le groupe parlementaire Vox Populi, Sidiki Diakité a été invité à l’effet de faire le point des actions du gouvernement sur l’épineuse question de la situation sécuritaire liée au phénomène des enfants en conflits avec la loi, appelés « microbes ».
Ce, au terme de l’exposé du porte-parole dudit groupe parlementaire, le député de la commune Yopougon, Ouegnin Yasmina, au cours duquel elle a dépeint un tableau sombre de la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire. Ainsi, pendant trois quarts d’heures, le ministre de la Sécurité, Sidiki Diakité a présenté ledit phénomène, les actions du gouvernement pour mettre hors d’état ces enfants ainsi que les perspectives en matière de politique de sécurité. Mais avant, il a tenu à rassurer du niveau satisfaisant de sécurité.
« Ce phénomène des enfants en conflit avec la loi est circonscrit. Du niveau 4 en 2011, l’indice de sécurité des Nations Unies a atteint en aujourd’hui l’indice 1.5. Une évolution qui suffisamment satisfaisante », a révélé Sidiki Diakité. Qui a laissé entendre que cette amélioration considérable de l’indice de sécurité est due en partie par les nombreuses actions posées par le gouvernement. Des actions que le patron des flics a décliné en deux axes principaux : des actions de police en vue de la protection des personnes et de leurs biens, et des projets de resocialisation à l’endroit des enfants concernés. Concernant le premier point c’est-à-dire les actions de Police, le ministre est revenu largement les opérations que sont entre autres les « Opérations Epervier 1, 2 et 3 », de mai 2016 à mai 2018. «Nous avons au cours de cette période interpellé 3.517, dont 187 déférés. En plus de ces enfants, nous avons mis la main sur 569 « gnambros » et déférés 61 », a-t-il dit. Avant d’expliquer que toujours dans le cadre des actions menées par le gouvernement, un échantillon issu de ces enfants a fait l’objet de resocialisation.
Ce, a précisé le ministre, conformément à l’article 40 de la Convention internationale sur les droits de l’Enfant, ratifiée par 193 pays dont notre pays la Côte d’Ivoire, qui fait obligation aux gouvernements, dans toutes les actions concernant tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale, de tenir compte de son âge, ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société. Ainsi, pendant douze mois – dont 06 sur le site de resocialisation et 06 mois de suivi pour chaque bénéficiaire – 774 enfants ont suivi à M’Bahiakro diverses activités dont la formation au civisme et à la citoyenneté, d’éducation morale, et de désintoxication. Un projet de resocialisation qui a coûté 2,5 milliards de FCFA. « Ce sont donc au total 555 enfants (500 mis en apprentissage, 22 déjà installés, 18 retournés à l’école, 15 à l’orphelinat de Bingerville) sur 774 qui ont vu leur situation sociale complètement améliorée grâce à ce projet, soit un taux de récupération est évalué à 72% », a-t-il fait savoir.
Et d’ajouter : « ces principales actions ont permis de réduire de façon substantielle le phénomène ». Mais dans un souci d’avoir une solution durable, le ministre Sidiki Diakité a préconisé une série de mesures dont une plus grande implication citoyenne et communautaire, une approche pluridisciplinaire et les enjeux sécuritaires du projet du Registre national des personnes physiques (RNPP). « Les populations doivent s’approprier le concept de l’Ivoirien nouveau prôné par le président Alassane Ouattara. Il s’agira pour chacun de nous de faire son examen de conscience. Il faut emmener les Ivoiriens à un changement comportemental afin de préserver nos acquis », a exhorté le ministre de l’Interieur et de la Sécurité à l’ensemble des populations ivoiriennes.
Encadré : Voici le profil et le mode opératoire des « microbes »
Le passage du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Sidiki Diakité devant les députés a permis de savoir un peu plus sur les enfants en conflit avec loi communément appelés « microbes ». Le patron des flics ivoirien a édifié les Elus de la Nation sur le profil et le mode opératoire de ces enfants. S’appuyant sur une étude réalisée à partir d’un échantillon de 774 enfants en conflits avec la loi, regroupés au Centre de resocialisation de M’Bahiakro, dans le cadre d’un projet de l’Etat. Ainsi, généralement de sexe masculin, a fait savoir Sidiki Diakité, l’âge de ces « microbes » varie entre 9 et 17 ans révolus. Aussi, souligne-t-il, environ 80 % affirment avoir consommé, au moins une fois, de la drogue.
« 50% ont adhéré à un groupe pour ressembler à leurs amis (besoin de reconnaissance) », a informé le ministre, ajoutant que « tous ces enfants sont en situation d’abandon scolaire ». Donnant plus précisions sur leur niveau d’instruction, l’étude, a-t-il dit, a permis de savoir que 70 % de ces enfants ont au moins le niveau primaire et 46% ont dû quitter l’école pour des difficultés financières des parents. Toujours selon l’étude, 36 % ont arrêté les cours par manque d’intérêt pour l’école. Mais, le plus choquant dans cette étude, 50% ne savent ni lire, ni écrire. Des chiffres qui sont compréhensibles au vues de la situation sociale des familles dont ils sont issus. En effet, 30% sont orphelins, soit de père soit de mère, ou des deux parents à la fois contre seulement 19 % d’entre eux vivent avec leurs deux parents.
Par ailleurs, il a laissé entendre que l’étude a révélé que 39% se sont mis dans cette posture pour des raisons financières. « La taille moyenne des ménages dont ils sont issus est composée de 8 personnes (moyenne nationale : 5,4 selon le RGPH-2014), caractéristique propre aux ménages pauvres. 89% des enfants avaient un seul repas par jour dans leur famille », a dit Sidiki Diakité pour clore le chapitre concernant le profil de ces enfants. Abordant le mode opératoire, il a indiqué que sans doute en raison de leur jeune âge et pour impressionner, ils agissent en bandes organisées, composées d’au moins 10 personnes, en usant d’armes blanches notamment avec des couteaux, machettes, gourdins, lames. « Le scénario le plus fréquent est le suivant : le groupe marche ensemble. Arrivé dans une rue animée, les plus petits simulent une bagarre entre eux. Ils attirent ainsi l’attention des passants qui accourent, mais c’est un piège, car en ce moment, les plus grands sortent de leurs repères, agressent violemment les victimes à l’arme blanche, les dépouillent de leur argent et portable, et disparaissent dans la nature ».
Philippe Nado