Le ministre ivoirien de la communication et des médias Sidi Touré était l’invité jeudi dernier, du «Foreign Press News», une sorte de « conférence de presse en ligne » initiée par l’Association de la presse étrangère en Côte d’Ivoire ( APECI) sur sa plateforme Whatsapp.
Ci dessous l’intégralité des échanges
Medi 1 : Ma première question, c’est sur le covid, concernant les familles qui seront soutenues par le projet de Côte d’ivoire. Sur quel critère est ce que ces familles vulnérables ont été déterminées ? Comment peut-on s’assurer avoir des preuves que les fonds qui sont décaissés arrivent à ces destinataires parce qu’on voit beaucoup de choses sur les réseaux sociaux…
SIDI Touré : Le fonds spécial de solidarité de soutien humanitaire du Covid 19 a été élaboré pour pouvoir adresser les personnes vulnérables dans le cadre de cette situation de covid 19. Pour y arriver, il a fallu élaborer plusieurs plans, quatre plans précisément. C’est l’un des quatre plans qui s’appelle le plan B, le grand Abidjan confiné, puisse qu’Abidjan comporte plus de 93% de cas avérés de Covid 19. Il a fallu, s’appuyant sur les données statistiques de ce grand Abidjan, élaborer une solution pour pouvoir adresser les vulnérabilités. Abidjan, selon le recensement de 2014, c’est environ 1.148.000 ménages, et c’est un taux de pauvreté d’environ 22,7%. Ce qui donne environ 206.673 ménages auxquels ont été soustraits, les bénéficiaires du programme filets sociaux productifs qui reçoivent déjà près de la ressource trimestrielle annuelle dans le cadre du plan social du gouvernement. Ce sont environ 29.473 personnes qui reçoivent ces différentes ressources. Le différentiel de ces ménages vulnérables qui est constitué d’environ 177.198 ménages bénéficient dans le cadre de ce programme particulier de ressources. Et ce sont des familles dont les personnes sont décédées du fait du covid 19, des malades indigents, des personnes vulnérables confinées et leur famille, particulièrement les personnes âgées, les personnes souffrant de maladie chronique, les personnes en situation de détresse du fait du Covid 19, les enfants ou adolescents vulnérables des orphelinats, pouponnières etc… ce sont des choses que vous pouvez croiser en vous approchant des différents cibles éligibles à ce fonds. Je rappelle juste que c’est la phase initiale qui permettra de faire ce transfert monétaire d’environ 25.000 F aux différentes familles. A coté de ce transfert monétaire, il y a un soutien en vivre et non vivre, à travers un kit alimentaire et un kit de salubrité. Ces différents kits sont distribués via les autorités préfectorales et un comité de santé qui existe dans tous les départements de Côte d’Ivoire et dans lesquels sont parties prenantes les communautés locales, donc véritablement une opération transparentes qui peut être croisé par les uns et les autres si vous le souhaitez.
Medi 1: concernant les élections en Côte d’Ivoire. Quand on voit cette pandémie, quels sont les aspects que vous regarderez pour nous dire si le 31 octobre 2020 est toujours tenable pour des élections en Côte d’Ivoire… ?
SIDI « -Pour nous les élections d’octobre 2020, vont se tenir à bonne date. Nous travaillons à cela, à appuyer l’organe principal qui gère ses élections. En cote d’ivoire en charge des élections c’est la commission électorale indépendante. C’est le seul organe habilité à nous faire un point sur ce processus.
Le rôle du gouvernement se limite à garantir un environnement propice à ces élections libres et transparentes apaisées et transparentes. Donc nous attendons le tempo de la commission électorale indépendante. Nous mettons tout en place pour que ces élections soient les plus libres et transparentes et possible. Maintenant nous apprécierons ».
ANADOLU : Quel est l’état des lieux par rapport à la nouvelle carte nationale d’identité? Est ce que les ivoiriens pourront aller à la prochaine élection prévue pour octobre 2020 avec ces nouvelles cartes d’identité qui sont en voie de confection ?
SIDI « Lors d’un point de presse, récemment à la suite du conseil des ministres, nous avions annoncé la réaction de près de 130.000 cartes, pour un objectif de près de 6 millions de cartes, que l’ONECI s’est engagée à produire jusqu’au mois d’octobre et cela avec l’opérationalisation et la montée en puissance de tout son dispositif fixe et mobile. Ce sont près d’un millier de valises mobiles, qui vont servir pour l’enrôlement et identification des différentes populations. En tout état de cause. En temps opportun, après l’appréciation des exercices d’enrôlement pour la CNI, si cette option définitive n’est pas arrêtée, la commission électorale indépendante nous donnera des indications, qui nous permettraient l’option la plus viable pour tenir dans les délais, les élections. En tout état de cause, notre objectif c’est de travailler à nous rassurer que les ivoiriens obtiennent leurs cartes d’identité. Il faut aussi ajouter qu’une carte d’identité ce n’est pas seulement pour les élections. Une carte d’identité c’est un processus continu. Et nous sommes engagés dans ce processus continue qui ira au-delà des différentes élections, donc, il ne faut pas entre mêler les choses. Certes ça pourra servir pour les élections, mais ça pourra servir pour les actes de la vie quotidienne et après les élections. C’est un processus qui est lancé et nous espérons atteindre ces objectifs. En son temps, nous apprécierons avec les indications de la commission électorale indépendante ».
AFP : Amnesty international a critiqué le retrait de déclaration de compétence de la cour africaine estimant que cela « marque un recul pour, les droits humains en Côte d’Ivoire. À quelques mois des élections, la côte d’Ivoire ne donne t-elle pas l’impression de vouloir verrouiller toute opposition ?
SIDI « j’aimerais juste me poser deux questions. Cette décision de retrait n’est elle pas une décision politique ? Je dirai non. Puisse que la décision du gouvernement ne vise d’autres intérêts que de préserver la sécurité juridique et le fonctionnement régulier de la justice ivoirienne. La seconde question que j’aimerais aussi me poser : Est ce qu’un Etat membre peut valablement retirer sa déclaration ? je dirais oui, parce qu’il convient de rappeler que la déclaration de reconnaissance de compétence, est par nature facultative dans la mesure où elle est mise en vertu du pouvoir discretionnel de l’état. Donc par conséquent, un état qui comme la cote d’ivoire s’est engagé librement, est tout aussi libre de retirer son engagement. J’aimerais aussi rappeler à la mémoire de … que pour moins que ça, il y a des candidats en France qui ont été amenés à faire le deuil de leur candidature à la présidence de la république, souvent c’était juste à cause d’un costume. Donc il ne faut pas nous faire un mauvais procès »
Africanews: Monsieur le Ministre, le gouvernement ne semble-t-il pas faire la promotion ou la »publicité politique » de Guillaume Soro dans ces condamnations judiciaires ? Ne pensez-vous pas que si le sieur Guillaume devrait être inquiété par la justice ivoirienne, cela devrait plutôt être en rapport avec sa responsabilité présumée dans le massacre de Duekoue en 2011 alors qu’il avait encore les ex-rebelles sous ses ordres ?
« Seule la justice est habilitée à apprécier l’opportunité des différentes initiatives de poursuite. Pour ce qui concerne le dossier qui est en cours, j’aimerais juste relever qu’il s’agit de fait suffisamment grave de recel de deniers publics détournés, de blanchissement de capitaux et d’atteinte à la sureté de l’état. D’ailleurs le sir Guillaume Soro et ses différents avocats ne nient pas la véracité de ces faits, ils les ont même reconnus. A partir de ce moment si tant est qu’ils sont dans une posture institutionnelle, et s’ils ont la charge de la responsabilité qu’ils prétendent défendre, il faut bien qu’ils viennent se présenter devant nos juridictions et leur innocence, tant qu’elle est avérée, sera prouvée. Notre justice est libre et indépendante dans tous les cas. »
Deutsche Welle : Combien il y a de lits d’urgence (pas de simples lits d’hôpitaux mais des lits pour des soins d’urgence) en Côte d’Ivoire? Si possible aussi le nombre de machines respiratoires dans le pays ?
Le plan sanitaire du gouvernement a été amené à considérer deux cas, le premier cas, c’est les personnes qui ont besoin d’être isolées de leurs familles, du fait de la gravité de la maladie, mais il y a des personnes qui n’ont pas besoin d’être isolées mais qui peuvent être confinées chez elles à la maison. Et donc ces deux cas ont amené l’Etat de Côte d’Ivoire à considérer, pour ce qui concerne le cas ou le confinement doit être fait en dehors du cercle familial, à considérer la possibilité d’ouvrir des hébergements dans certains réceptifs hôteliers en occurrence IBIS et autres, sans oublier L’INJS, le palais des sports et certains hôpitaux de l’intérieur du pays qui ont été réquisitionnés à cet effet, en capitalisant le nombre de lits, aujourd’hui le dispositif national est en capacité de pouvoir absorber toute situation en terme d’hébergement des différents cas de maladies signalées.
Bloomberg News : Le gouvernement a-t-il demandé l’extradition de Soro de la France? Sinon, quelles sont les prochaines étapes?
« Vous savez très bien que Mr Guillaume Soro est sous le coup d’un mandat d’arrêt international, maintenant la justice a son rythme et nous ne pouvons pas commenter ce rythme. Nous apprécierons en son temps le traitement qui en sera fait.
Mapresse.info : Concernant le dossier de la CADHP, est-ce que malgré le retrait de la déclaration de compétence, la Côte d’Ivoire entend-elle tout de même donner une réponse à l’arrêt de la Cour africaine?
« je pense que les termes du communiqué du gouvernement est évocateur. Parce que nous avons été suffisamment claire la dessus. La réaction du gouvernement fait suite aux graves et intolérables agissements que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’est autorisé, et qui non seulement porte atteinte à la souveraineté de l’Etat de cote d’ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de la justice qui sont de nature a entraîné une grave perturbation de l’ordre intérieur des états, en occurrence celui de la Côte d’Ivoire, sans oublier la sécurité juridique. Mais n’empêche que la Côte d’Ivoire précise que cette décision est prise sans préjudice de son engagement à demeurer partie prenante dans la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi qu’à son protocole additionnel. Donc, je pense que la référence au communiqué est suffisamment parlant »
APA NEWS : Que répondez-vous à ceux qui estiment que l’affaire Guillaume Soro est une cabale pour écarter un « adversaire gênant » de la présidentielle d’octobre prochain.
Je voudrais juste m’interroger. N’est pas parce que Mr Guillaume Soro savait les casseroles qu’il traînait qu’il a précipitamment annoncé sa candidature à la présidence de la république, en tout état de cause, en tant que citoyen ivoirien, nous sommes tous justiciables. Il faut bien qu’il assume. Qu’il soit devant les juridictions pour pouvoir justifier des faits qui lui sont reprochés. Et en la manière, notre justice est libre, accessible et équitable pour tout le monde. Nous l’invitons à venir s’expliquer. Je vous rappelle que c’est lui, à l’approche d’Abidjan, a détourné son avion pour aller en exile, il n y a pas de chasse aux sorcières, il y a juste des gens qui refusent d’assumer , des gens qui disent qu’ils ont la télécommande, des gens qui avouent avoir tenté un coup d’état en Côte d’ivoire, dans un processus qui a été bien décrypté de la bouche de l’individu lui-même. Après il ne faut pas nous accuser de chasser aux sorcières. Il a dit, il a avoué dans un enregistrement audio. Donc je ne vois pas où on va chercher les pouls dans la tête.
Afrique agriculture : Nous sommes actuellement dans la campagne de l’anacarde et le prix fixé par le gouvernement est de 400f le kg. Dans la région de Kabadougou, le kg est acheté à 200f. Quelle mesure prend le gouvernement pour faire respecter les prix officiels ?
Il faut juste relever que relativement à ce dossier, l’Etat de Côte d’Ivoire a organisé à travers un mécanisme le rachat des différentes productions de nos parents paysans, ceci à travers des GIE ou des coopératives, les différentes productions directement sur le terrain, ceci pour pouvoir garantir les prix d’achat aux différentes populations, c’est un mécanisme qui est en train de se généraliser au niveau national, pour permettre que le prix annoncé soit celui auquel les produits sont rachetés pour pouvoir extraire les produits de nos parents, des mains d’acheteurs véreux, en tout état de cause, je crois que le conseil coton anacarde a les différents dispositifs pour réprimer ceux qui s’adonnent à ce genre de pratique et d’ailleurs à des référents sur le terrain dans les différentes localités à qui les paysans peuvent reporter quand ils sont face à ce genre de malversation.
ANADOLU : Le gouvernement souhaite une élection apaisée. ces différentes condamnations sont-elles favorables à un scrutin dans un environnement apaisé? Le retrait de la déclaration de la Côte d’Ivoire à la CADHP est-elle immédiate au plan juridique. Parce qu’il y a une jurisprudence en la matière qui parle d’un an de préavis ?
« Je voudrais juste rappeler que la démocratie rythme impérativement avec justice, donc pourquoi est ce que dans d’autres pays, le fait que les candidats ont des démêlés avec la justice, il n y a pas de périple sur les élections. Pourquoi voulez vous que ce soit en cote d’ivoire qu’il y a des périples sur nos élections. Il faut arriver un moment qu’on sache raison gardé pour décider ce qui est bon pour notre pays. Nous voulons la démocratie, mais nous voulons aussi la justice. Si nous ne faisons pas ce pas qualitatif, nous ne pourrons jamais tiré les leçons de notre histoire récente, donc véritablement c’est un engagement que chacun de nous doit prendre. ».
Le Figaro : Je me permets de revenir a la question concernant le retrait de la Cote d’Ivoire du protocole de la Cour Africaine à laquelle vous n’avez pas répondu tout a fait : Amnesty International a critiqué ce retrait estimant que cela « marque un recul pour, les droit humains en CIV. » À quelques mois de l’élection, la Côte d’Ivoire ne donne-t-elle pas l’impression de vouloir verrouiller toute opposition ? Monsieur le ministre, vous assurez que la Cour africaine n’est pas compétente, pourquoi avoir donc intégré le protocole en premier lieu et sur quels éléments la CIV s’appuie pour affirmer cette incompétence ? Pourquoi se retirer de ce protocole si la CIV a toute confiance en l’impartialité de sa justice ? Merci.
SIDI : « Je me permets de vous renvoyer le communiqué du gouvernement sur le dossier de retrait » (voir document)
AFP : Avez vous une projection pour le pic de coronavirus en Côte d’Ivoire ?
Le conseil national de sécurité reste très attentif sur ce sujet, et à l’ecoute du comité d’experts mis en place pour savoir, quand est ce qu’on aura ce pic. Restons tous à l’ecoute et croisons les doigts.
La Tribune de Genève : Les victimes de violences conjugales, actuellement en hausse à Abidjan du fait du semi-confinement, peuvent-elles être accueillies au centre PAVIOS comme l’a fait comprendre la ministre de la Solidarité ? Selon plusieurs ONG, ce centre n’a jamais vu le jour.
Les violences conjugales ne sont pas le propre d’Abidjan exclusivement. Même si vous affirmez une hausse, je n’ai pas d’éléments statistiques pour aller dans le sens de votre affirmation. En tout état de cause, l’état de cote d’Ivoire a des leviers, des dispositifs, qui gèrent ce genre de situation. Vous avez à titre d’exemple, le ministère de la femme qui a en charge cette question, même le ministère de la sécurité s’y implique avec l’installation dans tous les différents commissariats de Côte d’Ivoire, l’installation d’une cellule d’ecoute relativement à ce type de problématique. Et même d’autres dispositifs existe avec les différentes ONG. J’irai à la source de l’information, quand je l’aurai, je reviendrai.
Mapresse : concernant la prime spéciale promise par le chef de l’Etat au corps médical et aux forces de l’ordre, ces derniers, les agents des forces de l’ordre redoutent de ne pas percevoir la totalité de leurs primes si cela n’est pas fait par virement bancaire, en tant que porte-parole du gouvernement pouvez vous les assurer qu’ils recevront la totalité de leurs primes pour éviter tous bruits de bottes?
Les primes promises ont commencé à être payées et seront payées entièrement. Soyez rassuré le président de la république y veille personnellement
Amber : En 2016 l’Etat de Côte d Ivoire a décidé de libéraliser le secteur de l’énergie. Aujourd’hui nous sommes en 2020 et le monopole des compagnies CIE-SODECI arrive à terme. L’Etat va t il permettre une ouverture en cassant le monopole?
C’est effectivement un sujet qui est sur la table du conseil des ministres depuis déjà un moment. Les discussions ont lieu et se déroulent assez bien. Je ne sais pas si à la faveur de cette crise sanitaire, ce dossier pourra aboutir, mais en tout état de cause, le débat est ouvert et nous apprécierons en son temps.
Senegaalnet.com : En ce qui concerne le rapatriement des ivoiriens de l’extérieur bloqués par la situation sanitaire. Il y’a des pays qui ont été cités et ceux qui sont dans d’autres pays et qui souhaiteraient regagner le pays que dit le gouvernement ?
Pour le moment, les pays concernés sont la Tunisie, le Sénégal, le Cameroun et le Maroc. Il ne suffit pas seulement d’être ivoirien et étant sur ce territoire pour pouvoir bénéficier de ce retour. Il y a des conditions et l’une des conditions, c’est de disposer d’un billet d’avion qui a été pris avant la fermeture des frontières. Et aussi nous rassurer que rentrer en cote d’ivoire, les différents individus vont se soumettre à la réglementation en vigueur actuellement à Abidjan ou partout en Côte d’Ivoire.
RFI : M Le Ministre compte-tenu que la Côte d’Ivoire est loin d’avoir atteint son pic ou même un plateau dans l’épidémie de Covid 19, quelles garanties sanitaires le Gouvernement peut apporter en matière de maintien du scrutin présidentiel en octobre prochain ? Envisagez-vous un plan B ?
Sidi : «Il revient à la commission électorale indépendante, seul organe habilité à gérer les élections de nous donner les modalités opérationnelles de ce processus électoral. Donc c’est à cet organe qu’il reviendra de prendre en compte les dispositions sanitaires adéquates, pour nous rappeler la bonne tenue de ces élections à date pour ce qui concerne l’état de Côte d’ivoire, nous attendons juste les indications de la commission électorale indépendante.
retranscrit par Fulbert Yao/APE