Journaliste ivoirien, reporter sur Canal+Sport Afrique, à Abidjan et correspondant pour France Football en Côte d’Ivoire, Adam Khalil vient de publier «Combats d’Eléphants » aux éditions L’Harmattan. Un ouvrage qui, en grande partie, nous emmène dans les coulisses des victoires et échecs de la génération dite dorée des Éléphants fortement engagés pour la cohésion sociale.
Adam Khalil, pourquoi avez-vous écrit ce livre » Combats d’Eléphants »?
Ce livre pour vous dire vrai, je l’ai écrit par nécessité. Parce ce que j’ai trouvé, à mon humble avis, que les traces écrites du point de vue du football ne remplissent pas les librairies, les bibliothèques et les étagères des kiosques à journaux… Et que donc, pour ne pas oublier ces moments historiques qui ont tant marqué les cœurs, qui ont aussi été des instants de réjouissance, de forte cohésion sociale et de rapprochement des peuples, il fallait les garder ces temps-là ! Deuxièmement, il fallait ressortir cette envie de dire les choses et de les partager. C’est vrai par le biais de la presse ou encore des reportages,mais aussi à travers le livre : m’engager dans l’écriture, je dirais que la littérature m’a toujours habité et ça bouillonnait en moi . C’était une ambition et je pense que par complémentarité, ça l’est pour bon nombre de journalistes… Il me fallait écrire ce livre-témoignage de tous ces moments que j’ai personnellement pu vivre aux côtés des footballeurs, c’est à dire ceux qui donnent de la joie aux populations.
Vous avez rencontré plusieurs joueurs ayant marqué les 15 dernières années du football ivoirien. Qui vous a semblé au-dessus du lot, humainement et footballistiquement ?
Vous me posez là une question complexe pour moi qui en estime tellement parmi ces jeunes, qui pour la plupart m’ont adopté ! Je ne saurais choisir pour la simple raison que je les trouve tous humains ; de la politesse, ils m’en donnent tellement ! Et leurs talents ! Les auréoles et flambeaux qu’ils nous ont apportés depuis (ces dernières années) finissent de convaincre de l’immensité de leur maîtrise du »ballon rond ». Tenez ! Le football est avant tout une discipline collective. Ce n’est que dans cette ambiance fusionnelle qu’une équipe gravit les échelons. En choisir un ?! J’en ai tellement côtoyé, approché… depuis tant d’années. J’ai eu l’occasion d’effectuer des voyages dans plusieurs pays d’Afrique ou encore d’aller voir certains dans leurs clubs respectifs en Europe. Tous ont leur particularité et ont tant donné au monde du football. En plus, ce qu’il faut retenir, c’est que le bon journaliste ne choisit pas.
On vous dit assez proche de Didier Drogba et Yaya Touré, ils figurent en bonne place sur la couverture de votre livre. Pourquoi avoir choisi ces deux-là ?
Pour la première de couverture , j’ai été guidé par un certain nombre d’éléments : l’emblème de notre pays et de notre drapeau – orange , blanc et vert -. et plus qu’un choix pour ces deux immenses footballeurs africains, c’est tout un symbole. À eux deux, et pour le seul pays la Côte d’Ivoire, ils totalisent ensemble 6 Ballons d’Or africains, le titre de meilleur joueur du continent sur la relative courte et forte période de 2007 à 2014. Ce sont deux footballeurs qui ne sont pas seulement des fiertés pour le continent africain. Pour leurs talents, ils sont connus dans le monde entier, au Brésil, en Chine, au Canada, en Australie… Vous comprenez donc le rôle, oh combien important pour moi, de rendre témoignage.
Le livre aborde-t-il les rivalités plus ou moins réelles entre Didier et Yaya ?
J’aime bien la nuance «plus ou moins réelle» que vous utilisez dans votre question. De rivalité entre Drogba et Yaya , s’il y en a ? Bon, je pense que ce sont les potins et ragots qui entretiennent ces choses-là ! Moi j’ai pour ami et frère les deux et ils le savent, ce qui devrait passer pour incongru si c’était vrai ? Mais bon , je continue de fréquenter les deux et qu’aucun ne dise pourquoi tu es plus avec l’autre que moi ? Il faut bien arrêter d’entretenir ces brindilles et braises qui ne font pas avancer notre football, ni le sport en général. D’ailleurs sur ce chapitre, vous trouverez matière à lire dans «Combats d’Eléphants ».
S’il vous était donné de qualifier le parcours des Éléphants de 2006 à 2013, que diriez-vous ? Le souvenir de cette période vous a t-il motivé à prendre votre plume pour écrire ?
Je vais trahir un secret. Depuis ma tendre enfance, j’ai eu un lien très fort avec le football ivoirien. Notamment dans ma famille maternelle avec mon oncle défunt, Jean Brizoua Bi, qui a été président de la Fédération ivoirienne de football (FIF) de 1980 à 1988. C’est d’ailleurs à travers une de ses interviews dans le journal gouvernemental après l’organisation de la CAN 1984 en Côte d’Ivoire, où il disait, et je cite «… Que le football ne soit pas perçu comme une affaire des désœuvrés, mais une discipline sérieuse qui mérite le concours des intelligences sûres… », que je pense avoir pris pour référence cette phrase qui m’a orienté essentiellement vers les footballeurs lorsque j’ai embrassé le métier de journaliste. Et déjà à partir de l’année 2005 j’avais commencé à me préparer pour rendre témoignage autour de cette ferveur du football en Côte d’Ivoire.
Pourquoi avoir choisi Hervé Renard pour préfacer votre ouvrage ? Une sorte de reconnaissance ?
Hervé Renard , c’est indiscutablement pour le sérieux et le professionnalisme qu’il met dans son travail. Et aussi connait-il mieux le football ivoirien, à qui il a donné, après le local Martial Yéo, une coupe d’Afrique, la deuxième qui fait notre fierté. Regardez tout le boulot qu’il a abattu pour le continent africain. Au Ghana, Zambie, Angola, Algérie, Côte d’Ivoire, Maroc… C’est vrai qu’il était entraîneur en second de Claude Le Roy en 2008 au Ghana. Mais, j’ai personnellement prêté attention à son travail en 2010 à Lubango. C’était en Angola lors du match des quart de finale de la CAN, match perdu par la Zambie aux tirs au but devant le grand Nigeria. Depuis les tribunes, j’apercevais déjà un grand tacticien. Quelle prestation et quelle partie ce jour-là des zambiens ! Tactiquement, il avait été au dessus du lot. Par ailleurs, j’ai beaucoup de respect pour lui. Et je pense qu’il estime aussi mon travail. C’est un respect mutuel je peux dire, quand bien même il n’était plus à la tête des Éléphants, nous sommes restés en contact permanent… Je n’oublie pas Yaya Touré qui a été là dès le début du projet et qui a spontanément marqué son accord pour postfacer l’ouvrage. Yaya Touré, c’est un immense joueur mais c’est aussi un grand Homme en dehors des pelouses, un homme de parole et de conviction.
Avec l’élection à la Fédération ivoirienne de football (FIF) qui approche à grands pas, n’avez vous pas peur que des éléments figurant dans le livre puissent susciter la polémique ?
Polémique ? Non ! Au contraire, le livre, pour avoir sur un long chapitre parlé de la fièvre autour du nom de Drogba, et l’amplitude de son nom au-delà de nos frontières à l’international, peuvent donner à tout le monde une idée de ce qu’il représente dans le cœur des Ivoiriens – qui peut-être seraient déçus de ne pas le voir travailler, ici au pays ,pour la bonne marche du football. J’en profite pour dire que j’ai toujours encouragé, motivé les footballeurs à faire plus que leur prestation sur les pelouses. J’ai toujours et personnellement encouragé Didier Drogba, Yaya Touré, Salomon Kalou, Copa Barry… à revenir s’investir au pays. Je pense que ça ne fait que commencer (Rire).
Pourquoi le titre « Combats d’Eléphants »?
Ce titre Combats d’Éléphants résume bien le livre : il parle des étapes des différentes CAN de 1984 à 2015. Tout cela , je veux dire le parcours des Éléphants aux différentes phases de coupe , ne s’est pas fait que de joies mais de larmes aussi… D’âpres luttes ont ponctué l’histoire de notre équipe nationale…
Comment vous définissez-vous aujourd’hui ? Journaliste ou journaliste-Écrivain ?
Hum ! C’est selon ce que vous voyez ! Journaliste ou Journaliste-Écrivain – ça me sied ! Merci infiniment à vous !
Source LSi