Afghanistan, Gaza, Darfour, Liban sont entre autres des foyers de tension où les missi dominici de l’Emirat du Qatar sont intervenus pour mettre fin aux crises qui secouent ces pays.
Doha est devenu le passage obligatoire de tous les belligérants en quête de solutions de sortie de crise au Moyen Orient. Ce petit pays du Golfe est parvenu, grâce à ses puissants réseaux et à sa diplomatie très dynamique, à faire asseoir autour d’une même table des ennemis jurés que tout oppose mais qui sont obligés de se parler. L’Emirat est parvenu à damer le pion aux autres acteurs internationaux dans la résolution des crises en Libye déchirée entre le gouvernement légitime et les « rebelles ». En Afghanistan, c’est grâce au Qatar qu’Américains et Talibans continuent de se parler même quand Kaboul est tombé sous la coupe des « étudiants » intégriste armés de Kalachnikov. La petite pétromonarchie du Golfe a su tirer son épingle du jeu au Darfour, au Liban, au Yémen etc.
Guerre de positionnement en Libye
Outre son implication diplomatique, le Qatar a été le seul Etat arabe, la participation du Qatar à l’intervention militaire au sein de la coalition internationale coordonnée par l’OTAN en Libye s’est avérée payante pour la suite des évènements. Même si la monarchie a eu investissement moindre au regard des capacités déployées par les membres de l’OTAN, sa présence au sein de la coalition internationale lui a donné du poids dans la résolution de l’inextricable crise libyenne où les intérêts des grandes puissances s’entrechoquent en raison des richesses du sous-sol de ce pays. « L’engagement du Qatar en Libye est cohérent avec sa politique étrangère qui consiste à promouvoir le pays hors de ses frontières géographiques pour être plus actif sur la scène internationale et y occuper une place de choix », analyse Ibrahim Sharqieh, directeur adjoint du Centre Brookings basé à Doha, la capitale qatarie. Depuis son arrivée au pouvoir en 1995, l’émir du Qatar, le cheikh Hamed Ben Khalifa Al-Thani, a su développer une diplomatie active dans la région pour compenser les faiblesses structurelles du pays.« L’objectif du Qatar est de promouvoir le pays et de prendre un rôle plus actif dans le système international, notamment en Afrique du Nord car avec la chute du regime de Hosni Moubarak en Egypte, le pays ne peut plus jouer son rôle de leadership dans le monde arabe et le Qatar entend jouer ce rôle »,analyse Ibrahim Sharqieh.
Le « piège » afghan
C’est à Doha que les Etats Unis d’Amérique et les Talibans ont, le 209 février 2020, signé un accord qui fixe un calendrier pour le retrait définitif des Américains et de leurs alliés après près de 20 ans de conflit. En contrepartie, les talibans se sont engagés à ne pas permettre que le territoire afghan soit utilisé pour planifier ou mener des actions qui menacent la sécurité des États-Unis.Jusqu’à la chute du régime afghan soutenu par les Etats Unis d’Amérique, les liens du dialogue ont été maintenus grâce aux bons offices de la diplomatie qatarie. Cet acharnement à vouloir parvenir non seulement à un cessez-le-feu, mais aussi à une fin de l’offensive talibane sur Kaboul pour enclencher un véritable processus de paix, s’inscrivent pour Doha dans une stratégie à long terme de médiateur de crises internationales là où les grandes puissances occidentales et les Nations Unies sont absentes.Pour de nombreux observateurs, le Qatar, de par ses alliances complexes et sa position de facilitateur au milieu des “Grands”, peut jouer un vrai rôle comme il le fait actuellement en mettant en face depuis des mois Américains et Talibans, que tout sépare. Même si les résultats ne sont pas effectifs vu le contexte explosif dans la région, mais l’expérience et la détermination peuvent véritablement inscrire Doha au cœur de l’échiquier mondial en la matière. Ce n’est pas rien quand on connait la situation explosive de cette région bouleversée par des crises.
Au secours de Gaza
Le Qatar avec l’Egypte, est parvenu à obtenir entre le Hamas et l’Etat d’Israel après 11 jours de guerre qui a fait plus de 300 morts en ce mois de mai 2021. De tous les bailleurs de fonds qui tentent d’aider les Gazouis, Doha semble le plus généreux qui n’hésite pas à ouvrir le portefeuille pour sauver des vies dans cette enclave présentée comme la plus grande prison à ciel ouvert à cause du blocus imposé par Israël depuis 2007. Au cours des dix dernières années, le Qatar a fait construire 42 000 logements, hôpitaux et routes. L’hôpital Hamad, qui prodigue soins et rééducation et a réalisé à lui seul 70 000 consultations et opérations en 2020, n’a malheureusement pas échappé aux récents bombardements israéliens. Depuis 2018, les financements qataris ont permis de faire passer l’électricité à Gaza de 2 heures à 16 heures par jour, en partenariat avec les Nations unies et Israël. Mais aussi d’assurer un revenu décent à près de 130 000 familles sur place.En février 2021, l’Union européenne et le Qatar ont promis 70 millions d’euros, destinés à la construction d’un gazoduc entre Israël et la bande de Gaza, afin de venir à bout des ruptures régulières d’alimentation et d’approvisionnement en électricité de la région. Dernièrement, Doha a promis 500 millions de dollars supplémentaires pour la reconstruction et à destination de la population.
Depuis une dizaine d’années, Qatar tente de se positionner comme médiateur de crises internationales aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afrique.
Nomel Essis