L’ancien Directeur général du Fonds monétaire international (Fmi) a animé, hier à l’INP-HB de Yamoussoukro, une conférence sur les « Défis de l’émergence pour la jeunesse africaine».
A ses côtés, il avait le vice-président Daniel Kablan Duncan, les ministres Kandia Camara et Sidy Touré et en face de nombreux jeunes leaders. Pour présenter «Les défis de l’émergence pour la jeunesse africaine», l’ancien Directeur général du Fonds monétaire international (FMI) s’est appuyé sur une étude prospective réalisée avec quelques experts internationaux de ce que le monde et l’Afrique seront en 2050. Cela à partir d’indicateurs qu’il a appelés des «hyper-tendances». Ceux-ci concernent d’abord la démographie galopante. « D’ici 2050, la population d’Afrique va être multiplié par deux. On aura 2,5 milliards d’Africains. La Côte d’Ivoire verra sa population multipliée par deux.
Elle sera en 2050, à 50 millions d’habitants. Si on prolonge les courbes jusqu’à 2100, la population africaine se sera multipliée par quatre et il y aura 4,4 milliards d’Africains dans un monde de 11,2 milliards d’habitants. De l’autre côté du détroit de Gibraltar, en Europe, on aura vieilli, perdu 90 millions d’habitants et ne dépassera plus en 2100, 650 millions d’habitants. On peut donc dire sans même aller jusqu’en 2100, en nous concentrant sur l’objectif de 2050, que c’est en grande partie dans la confrontation, espérons-là pacifique, que ces deux continents, l’Afrique et l’Europe que se jouera dans ces années, c’est-à-dire demain, l’un des principaux chapitres de l’histoire de l’humanité où nos peuples seront capables d’édifier des partenariats crédibles et efficaces au service de l’amélioration des conditions de vie de leurs populations», a-t-il fait savoir. Ensuite, précise-t-il, nous assistons dès maintenant à une espèce de glissement tectonique de la puissance économique et politique d’Ouest en Est, du Nord au Sud.
Aujourd’hui, fait-il remarquer, ce glissement fait que des structures comme le G7 par exemple est en train de perdre sa légitimité à orienter le monde. « Dès 2015, le poids des pays émergents et des pays en développement est supérieur aux membres du G7. Ce glissement inverse l’ordre établi. Ce glissement affecte en particulier l’Europe. Si l’Europe n’est pas capable de s’unir, elle sera marginalisée», prévient-il. Selon l’ancien patron d’Alassane Ouattara, en 2050, les 2/3 de l’humanité vivront dans des villes. Cela, a-t-il souligné, va impliquer évidemment des investissements massifs d’infrastructures et l’explosion des classes moyennes. « Une grande partie de la Côte d’Ivoire appartiendra à la classe moyenne. Selon la note de calcul des Nations Unies, la classe moyenne à un revenu de 10 dollars par jour et par personne. C’est mieux que deux dollars par jour qui caractérisent les plus pauvres», fait-il observer. Cependant, Michel Camdessus tire la sonnette d’alarme sur la finitude des ressources naturelles engendrées par la poussée de la consommation des pays émergents en 2050.
« Il y aura dans le monde des problèmes d’eau, d’énergie, de minéraux, de terres cultivables. Malgré les beaux succès de la Cop 21 à Paris, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Il faudrait que nous soyons sur une trajectoire d’augmentation limitée à 2° centigrade de la chaleur moyenne, en réalité, nous sommes, malgré les premiers efforts dans cette direction, sur une trajectoire de 3,5°. Si nous ne la corrigeons pas par des efforts accrus, nous allons vers des difficultés sans nom», a-t-il encore averti. Pour finir, il a donné quelques solutions pour que 2050 soit meilleure. Il s’agit d’éradiquer la grande pauvreté, d’amener la finance dans ces divers métiers à se comporter en servante de l’économie au lieu de chercher surtout à servir ses propres intérêts, à renouveler la gouvernance mondiale pour l’adapter à ce monde multipolaire, à convaincre la communauté mondiale d’adopter le mode de vie radicalement nouveau exigé par la préservation de la planète et susciter un changement en profondeur des cultures actuelles car celles qui nous habitent encore aujourd’hui sont radicalement incompatibles avec celles qui devraient prévaloir dans le monde qu’il faut construire.
Traoré Yacouba Diarra