Long de 991,7km, le trajet Abidjan-Lagos est l’un des tançons les plus fréquentés dans l’espace Cedeao. Parsemé parfois d’entraves, la circulation des biens et des personnes sur cette route internationale est loin d’être conforme à la volonté de libre circulation affichée les chefs d’Etats. Notre reporter a récemment emprunté ce tronçon. Reportage !
Il est 6h13 mns ce mardi 04 septembre 2018, Hilaire Méguhé est à la gare internationale de « Young Shall Grown » située à Treichville non loin de la bourse de travail. Comme la plupart des passagers, il s’empresse de faire enregistrer ses bagages et d’embarquer dans le bus qui doit le ramener à Lagos, la capitale économique du Nigéria. Résidant depuis 2013 à Abuja, cet ivoirien de 43 ans revient chaque année en Côte d’Ivoire, pendant les vacances scolaires et repart à l’approche de la rentrée des classes.
En effet, c’est à la faveur de la crise militaro-politique qu’a connue la Côte d’Ivoire, que ce ressortissant de Gagnoa a décidé de s’installer dans la capitale politique de la première puissance d’Afrique où il enseigne le français dans une des nombreuses écoles du pays. L’aventure en terre nigériane semble être pour ce natif de la région du Gôh une réussite.
« En plus d‘être logé par l’établissement scolaire (Nursery and Primary School) qui m’emploie, je gagne environ 80 000 Naira par mois (soit près de 123000 Fcfa).Dieu merci je viens de me marier pendant ces vacances. » nous confie-t-il. En partance pour Lagos après un mois de congés payés à Abidjan, Hilaire Méguhé nous raconte les difficultés du trajet. Pour cet habitué du corridor Abidjan-Lagos, la libre circulation des biens et des personnes voulue par les chefs d’Etats de la communauté des Etats économiques de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est un loin d’être une réalité. «Je ne comprends pas ce qui se passe avec cette compagnie de transport. En plus des 50 000 FCfa comme ticket de transport qu’on me demande de payer, ils me demandent de payer encore 4000 Fcfa comme frais de route malgré le fait que j’ai un passeport.
En plus de cela je dois à nouveau débourser 1000 Fcfa pour le carnet international de vaccination.la raison, la compagnie de transport m’informe que cela permettra de régler les frais aux différents postes frontaliers. Et le comble dans tout çà c’est que chaque année c’est la même chose», se plainte-t-il. Si ce trajet est commun pour Hilaire Méguhé ce n’est le cas pour Alain Achou, un autre ressortissant ivoirien qui se rend lui pour la première fois au Nigeria. Le visage hagard, arrêté près du car, sa carte nationale d’identité (CNI) en main, il s’offusque des frais de transport.
« Hier (le lundi 03 septembre) j’ai payé 60 000 FCFA comme ticket de transport parce qu’on me reprochait de ne pas avoir de passeport. Ce matin, j’arrive à la gare, la guichetière me demande de payer encore 1000 Fcfa comme frais de route pour mon carnet international de vaccination, je ne comprends plus rien », se lâche-t-il. Après ces quelques échauffourées entre passagers et agents de la compagnie de transport, le calme revenu, un homme avec un accent franglais demande aux voyageurs de s’approcher du car pour l’embarquement. Sans trop se faire prier une longue file se dresse à l‘entrée du véhicule.
Une fois à l’intérieur du véhicule de 70 places ce qui retient l’attention ce sont les bagages entassés les uns sur les autres le long du couloir séparant les deux rangés de sièges. Sac de riz par endroit, bagage de l’autre côté, impossible de rejoindre son siège sans de grands sauts à défauts de les piétiner. Le comble du ridicule dans ce décor c’est quand un homme, la quarantaine, certainement de nationalité nigériane, un enfant en main trouve pour siège un bagage dans le couloir. Alors que le voyage est prévu durer 24 heures. Cap sur la frontière Noé-Elibu.
Le tampon des passeports…
Plus de trois heures après avoir quitté la gare de Treichville, le bus marque un arrêt soudain. La raison ? Nous sommes à la frontière Côte d’Ivoire-Ghana. Les passagers descendent, puis se plient aux formalités d‘usages du poste frontalier des deux pays. Du côté ivoirien, tous les passeports des ressortissants étrangers sont ramassés. Quelques instants après les protocoles d’usages, le voyage reprend. Constat. La célérité avec laquelle le poste frontalier ivoirien traite les papiers est de loin différente à celle du poste frontalier Ghanéen. Arrivé à ce niveau, le car s’immobilise pendant une trentaine de minutes. Un homme en uniforme de soldat arrêté à la descente du car prend lui le soin de compter les passagers qui descendent de l’automobile.
La convoyeuse de la compagnie de transport ayant auparavant collectés toutes les pièces d’identités les passagers, eux, passent la barrière sans difficultés. Par elle se rend dans le bâtiment qui sert de passage et de lieu de contrôle pour se plier à l’exercice de contrôle. Fini cet exercice, le lot des passeports et de cartes identités nationales en mains, l’agent de la compagnie débarque la voix enrouée. «Vraiment ce poste frontalier nous fatigue. A chaque fois c’est toujours la même rengaine. Il faut payer de l’argent.
Vous comprenez pourquoi on vous demande de donner 10 000 Fcfa de plus sur le ticket de transport pour ceux qui ont les cartes nationales d’identités et 4000 Fcfa pour ceux qui ont les passeports », nous lance-elle. Finie cette convenance des formalités policières et douanières le trajet reprend. A peine le car sort de la frontière, il s’arrête encore à un poste de police. Aussitôt apparaît un homme en gilet par balle, kalachnikov en main. Après quelques civilités avec le chauffeur, il embarque dans la cabine du conducteur. Selon les rompus du tronçon, c’est une mesure prise par la compagnie pour éviter les tracasseries et les agressions sur le trajet. A bord du car, l’ambiance est bon enfant.
Présent en territoire Ghanéen depuis 16 heures, cet épisode à la frontière a fait perdre plus d’une heure au car. Pour rattraper ce retard, une fois l’embarquement terminé, le chauffeur quitte Elibu à vive allure. Faisant fondre les passagers dans un cri. Le chauffeur et ses convoyeurs étant enfermé dans une cabine, ils nous aient impossible de les interpeller. « Nous avons accusé du retard. La frontière ghanéenne est trop compliquée. Commence le chemin le plus dur, Elibu- Accra.» nous explique une ivoirienne habituée de ce trajet qui a souhaité conservé son identité. Revenant sur l‘incident relatif à l’argent qu’il faut payer à chaque poste frontalier, elle nous informe qu’avec cette compagnie de transport les tracasseries sur les routes sont moindres ou n’existent pas du tout.
Le client une fois la somme d’argent à lui demandé à la gare réglée, il ne paie rien jusqu’à destination. « Young Shall grown c’est encore mieux mais si tu prends d’autres compagnies de transport c’est pire dans ce cas chaque passager descend lui-même pour régler avec les douaniers. Tu paies parfois 2000Fcfa quand tu as une pièce mais si tu n’as pas de pièces c’est 5000 Fcfa. Et c’est la même chose sur les trois frontières, à savoir Elibu (Ghana), Aflao (Ghana-Togo) et Badagry (Benin-Nigeria» nous raconte-t-elle. Depuis, la frontière ivoiro-ghanéenne, cela fait 4 heures du temps que le chauffeur roule et nous ne sommes pas encore arrivés à Accra. Malgré les distances avalées la capitale ghanéenne ne pointe pas.
Emoussé par cette longue distance les passagers commencent à somnoler. Les têtes étendues sur les côtés du bus, les mains sur les sièges en avant, chacun essaie, comme il peut, de trouver une position confortable pour s’étendre et affronter le reste du trajet, qui, selon les habitués est de loin d’être à sa moitié. Comme informé du silence qui gagne l’arrière de sa cabine, le conducteur éteint la lumière dans le car. « Nous sommes à deux heures du matin du mercredi. Accra n’est plus loin », nous apprend notre guide du jour (une ivoirienne) assis dans la pénombre. Soudain une voix à l’arrière du car. « Sir, stop the bus, please my stomach is paining me (en Français) : s’il vous plait M. le conducteur arrêtez le car, mon ventre (estomac) est me faire mal ».
Les cris de détresse de cette dame n’arrêtent en rien l’allure adoptée par le chauffeur. Comme si cela ne suffisait pas, au même moment, une fillette s’avance dans le couloir sinueux de bagage, et frappe à la porte de la cabine du chauffeur. « Tonton pardon ma maman a mal au ventre et moi-même je veux pisser», dit-elle. Touché par cette voix innocente, le maitre à bord s’exécute et marque un arrêt. A peine le car s’immobilise dans la pénombre près d’un village ghanéen le car se vide de moitié à cette heure de la nuit. « Faites vite on va partir on a 30 mns», lance un des convoyeurs. Le temps imparti terminé, le trajet reprend. Il est 3 h 45 minutes quand nous arrivons à Accra la capitale ghanéenne. Partout des fêtards. Accra n’est pas couché. A Accra, l’autocar marque à nouveau une courte escale d’une vingtaine de minutes. La pause terminée, cap est mis sur le Togo.
La traversée dans le calme….
Après Accra, le car met les bouchées doubles sur le poste frontalier Aflao. Au bout de quelques heures de routes où la plupart des passagers sont endormis, l’autocar s’immobilise à Aflao, la frontière entre le Ghana et le Togo. Sans trop se faire prier le convoyeur qui a remplacé la première convoyeuse descendu depuis Cape Coast, le lot de passeport en main, s’approche d’un agent des forces de l’ordre. Ensemble les deux hommes entrent dans un bâtiment qui sert d’abri. Quelques instants après, ils ressortent, le chemin reprend à nouveau. Étant à l’aube du jour nous quittons Lomé, la capitale du Togo pour la frontière qui sépare les deux pays. Contrairement aux autres, la traversée de la frontière entre le Togo et le Benin se déroule dans le calme. Marqué par quelques répits, le chauffeur a appuyé sur l’accélérateur et c’est aux environs de 11 heures que nous atteignons, Badagry, la frontière entre le Benin et l’Etat fédéral du Nigeria. Dans cette ville côtière du Nigéria, un autre périple nous y attend. La qualité médiocre de la route tire l’ensemble des passagers de leur sommeil. Un seul vœu à cette heure de la journée, comment arrivé au centre ville. Ce vœu trouve satisfaction au bout d’une heure trente de route. Parti d’Abidjan le mardi 04 septembre, l’arrivée le mercredi 05 septembre à 14 heures arrache tout le monde d’une hystérie générale.
J.E.K envoyé spécial à Lagos.