Le manioc, troisième plus grande source de glucides pour l’alimentation humaine est devenue une culture de subsistance et de rente pour les producteurs et une culture stratégique pour la sécurité alimentaire. Cependant, depuis des années, ce produit fait face à des menaces que sont la Mosaïque du manioc et la striure brune. Quelles sont ces maladies et leurs incidences sur le manioc ? Dossier.
Au niveau de la famille, elles ont choisi le manioc. Pendant que Suzanne la sœur aînée le commercialise au marché Gouro d’Adjamé, ces deux autres sœurs ont opté pour sa transformation en attiéké. Et depuis plus de 15 ans, c’est ce produit phare qui permet à la famille Moya d’Adjamé, quartier Dallas, d’assurer son quotidien. Malheureusement, leurs activités pourraient connaître une chute du fait d’un phénomène : la maladie de la Mosaïque africaine du manioc et la striure brune. Si la Côte d’Ivoire, pour l’instant, ne connaît pas de cas de Striure brune, la Mosaïque Africaine, elle par contre, est présente.
Quelles sont ces maladies ? Comment se manifeste-t-elles ? Quelles sont leurs incidences sur la production du manioc ? Au dire des spécialistes, la maladie de la Mosaïque Africaine du Manioc (Cassava Mosaic Disease, CMD) causée par les géminivirus, constitue la première contrainte de production du manioc car pouvant entraîner 40 à 70% de perte de rendement.
Cette maladie se propage soit par l’intermédiaire de la mouche blanche, Bemisia tabaci, qui se nourrit sur des plantes malades puis inocule les plantes saines, soit par des boutures infectées utilisées pour planter un nouveau champ. «Une bouture dans laquelle se trouve la maladie, vous la prenez et la plantez, vous obtiendrez de petites tubercules avec la maladie à l’intérieur», explique Dr Justin Pita, directeur exécutif du programme West African Virus Epidemiology (Waves), qui a pour mission principale de lutter contre les maladies du manioc. De plus, l’apparition récente de la Maladie de la Striure Brune du Manioc, (Cassava Brown Streak Disease, CBSD), en Afrique Centrale vient s’ajouter au péril sur les productions avec des pertes de rendement pouvant atteindre 90% voire 100%.
La striure brune est une maladie causée par la mouche blanche et elle se répand à grande vitesse dans certaines contrées du continent africain. Le virus responsable de cette maladie, le potyvirus, qui attaque les boutures de manioc, a été découvert en 1939 en Tanzanie avant de se développer en Afrique de l’Est. Et cette pathologie est aux portes de l’Afrique de l’ouest. Cependant, ces deux grandes maladies virales constituent une véritable menace à la production du manioc et par conséquent à la sécurité alimentaire en Afrique.
L’importance relative de ces deux modes de propagation dépend de plusieurs facteurs. Toutefois, les pertes de rendement sont beaucoup plus élevées en cas de bouturage avec des plants infectés. En Côte d’Ivoire, il y a une menace qui pèse sur la production du manioc, alors que la promotion de la sécurité alimentaire est un critère déterminant pour atteindre l’émergence 2020. L’Afrique, on le sait, est le plus grand producteur mondial de manioc (57%) avec malheureusement le plus faible rendement moyen (10t/ha) comparé à l’Asie qui affiche un rendement de 21,34%, en 2016. Cependant, l’Afrique dispose de variétés hautement productives dont le potentiel peut dépasser 40 tonnes/ha. Au dire des spécialistes, les chercheurs ont beaucoup travaillé de façon isolée, selon les différentes disciplines. Mais aujourd’hui, il est temps qu’ils puissent s’unir pour discuter et mettre ensemble une synergie de développement pour une meilleure production de façon durable, du manioc en Afrique.
Les produits dérivés multiples du manioc (gari, tapioca, pâte fermentée, attiéké, farine, amidon, chips, etc.) font l’objet de commerce sous-régional. Ils permettent à de nombreuses populations de subvenir à leur besoin. Ils ne doivent pas disparaître. C’est pourquoi, selon les virologues et biotechnologistes, il faut sensibiliser les paysans, les leaders communautaires, les leaders politiques, les commerçants, les planteurs, les transporteurs de bouture… Il faut selon eux, faire une approche régionale, ‘’parce que l’on doit savoir ce qui se passe dans les autres régions pour pouvoir mieux se préparer’’. Il faut faire de la prévention, de la détection précoce, de la formation. «Il faut pouvoir former les chercheurs pour qu’ils puissent faire le diagnostic en laboratoire », soutient Dr Pita. Et pour y parvenir, sa structure collabore avec plusieurs autres universités, dont celle de Cambridge.
«L’atteinte de ces objectifs signifiera que nous auront rehaussé la production du manioc de 40 à 70% », confie le patron de la structure de lutte contre les pathologies du manioc. Mais en attendant l’atteinte de ces objectifs, des cultures saines sont produites. Dr Kouassi Modeste, Biotechnologiste soutient qu’à partir de la partie de toute plante contenant le méristème, l’on peut la reproduire. «Cette partie est indemne de virus. Elle est extraite, travaillée, et mise dans un bocal, en laboratoire. Hors de toutes les intempéries.
Au bout d’un mois, l’on obtient des multiplications de la plante», soutient le biologiste. Toute chose qui amène les chercheurs à dire que le manioc est devenu la culture vivrière la plus importante d’Afrique du fait de son potentiel de productivité élevé et de son aptitude à pousser sur des sols peu fertiles. Etant donné l’accroissement rapide des populations dans la plupart des pays, particulièrement dans les zones urbaines, il est plus que probable que le manioc prendra encore plus d’importance. Il ne faut donc épargner aucun effort pour arriver à maîtriser ces menaces que constituent la Mosaïque du Manioc et la Striure brune.
Wave : un programme pour contrôler les maladies du manioc
Le programme WAVE (West African Virus Epidemiology) dont le siège régional est à l’Université Félix Houphouët-Boigny, Pôle Scientifique et d’Innovation de Bingerville, a un objectif principal : augmenter de façon durable la production des plantes à racines et tubercules (PRT) en Afrique à travers le développement de méthodes de lutte efficace contre les maladies virales infectant le manioc lutter contre les maladies du manioc. Cependant, cet objectif ne sera jamais atteint si l’ensemble des problèmes qui empêchent la mise à disposition aux agriculteurs de matériel de plantation sain, à haut rendement et résistant aux maladies, lorsque cela s’avère nécessaire n’est pas fait.
Lancé en 2014 avec un financement de Bill et Melinda Gates Foundation (BMGF) et du Department For International Development (DFID) du Royaume Uni, travaille à combler les lacunes dans le contrôle des principaux virus du manioc en Afrique de l’Ouest et du Centre. La structure travaille à surveiller et à anticiper l’émergence, l’évolution et la propagation de ces virus dans une approche régionale qui regroupe dix instituts de recherche et universités dans sept pays (la Côte d’Ivoire, la Rdc, le Ghana, le Togo, le Nigeria, le Benin, le Burkina Faso).
Le modèle de WAVE consiste donc à travailler avec les institutions régionales dotées de laboratoires équipés d’outils de recherche adéquats de diagnostic moléculaire et de biotechnologie. De même, WAVE utilise des experts régionaux qui sont sur le terrain et en contact permanent avec les agriculteurs. Malgré un environnement extrêmement difficile, le programme WAVE connaît un succès significatif.
Actions posées
Pour ne pas être surpris par une situation catastrophique, il faut faire de la prévention qui passe selon Dr Justin Pita, directeur exécutif du programme West African Virus Epidemiology (Wave), par la prévention. Et cela, à travers par la sensibilisation. Outre la sensibilisation sur le terrain, Wave organise en Collaboration avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique du 11 au 13 avril à l’hôtel le Vaisseau d’Angré, un atelier des virologues et sélectionneurs du manioc d’Afrique sur le
Thème : «Agir ensemble pour une production durable du manioc en Afrique ». Cette rencontre au dire des responsables de cette structure, s’inscrit dans une perspective de développement des synergies, de renforcement de l’expertise scientifique et de mise en commun des connaissances et stratégies pour une production durable du manioc en Afrique, afin de répondre à la préoccupation de la sécurité alimentaire.
Elle réunira des experts de douze pays d’Afrique. A savoir : La Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigeria, le Burkina Faso, la République démocratique du Congo, le Cameroun, le Gabon. Certains chercheurs viendront de l’Afrique de l’est, de la Tanzanie, de l’Ouganda et de la Zambie (sud). En ce qui concerne le cas particulier de la Côte d’Ivoire, des participants seront composés des chercheurs de l’Université Félix Houphouët Boigny, de ceux du Centre suisse, du Centre national de recherche agronomique (Cnra) et des chercheurs de l’Université Nangui Abrogoua
Touré Yelly