« Beidou », le GPS chinois fonctionnel depuis ce lundi 22 juin. En mettant orbite son dernier satellite, la Chine a trouvé le moyen de faire de son système de navigation Beidou une alternative partout dans le monde au GPS américain et autre Galileo européen.
Pour la Chine, les « nouvelles routes de la soie » passent aussi par l’espace. Cet exploit est l’aboutissement d’un projet de longue haleine, débuté en 1983 sous l’impulsion de Chen Fangyun, un ingénieur surnommé le « père des satellites chinois ». Ce n’est qu’au début des années 2000 que Beidou décolle vraiment, avec la mise en place d’un réseau de satellites capables de fournir un dispositif de géopositionnement pour le territoire chinois.
« Les Chinois ont compris que les systèmes de navigation entraînaient une révolution technologique dans le domaine militaire en observant l’efficacité des raids aériens américains durant la guerre en Irak en 2003 », souligne Keith Hayward, directeur de recherche à la Royal aeronautical society, qui a travaillé sur l’industrie aérospatiale chinoise.
Douze ans plus tard, Pékin réussit à étendre sa couverture de Beidou à tout le continent asiatique. D’un projet d’inspiration militaire, ce dispositif est alors aussi devenu un outil économique.
« Ces satellites sont primordiaux pour la Chine car ils lui permettent de compenser le manque en infrastructures de communication au sol pour accompagner son développement », explique Sourgès-Verger, spécialiste des politiques spatiales au CNRS et auteure d’un ouvrage sur la conquête de l’espace par la Chine.
La mise en orbite du 35e satellite rend désormais Beidou opérationnel partout dans le monde. Une étape cruciale au regard des ambitions chinoises de devenir une puissance à la pointe de l’innovation. « La plupart des technologies prioritaires pour Pékin – l’Internet des objets, la 5G ou les voitures autonomes par exemple – nécessitent le recours à un système de navigation », précise Isabelle Sourgès-Verger. Et ils doivent pouvoir fonctionner sur tous les continents. L’enjeu est trop important pour dépendre d’une technologie « made in USA ». « Le développement de Beidou confère aux Chinois une autonomie essentielle. Que ce soit d’un point de vue militaire ou civil, vous ne voulez pas dépendre d’un pays [les États-Unis, NDLR] qui, en cas de crise majeure, peut décider de vous coupez l’accès aux données de navigation », résume Keith Hayward.
C’est aussi un atout diplomatique.
La Chine signale ainsi « qu’elle n’est pas un parasite technologique et est capable d’offrir un outil au monde qui apporte un plus, car Beidou semble être légèrement plus performant que le GPS américain », souligne l’expert britannique.
Beidou est, en effet, une pierre importante apportée à l’édifice des fameuses « nouvelles routes de la soie », ce vaste programme d’investissements dans les infrastructures hors de Chine qui mêle objectifs économiques et diplomatiques.
« Dans les documents autour de ce programme, il y en avait un spécifique au développement de Beidou », souligne Isabelle Sourgès-Verger. Rien de plus logique :
« À partir du moment où Pékin projette sa puissance économique hors de ses frontières, il lui faut un système de navigation propre pour ses trains, ses bateaux et tout ce qui est mobile », affirme la chercheuse française.
Ce n’est pas par hasard que certains, y compris le gouvernement américain, considèrent Beidou comme la pierre angulaire « des routes de la soie spatiales ». Un vaste réseau de satellites qui permet de couvrir l’ensemble de la planète apparaît comme un complément idéal aux nombreuses routes terrestres et maritimes que Pékin met en place depuis plus d’une décennie. Beidou qui, à l’instar du GPS américain est proposé gratuitement. « Environ 70 pays qui participent aux ‘routes de la soie’ sont déjà des partenaires déclarés [de ce système de navigation, NDLR] ou se sont portés candidats », souligne le chercheur Emmanuel Meneut dans une note sur les enjeux en matière de cybersécurité de Beidou, publiée en mai 2020 par l’Institut des relations internationales et stratégiques.
Il s’agit, pour l’heure, essentiellement de pays asiatiques.
Nomel Essis