En marge de la création du parti unifié, plusieurs cadres du PDCI RDA qui ne veulent pas de ce projet cherchent à nouer une alliance de circonstance avec le FPI. Mais c’est un projet lourd de conséquence au regard du passé de ce parti qui est abonné aux trahisons.
C’est Félix Houphouët Boigny, père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne qui l’a dit. « La politique, c’est la saine appréciation des réalités du moment ». Si depuis 1990, beaucoup d’alliances ou coalitions politiques se sont formées en Côte d’Ivoire et ont connu des fortunes diverses, à deux années de 2020, le puzzle politique est en pleine recomposition où des projets d’alliance sont en vue. Ce n’est un secret pour personne, cette échéance marquera la fin d’une génération et l’avènement d’une autre au pouvoir. A côté des ambitions et des appétits qui s’aiguisent dans chaque camp, au niveau des formations politiques, l’idée de nouer une alliance PDCI-FPI est en train de faire son chemin dans l’opinion. Si a priori personne ne peut s’opposer à ce mariage, le PDCI RDA, doyen des partis politiques en Côte d’Ivoire, doit cependant mener une profonde et minutieuse réflexion avant même d’envisager cette éventualité.
En matière de coalitions politiques, le FPI a prouvé en Côte d’Ivoire qu’il ne peut pas nouer une alliance durable. Depuis 1990, ce parti a démontré qu’il est infréquentable et finit toujours par rouler dans la farine ceux avec qui il noue une alliance. La première entité à avoir fait les frais de la roublardise légendaire du FPI, c’est Francis Wodié et la Coordination de la Gauche démocratique. En 1990, à l’avènement du multipartisme, face à la machine de Félix Houphouët Boigny, que personne ne pouvait déboulonner, les principaux partis de l’opposition de l’époque ont eu l’ingénieuse idée de se regrouper en une coalition pour être une véritable force qui pourra faire face au Bélier de Yamoussoukro.
Ainsi donc, le FPI de Laurent Gbagbo, le PIT de Francis Wodié, l’USD de Zadi Zaourou et le PPS de Bamba Moriféré et Kouakou Mandouadja se sont retrouvés à Korhogo où ils ont mis sur pied la Coordination de la gauche démocratique pour exiger des conditions de transparence avant de participer à la première élection pluraliste du pays après l’indépendance. Mais avant même que l’encre de sa signature de Korhogo de s’assèche, Laurent Gbagbo va trahir tous alliés en décidant, en catimini, de participer à la présidentielle de 1990. Comme si cela ne suffisait pas, Laurent Gbagbo va même narguer ses amis d’hier, en affirmant de façon péremptoire, que ce sont les rivières qui se jettent au fleuve et non le contraire. Depuis ce jour, ulcérés par cette trahison, les chemins de Bamba Moriféré, Zadi Zaourou et Francis Wodié se sont séparés avec Gbagbo. Cette première trahison du FPI avec son leader historique a été le point de départ d’une série d’autres trahisons dans lesquelles Gbagbo a roulé tous ses alliés dans la farine.
Ne jamais souper avec le diable, même avec une longue cuillère
Après la Coordination de la gauche démocratique vint le Front républicain en 1995 où le FPI a noué une alliance de circonstance avec le RDR. L’objectif était le même qu’en 1990: L’obtention de conditions d’élections transparentes et d’une véritable alternance démocratique. Mais ce fut un cuisant échec parce qu’ici encore, Laurent Gbagbo a voulu se servir du RDR et d’Alassane Ouattara comme une béquille pour arriver au pouvoir. Après le coup d’Etat de 1999, les chemins du RDR et du FPI se sont séparés et ne se sont plus jamais retrouvés jusqu’à ce jour. Et vint la parenthèse de la transition militaire avec le général Robert Guéi. Opportuniste, à souhait, Laurent Gbagbo et le FPI vont offrir leurs services au chef de la junte et parviennent à faire le vide autour de Guéi pour positionner leurs propres hommes comme conseillers autour de lui.
Quand arriva la période des élections, c’est encore le FPI qui a insidieusement encouragé le général Guéi à se porter candidat afin de faire le partage du pouvoir sur la base d’un deal dans lequel Guéi fera un seul mandat et passera le témoin au Woody en 2005. Le général Guéi mord à l’appât. Mais ayant sérieusement préparé son coup, Gbagbo n’attendra pas la proclamation des résultats et se proclame président de la République sur les ondes de RFI et appelle ses partisans à descendre dans la rue. Pendant ce temps, ses hommes dans l’armée avaient déjà tout verrouillé. Pris de court, le général finira par abdiquer et trouvera refuge dans son village à Gouéssésso.
La suite du film est connue de tous et le général Guéi, quelques semaines avant sa mort, avait levé un coin du voile sur cette trahison avec la désormais célèbre allégorie du boulanger et de la farine. Pendant cette même période de la transition, le même Laurent Gbagbo et le FPI avaient lancé une OPA sur le PDCI pour affaiblir suffisamment cette formation et récupérer beaucoup de ses cadres. Ce fut le Front patriotique. L’objectif était de mettre Bédié définitivement à la touche et faire une fusion-absorption du PDCI. Fort heureusement, le Sphinx de Daoukro, même en exil, est parvenu à faire échouer cette OPA. Mais beaucoup de cadres du parti doyen sont allés avec Gbagbo. Sept années après la chute du régime de la Refondation, voici encore le FPI qui refait les yeux doux au PDCI RDA par rapport à 2020. Or l’adage est clair. Qui a trahi, trahira. Aujourd’hui, certains dirigeants du PDCI, pour leurs ambitions personnelles sont déjà dans un deal avec les pro-Gbagbo. Mais Bédié et la haute direction doivent tirer les leçons du passé. En Côte d’Ivoire, le FPI est le seul parti qui a tissé des alliances avec tout le monde mais qui a également fini par trahir tout le monde. Il est vrai que 2020 est un rendez-vous capital qui aiguise beaucoup d’appétits et d’ambitions. Mais il faut faire très attentions aux alliances que l’on envisage de nouer.
Il est également vrai que depuis 2005, le RHDP a connu quelques couacs, mais l’histoire démontre que ce RHDP a battu tous les records de longévité au niveau des alliances en Côte d’Ivoire. Ce qui revient à dire que cette coalition a été bâtie sur du solide. L’on a encore en mémoire ce que les dix années de gestion calamiteuse du FPI ont coûté à la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, l’on voit ce que le RHDP a apporté à la Côte d’Ivoire en seulement sept années de gestion. Le FPI a trahi la Coordination de la gauche démocratique en 1990, puis le RDR dans le cadre du Front républicain en 1995, le Général Guéi pendant la transition et le PDCI pendant cette même période dans le cadre du Front patriotique. Comme qui a bu boira, le PDCI doit aujourd’hui se rendre à l’évidence qu’il ne faut jamais souper avec le diable, même avec une longue cuillère.
Kra Bernard