Là où les partisans de l’ancien président de l’Assemblée Nationale voient de la sagesse et de la maturité politique, après la sortie de leur mentor sur la situation au Mali, il faut plutôt voir de la récupération politique de la part d’un ex-rebelle en manque de publicité.
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Pour un leader politique qui a bénéficié de l’accompagnement, dans la recherche de sortie de crise, et de l’appui de la communauté internationale et de la Cedeao, il est curieux de lire des propositions et des prises de position en totale contraction avec la réalité du terrain au Mali.
Quelle est la réalité du terrain à Bamako ?
Nous avons une junte militaire au pouvoir à Bamako depuis le coup d’État d’août 2020. En mai 2021, la junte avait pris l’engagement de remettre le pouvoir au peuple. Des élections présidentielles et législatives étaient annoncées pour le mois de février 2022. Et contre toute attente, la junte et ses supporteurs remettent ce calendrier en cause. Ils proposent un nouveau agenda avec l’ambition de mener désormais la transition sur au moins cinq ans, jusqu’en 2027. Inacceptable pour les 15 chefs d’Etat de la Cedeao. Surtout que le régime militaire à Bamako brouille les pistes des relations internationales en concluant des accords secrets avec des mercenaires russes du Groupe Wagner au nom d’une récupération de la lutte contre les djihadistes sur le terrain. Les sanctions adoptées par les dirigeants de la Cedeao sont comparables à celles prises après le putsch d’août 2020.
Après le coup d’État, la Cedeao avait imposé la fermeture des frontières des États membres avec le Mali ainsi qu’un embargo sur les échanges commerciaux et financiers, à l’exception des produits de première nécessité. Il s’agit de pousser la junte à revoir sa copie pour un retour rapide des civils au pouvoir.
Que propose Guillaume Soro pour permettre au Mali de sortir de la crise ?
Guillaume Soro, le sachant (C’est comme cela qu’il s’est présenté avec ses anciens titres d’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Lui qui a participé à plusieurs Sommets de la Cedeao et de l’Uemoa. Partie prenante à un conflit de 2002 à 2007. Et ne l’oublions pas, Représentant de l’ancien président de la République de Côte d’Ivoire M. Laurent Gbagbo, de 2007 à 2010). Ça fait beaucoup, je suis d’accord. Mais le leader du parti dissout Génération des Peuples Solidaires (GPS) est fier de son « expérience personnelle des sommets de la CEDEAO ou de l’UEMOA » où il a travaillé « aux côtés de Chefs d’État tels Mathieu Kérékou, Olusegun Obasanjo, John Kufuor, Amadou Toumani Touré, Blaise Compaoré, Étienne Gnassingbé Eyadema, Abdoulaye Wade, Tandja Mamadou ». On se demande encore pourquoi, l’ex-rebelle n’est pas sollicité par la Cedeao et l’Union Africaine pour régler les conflits en Afrique. Se priver d’un tel médiateur ! Mais, revenons à la question de fond. Que propose Guillaume Soro ?
L’ex-Premier ministre invite son « aîné le président Macky Sall du Sénégal et le doyen le Président Muhammadu Buhari du Nigeria, afin qu’ils usent de leur leadership pour renouer le fil du dialogue entre la Cedeao et la République sœur du Mali ». Il invite aussi ‘’les intellectuels du continent’’ à se joignent à cette initiative pour apaiser la situation et ‘‘repenser les sanctions prises contre le Mali et imméritées par le peuple malien’’. Enfin, Guillaume Soro demande aux parties en crise de sortir ‘‘du fétichisme des dates’’.
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Il se permet, au passage de critiquer la Cedeao et ses partenaires, pour ‘‘le recours précipité et intempestif aux résolutions des Nations-Unies peut, bien souvent apparaître, inopportun voire contre-productif’’.
Trois propositions que nous allons maintenant analyser. La première (L’appel à une médiation des présidents Macky Sall et Muhammadu Buhari). Pour quelqu’un qui dit avoir une « expérience personnelle des Sommets de la CEDEAO ou de l’UEMOA », Guillaume Soro aurait dû savoir que la Cedeao a justement désigné un ancien président de la République du Nigeria, Goodluck Jonathan, comme Médiateur de la crise malienne. Et nous sommes convaincus que Guillaume Soro ne peut en aucun cas remettre en cause l’impartialité et la rigueur de ce Médiateur. (Goodluck Jonathan était président du Nigéria lors du bras de fer de Guillaume Soro face à Laurent Gbagbo). La deuxième proposition (L’appel aux intellectuels Africains) est également une proposition vide de sens. Les intellectuels se prononcent chaque jour sur la situation au Mali sans pour autant se ranger unilatéralement du côté de la junte militaire. Enfin, et c’est le plus marrant, la troisième proposition de Guillaume Soro (Le recours précipité et intempestif aux résolutions des Nations-Unies peut, bien souvent apparaître, inopportun voire contre-productif) est la preuve même des contradictions de l’homme politique. Guillaume Soro, Premier ministre avant les élections de 2010, n’a-t-il pas bénéficié des « pouvoirs nécessaire » grâce aux Résolutions 1633 et 1721 et de l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux (Onu, Cedeao, Union Européenne, Programme des Nations Unies, Banque Africaine de Développement, FMI). N’est-il pas vrai que c’est grâce à ces ‘‘pouvoirs’’ de la Communauté sous régionale et internationale que, lui Guillaume Soro, a pu organiser des « élections libres, ouvertes, régulières et transparentes », de relancer la machine administrative, de démanteler les milices, d’unifier les forces de défense, de démobiliser les militaires et de les réinsérer et d’identifier les électeurs. D’où vient alors qu’aujourd’hui, parce qu’en rupture de banc avec le régime d’Abidjan, Guillaume Soro trouve que la fermeté des chefs d’Etat de la Cedeao est « inopportun voire contre-productif ».
En vérité, il n y a rien de nouveau dans cette sortie de l’ex-Premier ministre. C’est même affligeant de constater que chaque jour qui passe, la dimension d’Homme d’Etat de Guillaume Soro s’effrite. Et cela se voit même dans son propre camp. Boubaker SY porte parole de la jeunesse GPS (Générations & Peuples Solidaires) a dit : « Honnêtement je ne sais pas qui conseille Guillaume Soro. Je ne reconnais plus cet homme si habile à la chose politique. Tu veux diriger un pays et tu soutiens des putschs. Tu encourages un bras de fer avec l’institution sous-régionale. Maintenant l’ONU qui a soutenu et défendu hier tes actions contre un dictateur en 2010 dit qu’elle reste logique et qu’elle est d’accord avec la CEDEAO demandant ainsi aux autorités de la transition Malienne de présenter un agenda clair. Tu dis quoi désormais ? Amateurisme et populisme ne font pas bon ménage ».
F. Ali