C’est regrettable d’entendre certains Ivoiriens faire de la récupération négative de cette histoire de déguerpissement du parc à bétail et des habitations, au quartier dit « abattoir ». Et pourtant, ils ont tort.
Sachons d’abord que Port-Bouët est l’une des 10 communes de la ville d’Abidjan. Elle s’étend tout le long du littoral sur une dizaine de kilomètres au-delà du canal de Vridi. Elle abrite l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny et le port autonome d’Abidjan. C’est vers 1930 que Port-Bouët commence à être habitée. Cette commune compte en son sein l’abattoir principal d’Abidjan qui a été réhabilité par le gouvernement ivoirien à hauteur de 18 milliards de FCFA, y compris la relocalisation du parc à bétail.
Il y a plus de six mois, en prélude au déguerpissement de l’ancienne casse au niveau d’Adjamé, les autorités ont commencé des négociations pour la relocalisation du parc à bétail avec les exploitants, c’est-à-dire ceux qui viennent avec le bétail d’ailleurs. Et depuis plus de deux mois, certains ont commencé à occuper le site d’Adjamé. On estime ce nombre à 80% à ce jour.
Les 20% restants sont ceux qui n’ont pas voulu partir et qui ont posé des actes de violence samedi. Mais pour quelle raison ?
Derrière cette violence se cache un système mafieux bien rodé qui tire profit de l’absence d’ordre et de contrôle à l’abattoir actuel. L’absence d’hygiène, de sécurité et de réglementation offre un terreau fertile pour des bandes organisées qui rançonnent les acteurs du bétail à travers des taxes sans base légale. Ces groupes imposent leur loi et leur système de corruption, menaçant la sécurité des acteurs.
Par exemple, sur ce site, les personnes qui voulaient se lancer dans la filière devaient déposer des cautions et des travailleurs payaient des taxes. Ces sommes versées n’entraient dans aucune comptabilité. Ceux qui refusent de payer sont sous la menace de fermeture de leur activité. En clair, ce sont des millions sinon des milliards qui disparaissent des caisses de l’État et qui engraissent des mafieux. Telles sont les informations qui ressortent des confidences de certains bouchers et travailleurs du secteur.
Quelques ouvriers de l’abattoir de Port-Bouët sont de véritables adeptes de substances alcooliques si ce n’est qu’ils fument joints sur joints à longueur de journée, dépourvus de leurs sens, cigarette et boisson enivrante à la main. Ils n’ont aucune gêne à se présenter devant les clients en état d’ébriété, à toute heure de la journée.
Dans ce milieu, la guerre et les bagarres sont la ritournelle habituelle. Les pratiques occultes sont un apanage sur lequel il fallait compter pour concurrencer les collègues de travail. Dans ce monde impitoyable, les coups de couteau sont vite donnés. C’est une jungle organisée où le plus fort fait la loi.
Les forces de l’ordre affectées à la sécurisation des environs n’arrivaient pas toujours à sécuriser les lieux et à y faire régner la discipline.
Aujourd’hui, si le District a décidé de changer les donnes, saluons cet acte. Nous sommes un pays de droit qui ne peut pas accepter des débordements, quel que soit la forme. Les violences enregistrées samedi dernier sont à condamner. Et quand des ivoiriens s’associent à cela, c’est écœurant.
Pour la relocalisation du site, des accords ont été signés. Des cessions ont été faites. Ce n’est pas anarchiquement que ces personnes ont été déplacées. Il y a des situations qu’on doit tourner la page et celle de l’Abattoir est la bienvenue.
Fulbert YAO