« Et c’est dans cet agenda de prospérité et ces nouveaux partenariats que je veux évoquer le continent africain. Et je le fais là aussi avec beaucoup de reconnaissance pour tout le travail que vous faites et de clarté.
D’abord, nous avons un agenda qui doit sortir, en quelque sorte, des obsessions du passé. J’ai fait le maximum des efforts, et je continuerai de le faire, pour regarder les questions historiques, culturelles et mémorielles. Je crois que nous l’avons fait avec beaucoup de sincérité ces dernières années, et du travail inédit qui a été fait sur l’Algérie avec la commission Stora, en passant par le discours qui a été donné en mon nom par le ministre à Tiaroy pour le Sénégal, à la politique de restitution des oeuvres d’art, conformément à l’agenda de Ouagadougou que j’avais évoqué.
Nous avons, ces dernières années, profondément changé ce logiciel. C’est-à-dire que la France regarde son passé dans sa complétude, elle a nommé les choses et elle cherche à avoir une approche scientifique, historiographique, à la fois décomplexée et dépassionnée, et nous le ferons encore avec le Cameroun, avec le comité d’historiens que nous avons installé. Et j’assume totalement que cette politique, elle est bonne. Et je le dis en tant que président, la République naît après la décolonisation. Dans un continent qui a 75 % à moins de 25 ans, le dialogue avec l’Afrique ne peut pas être l’otage d’un panafricanisme de bon alloi contemporain qui utilise en quelque sorte un discours postcolonial, en ayant d’ailleurs des soutiens de revers qui sont les impérialistes d’aujourd’hui. Et donc cette espèce de combination de faux intellectuels manipulant les réseaux sociaux, utilisant le désarroi d’une jeunesse et les intérêts de la Russie ou d’autres en Afrique, soyons lucides, mais ne cédons pas. Et donc dans ce contexte-là, non, la France n’est pas en recul en Afrique. Elle est simplement lucide et elle se réorganise. Je dis ça parce que quand je lis une bonne partie de notre presse et beaucoup de commentaires, les gens, en regardant avec les lunettes d’hier, disent que c’est terrible, l’Afrique, on est en train de disparaître. Non, on a choisi de bouger en Afrique. On a choisi de bouger parce qu’il fallait bouger. Un, on a regardé notre relation passée, mémorielle, culturelle.
On la factualise, on l’assume, on se dit la vérité. Mais on ne cède rien à la désinformation et aux ingérences. Deux, nous avions une relation sécuritaire. Elle était de deux natures, en vérité. Il y a une partie, c’était notre engagement contre le terrorisme depuis 2013.
On avait raison. Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme. Mais je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région. Et j’ai une pensée émue pour nos soldats qui, parfois, ont donné leur vie et pendant des années se sont battus.
Nous avons bien fait. On est partis parce qu’il y a eu des coups d’Etat, parce qu’on était là à la demande d’Etats souverains qui avaient demandé à la France de venir. A partir du moment où il y a eu des coups d’Etat, où les gens ont dit, notre priorité, ce n’est plus la lutte contre le terrorisme, c’est ceci ou cela qu’importe. La France n’y avait plus sa place, parce que nous ne sommes pas les supplétifs de putschistes. Donc on est partis. Et ensuite, on a décidé, ça, c’est le deuxième volet, de réorganiser notre présence militaire
Pourquoi ? Parce qu’on avait, en quelque sorte, une rémanence. Et on nourrissait nous-mêmes un discours postcolonial. Parce que dans les pays d’Afrique francophone, il y avait cette histoire, et donc on avait laissé une présence installée dans nos bases. Est-ce qu’elle avait encore une justification ? Plus tellement. Est-ce que c’était ça, le rayonnement de la France ? Non.
Salut à tous ceux qui ont servi. Ca ne l’était plus là. Et ça n’était plus compris, c’était utilisé. C’est-à-dire que tous les réseaux d’activistes que j’évoquais venaient dire, regardez les Français, ils ont un camp avec 2 000 soldats, là. Donc ils vont préparer un coup d’Etat. Et toutes les désinformations possibles étaient utilisées contre nous.
Donc nous avons patiemment, et je remercie Jean-Marie Bockel, je le remercie à double titre, personnel et pour cette mission, parce qu’il fait partie de ceux qui ont vécu dans sa chaire et la chaire de sa famille, ce que j’évoquais tout à l’heure. Mais il a mené patiemment, en lien avec les ministres et le Séma, cette mission. Et donc nous avons proposé aux chefs d’Etat africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. Mais vous ne trompez pas, c’est nous qui l’avons… Et parfois, il a fallu les pousser. Mais pas parce qu’on est polis, corrects et qu’on se réorganise nous-mêmes qu’il faudrait que ce soit retourné contre nous en disant qu’ils sont chassés d’Afrique.
Je peux vous dire que dans bien de ces pays, on ne voulait pas enlever l’armée française ou même la réorganiser, mais on l’a assumé ensemble. C’est ça, le partenariat. Et donc, oui, nous sommes en train d’ouvrir un partenariat de sécurité et de défense nouveau où on aura des bases stratégiques. Djibouti en fait partie. C’est pourquoi elle est d’une toute autre nature. Je l’évoquais devant nos militaires. Elle sera pérenne, stable, parce qu’elle est régionale. Et on va demander à nos partenaires de savoir exprimer leurs besoins en termes de défense. Mais on va faire plus de formations, plus d’équipements, plus de renseignements, plus de contrats aussi dans la durée de défense. On va qualifier la menace avec eux et on va aussi inventer une nouvelle relation, comme on l’a fait ces dernières années avec le Bénin, relation inédite, comme on va le faire avec le Nigeria où on a commencé un dialogue stratégique qui n’existait pas jusqu’alors, ce qui était une aberration, etc.
Partenariat stratégique de défense désinhibé, mais d’avenir. Et au-delà de ça, le continent africain, c’est un continent de croissance. Et là-dessus, nous sommes trop frileux. Je le dis aussi parce que quand je lis, toujours la presse, les lunettes françaises sont obsédées par l’Afrique francophone. Il faut regarder l’Afrique francophone avec fierté.On y a des intérêts, on y a des amitiés chères chez les dirigeants, dans la société civile et ailleurs. Mais enfin, on a bien fait de faire le 1er grand voyage depuis 25 ans du Nigeria en France il y a quelques semaines. 25 ans. Vous savez qu’un pays a 250 millions d’habitants.
On a bien fait d’aller faire la 1re visite au Kenya. Imaginez. On a bien fait de retourner pour la 2e fois en Éthiopie, pays de plus de 100 millions d’habitants, d’avoir consolidé une stratégie énergétique et d’investissement avec l’Afrique du Sud. Nos lunettes sur l’Afrique ne sont plus les bonnes, quand on parle de l’Afrique. C’est un continent où il y a des grands émergents, où il y a des potentiels de croissance formidables. Et nous sommes en train parfois de désinvestir.
Et donc, il faut retrouver de l’audace, repenser nos financements, et là-dessus, nous devons, en interministériel, repenser nos financements pour prendre plus de risques et accompagner plus de risques, repenser nos règles européennes pour qu’on ait une capacité de financement de nos grands acteurs et avoir une stratégie avec nos entrepreneurs, toutes filières confondues, beaucoup plus ambitieuse à l’égard du continent africain.
Et on a regardé comme un continent d’opportunités sur la question commerciale et économique, sur la question alimentaire et agricole, sur la question de l’innovation dans tous les domaines, sur la question artistique et culturelle, sur la question sportive, qui sont là aussi des domaines où nous avons des expertises, où on les a montrées au monde entier, en particulier avec les Jeux olympiques et paralympiques, et où il y a toute une stratégie sport qu’on doit déployer, parce que tous les acteurs français qui ont travaillé pour nos Jeux, on veut qu’ils aillent travailler pour la Coupe d’Afrique des Nations et d’autres grandes compétitions, et que ce soit ce faisant une politique qui vienne en soutien avec ce qu’on fait en matière éducative et autre.
Et donc, je vous fais confiance pour que ce logiciel qu’on a commencé à changer à Ouagadougou soit chaque fois réexpliqué, porté, assumé comme un logiciel de conquête, comme toutes les transitions. C’est difficile, parce qu’il y a des nostalgiques, parce qu’il y a des gens qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas comprendre, et parce qu’on bouscule des intérêts acquis.
Mais croyez-moi, c’est une bonne chose, parce que le monde change et que nous avons besoin d’embrasser, justement, ce nouveau partenariat. Et en parlant du continent africain, c’est en particulier ce qu’on veut faire avec le Maghreb. Pour moi, un des temps importants de ces derniers mois a été ce que nous avons réussi à bâtir avec Sa Majesté le roi Mohammed VI.
Lors de la visite d’Etat, plusieurs d’entre vous m’y accompagnaient il y a quelques semaines, nous avons construit un partenariat pour les décennies à venir totalement nouveau. Il est dans tous les domaines. Il est d’une ambition inédite et il est pour moi véritablement constitutif de cette nouvelle approche.
Il doit d’ailleurs être un de nos relais à l’égard d’une approche africaine réinventée, c’est-à-dire qu’on aura des projets franco-marocains sur le continent africain, parce que c’est une autre façon aussi d’aborder ce continent et de changer le regard à l’égard de la France quand on l’aborde ensemble.
Et donc le Maghreb sera aussi dans cette stratégie, pour moi, au coeur d’un agenda positif, la saison Maghreb, le fond Maghreb, l’Académie des talents, et nous ne devons pas nous résoudre, malgré les tensions qui peuvent exister avec certains, à la nécessité d’avoir un tel agenda » (Emmanuel Macron)
N.B: le titre est de la redaction