Dans cet entretien accordé à l’infoexpress, en marge du premier congrès ordinaire du Syndicat national des diplômés en soins Infirmiers et Obstétricaux Côte d’Ivoire (Synadsio-ci), Théodore Zadi Gnagna, président de la Centrale plateforme nationale, revient sur la récente grève des enseignants et agents de santé des 15, 16 et 17 octobre derniers. Il se prononce sur les enjeux de cette mobilisation, dénonce la suspension des salaires de plusieurs syndicalistes, et appelle au dialogue pour un apaisement durable. Lisons!
Bonjour Président. Concernant la grève des enseignants et agents de santé des 15, 16 et 17 octobre derniers, comment avez-vous vécu ce moment ?
Je pense que cela a été un moment difficile, car nous étions tiraillés entre plusieurs positions. D’une part, une grève menée par nos bases et par des syndicats issus de nos confédérations qui exprimaient un besoin de prime, et de l’autre côté, notre signature d’une trêve avec le gouvernement, qui s’interroge sur notre sincérité, notre loyauté et ce que nous envisageons de faire face à cette trêve qui est menacée.
Nous avons expliqué que le plus important pour nous, c’était de comprendre le message que nos camarades souhaitaient faire passer et d’y apporter une réponse, éventuellement graduée. En tout état de cause, il fallait comprendre le message. C’est un message adressé à nous, les signataires, pour dire que la base est impatiente et attend de nouveaux acquis. En même temps, ce message est aussi adressé au gouvernement pour lui rappeler qu’il ne faut pas se reposer sur ses lauriers et qu’il faut maintenir un dialogue permanent, surtout au niveau de la base, là où les problèmes surgissent souvent. Il fallait veiller à ce que les cadres sectoriels soient de véritables espaces de discussion.
Ainsi, cela a été un moment difficile, et nous avons travaillé avec nos camarades pour aller vers l’apaisement, la retenue. Nous continuons de travailler pour que l’accalmie perdure et que le dialogue prime sur les crises et les tensions.
Quel est votre avis sur les ponctions et la suspension des salaires de 26 de vos camarades syndicalistes par le gouvernement ?
Pour ce qui est des ponctions, la loi sur la grève est claire. Elle stipule qu’en cas de dépôt de préavis de grève, il est possible de faire des retenues sur salaire pour les jours non travaillés, comme le confirme l’article 24 du statut général. Tout syndicaliste le sait et ne devrait pas être surpris par ces ponctions.
En revanche, la suspension et la mise sous contrôle des salaires des 26 camarades représentent, pour nous, un abus de pouvoir de la part du gouvernement, car aucun texte ne permet au gouvernement de suspendre le salaire de camarades. La loi est claire : le statut général décrit les sanctions que l’État ou l’autorité peut prendre. Il y a deux types de sanctions : celles de premier degré, qui concernent des manquements aux obligations de travailleurs. Or, ici, nos camarades n’ont pas manqué à leurs obligations ; ils ont simplement exercé leur droit de grève, un droit reconnu par le statut général et par la Constitution ivoirienne. Ce ne sont ni des meneurs, ni des délinquants, ce sont des secrétaires généraux qui ont agi conformément à leur mandat.
Ainsi, le fait de mettre leurs salaires sous contrôle est, selon nous, un abus que nous dénonçons. Nous demandons au gouvernement de libérer ces salaires. Une simple ponction aurait été normale, mais la suspension des salaires n’est autorisée par aucun texte. Dans le statut général, il existe deux types de sanctions : celles de premier degré, qui peuvent aller jusqu’à une ponction de 25 % sur le salaire, et celles de second degré, pouvant atteindre 50 %. Ces sanctions sont applicables uniquement en cas de faute professionnelle, ce qui n’est pas le cas ici. Nos camarades ont fait une grève de trois jours, donc ils devraient être ponctionnés pour ces trois jours, mais leur imposer une suspension de salaire n’est pas conforme à la loi.
Est-ce que cette question de suspension de salaire sera traitée en comité consultatif ?
Cest une décision prise par le gouvernement. Donc elle va se résoudre au niveau à ce niveau. Mais si lavis du comité consultatif est requis alors nous y travaillerons car cet organe est chargé de traiter toutes les questions concernant la vie des fonctionnaires y compris les revendications. Ce qu’il faut noter, c’est que le gouvernement, dans son communiqué, a pris acte des conclusions de l’atelier de Bassam. Pour nous, cela représente un pas important vers la résolution du problème. Il est essentiel de souligner et de saluer le fait que le gouvernement et les ministères concernés commencent à travailler sur ces questions. C’est un aspect que nous devons mettre en avant, car on met trop souvent l’accent sur les sanctions en oubliant cet élément important.
Donc, toutes ces questions seront abordées, et des solutions seront trouvées. Nous lançons un appel au gouvernement pour qu’il reste dans la dynamique du dialogue social, qu’il revienne à un apaisement global et que les sanctions soient mises de côté afin de travailler dans la sérénité. Certes, il y a eu une grève, mais ce n’est pas la fin du monde. Ce sont des enseignants ; ils vont rattraper les cours, travailler, et on ne ressentira pas l’impact de ces grèves sur les résultats. Nous pensons que le gouvernement devrait faire un geste pour consolider l’apaisement, éviter d’autres grèves et prévenir un effet de contagion. Merci.
Fulbert Yao