L’artiste du coupé décalé, DJ Arafat, qui vient de tirer sa révérence, traîne plus d’une dizaine d’années de carrière musicale pleine et ininterrompue et passait pour une source intarissable d’où venaient s’abreuver constamment des jeunes artistes du coupé décalé en quête d’inspirations. Portrait.
Avec lui, c’est une page de l’histoire de la musique ivoirienne moderne qui se tourne car, à lui seul, Ange Didier Huon incarnait une époque, une génération et une lignée musicale.
Fils de Tina Glamour (aussi appelée Tina Spencer) et de Pierre Huon « Wompi », Ange Didier Huon est né le 26 janvier 1986. Dans les débuts du mouvement coupé-décalé, le DJ officiant dans l’un des plus grands maquis abidjanais dénommé “Le Shangaï” est repéré par le jeune producteur Roland Le Binguiste qui l’emmène en studio.
C’est ainsi qu’il sort une œuvre discographique qui le révèle au grand public grâce au morceau “Hommage à Jonathan”, en 2003, dont une partie du clip a été réalisé à Abidjan avec la présence de feu Douk Saga et Mulukuku DJ.
Très jeune, Didier Houon avait beaucoup d’amis libanais à Abidjan, qui le surnommaient sans cesse Yasser Arafat, l’ancien dirigeant du Fatah et de l’Organisation de libération de la Palestine. Car en effet, on lui attribuait le tempérament du dirigeant du Fatah. Il a décidé de faire de ce surnom son nom de scène.
Le « chouchou » du coupé-décalé, en 2008, depuis en duo avec Debordeaux Leekunfa, sort un nouvel opus qui promeut une nouvelle danse appelée le Kpangor. Le concept et les singles qui s’ensuivent deviennent des succès sur le continent africain, du Gabon, au Burkina Faso et au Cameroun. Des tubes naissent dans un bref laps de temps : « Kpangor », « Confirmation Kpangor », « Lebede 2 », « 25 25 Arachide », « Bouddha ».
Ces tubes s’imposent très vite et arrivent en tête des classements ouest-africains. Entre-temps, il sort des freestyles ou encore des “attalakus” qui rencontrent un tel succès qu’après leurs sorties, toutes les dix minutes en moyenne, un média musical ou un maquis les diffusaient. Il s’agit de « Spot 2009 » (août 2009), « le spécial Stéphane Sességnon et Marie Claude Sességnon » (été 2009 en duo avec Debordeaux Leekunfa), « Interdit aux moins de 30 ans » (septembre 2009), « Retour en clash » (octobre 2009) et « Cadeau de fin d’année » (décembre 2009). Pour ses prestations scéniques, il engage trois célèbres et talentueux danseurs dénommés Magicien, Ordinateur et Bébé sans os.
Depuis la sortie de son premier hit en hommage à DJ Jonathan, Arafat DJ est, sans contexte, devenu le chanteur le plus populaire du pays. Chacun des singles sortis depuis a rencontré un grand succès. Le Yorobo prouve encore une fois que sa source d’inspiration est intarissable . Le single Gladiator est mis sur le marché le 16 décembre 2009, et l’album le 19 juin 2010 incluant les morceaux Zoropoto I et II.
Le 13 août 2010, il devient le premier DJ artiste du coupé-décalé à faire un concert en solo dans la plus grande salle de Côte d’Ivoire qui est le Palais de la Culture d’Abidjan. Depuis 2011, il remplit le Palais de la Culture d’Abidjan chaque 26 décembre.
Inspiré par Lil Wayne, embrassant depuis janvier 2010 le hip-hop et surnommé à cet effet « Sao Tao le dictateur », il conceptualise le « Nouchi RNB » dans son single en duo avec Yvan Trésor.
On observe tout au long de sa jeune carrière, un changement de style vocal et musical. Il est passé du coupé-décalé classique des premières heures de ce mouvement musical à un coupé-décalé plus sophistiqué aujourd’hui. Sa voix est devenue plus rock, les instrumentaux plus travaillés et plus électroniques, mélangeant des sonorités nouvelles, avec une place importante donnée la batterie. On parle aujourd’hui d’une sorte d’« African Rock » et d’ “African Electro“. Le morceau « Rage 202 » par exemple, est un mélange sonorités heavy metal et coupé-décalé.
Il est considéré à l’extérieur de son pays natal comme l’ambassadeur du coupé-décalé, suivi par Serges Beynaud, qu’il considère comme un rival.
En 2012, il reçoit deux prix : celui du meilleur artiste africain de l’année et celui du meilleur artiste masculin de l’Afrique de l’Ouest au Kora Award. Un sacre qui le positionne comme un ambassadeur de la musique africaine dans le monde. Fort de son assise sur le continent, il est souvent sollicité pour des collaborations : de Davido à Toofan en passant par J-Martins sans oublier Fally Ipupa. Cette même année, il s’impose également sur le marché français, avec « Oulala ». Un morceau en collaboration avec Mokobé, tube de l’été de la même année.
DJ Arafat a signé récemment chez Universal Music Group. Il fait donc son entrée dans une grande écurie de l’industrie musicale qui l’alignera prochainement dans son registre des artistes African Pop.
Victime d’un accident de la route à moto survenu dans la nuit à Abidjan, DJ Arafat meurt des suites de ses blessures ce 12 août, aux environs de 8h, laissant derrière lui son fils Huon Mael et sa petite fille encore nourrisson.
(AIP)