Expression musicale jamaïcaine née en 1960, le reggae fait toujours vibrer et rêver les Africains.
Ce genre musical engagé dont les symboles les plus célèbres ne sont autres que le Jamaïcain Bob Marley et l’Ivoirien Alpha Blondy, jouit d’une popularité en Afrique, tout en véhiculant des messages adaptés à notre ère, selon des spécialistes et fans de cette musique que nous avons rencontrés récemment.
L’historien congolais, Elikia M’Bokolo, rattache la popularité de cette musique à ses spécificités historiques et culturelles. « Dès les années 60, les reggaemen ont toujours cherché à allier le mot raffiné à une mélodie qui caresse l’âme et éveille l’esprit à la fois. Autrefois, on chantait la paix et l’unité, aujourd’hui on chante pour sensibiliser les gens sur ce qui ne va pas de nos jours. En chantant, on plaide, par exemple, pour l’indépendance financière et on dénonce l’hégémonie des anciennes forces coloniales », explique l’analyste.
Il fait allusion au franc Cfa, devise officielle des huit États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) depuis 1994 : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Guinée-Bissau, Sénégal, Togo. La convertibilité de cette monnaie ouest-africaine est garantie par la France depuis 1959. En contrepartie, les banques centrales africaines sont contraintes à déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor français.
Au Mali, le reggae aborde la question du terrorisme et des mouvements armés qui évoluent dans le nord du pays, selon la promotrice du festival de reggae malien, Sista Mam.
« Au plus fort de la crise qu’a connue le Mali, les reggaemen n’ont point cessé de chanter. Le message était clair : il n y a pas de vie sans paix. Le travail de recherche mené par les chanteurs et compositeurs de cette musique pour mieux agencer paroles et mélodies fait son originalité », se réjouit-elle. Il faut des mots qui touchent pour chanter l’amour, la solidarité et le panafricanisme, de l’avis de Mam.
En Côte d’Ivoire, les chanteurs et adeptes de ce genre musical se focalisent sur la réconciliation nationale pour panser les blessures occasionnées par la crise postélectorale de 2010- 2011 qui a fait plus de 3.000 morts, selon la chanteuse ivoirienne Tina Mi.
Au pays d’Alpha Blondy, on parle également reggae pour inciter à la lutte contre la pauvreté, la non-scolarisation des jeunes filles, etc, dit la star ivoirienne.
En Ethiopie, on chante la rédemption et le rastafari et c’est toujours d’actualité, selon l’historienne et musicologue jamaïcaine vivant en Ethiopie, Desta Meghoo. Le mouvement rastafari étant un mouvement culturel et spirituel qui s’est développé à partir de la Jamaïque dans les années 1930. A la suite du couronnement du roi des rois, lion conquérant de la tribu de Juda d’Éthiopie, le mouvement à vu ces adeptes augmenter.
Au cap vert, le message reste universel comme partout en Afrique noir, confie l’artiste Zekabelo: « La paix, l’harmonie, la jeunesse demeurent les sujets de prédilection des chanteurs de reggae». Ces derniers sont connus pour leur persévérance, selon l’artiste.
« Un combattant n’est jamais découragé, il combat jusqu’au bout», passe-t-il.
Fulbert YAO