Jacques Loua est dévasté suite au drame qui a conduit le dimanche 30 août à la mort de 86 ivoiriens et guinéens dont des bébés candidats à l’immigration clandestine sur les côtes maritimes de Boudjour au Maroc. Le président de la Jeunesse Consciente et Participative de la Diaspora Ivoirienne (Jcpim) raconte cette page sombre.
Il s’est produit un drame le 30 août sur les côtes maritimes de Boudjour. Il semble que 86 personnes ivoiriennes et guinéennes dont 15 bébés ont péri. Qu’en est-il réellement ?
Permettez-moi de souhaiter mes condoléances à toute la communauté ivoirienne et guinéenne. Effet dans la nuit du Dimanche 30 Août 2021 à 2h du Matin un convoi plein d’immigrants à majorité ivoiriens et Guinéens est sorti des côtes Maritimes Marocaines dans la ville de Boudjour située dans la région de Laayoune Sakia El Hmara. C’est un village de pêcheur proche de l’Espagne par la voie Maritime. Cette embarcation de fortune contenait au total 86 personnes dont 36 femmes 35 Hommes et 15 bébés dont l’âge varie entre 0 à 5 ans. Ils se sont tous noyés. L’embarcation a chaviré à cause du surpoids vue le nombre importants de personnes à bord de l’embarcation. Celle-ci a fini par lâcher. Avec la débandade et l’instinct de survie, les vagues et surtout tard dans la nuit, le bilan ne pouvait pas être autre que cela.
Que s’est-il passé par la suite ?
Informés du drame, les gardes de Côtes marocaines ont aussitôt lancé une patrouille de repêche de survivants. Mais hélas les vagues avaient dissipées les victimes ce qui a rendu les recherches encore plus difficiles. Malgré cela des corps sans vie ont put être repêchés grâce aux efforts déployés des gardes. Nous leur rendons un vibrant hommage. Au total 22 corps ont été repêchés.
Peut-on avoir l’identité de ces victimes ?
Pour l’instant, il est difficile d’avoir l’identité exacte des victimes car la plupart des personnes qui s’engagent dans ce périple n’en parle à personne au risque d’être dissuadés. Ce n’est qu’après les drames qu’on reçoit l’information et généralement c’est à travers leur conjoint(e) ou leurs amis ou leurs colocataires que nous avons l’information. Mais pour ce drame du 30 Août nous avons pour l’instant 3 personnes identifiées dont une jeune fille de 23 ans du nom de Marie. Elle travaillait dans une usine de confection de denrées alimentaires. Il y a aussi deux autres femmes dont nous n’avons pas les noms complets. Elles exerçaient des activités commerciales.
Qu’est ce qui peut expliquer ce genre de situation ?
On peut dire que c’est à cause du manque d’emploi et d’opportunité mais parfois c’est aussi difficile de comprendre. Par exemple une fille nous a sollicités via l’association pour venir au Maroc. Comme nous le faisons pour tout le monde, toutes les informations utiles lui ont été communiquées (Conditions de vie, loyer, le type de boulot à faire). Nous avons pu lui trouver un boulot dans un restaurant Marocain ou elle était payée à 3800 dirham marocain par mois l’équivalent de 247.000 Fcfa par mois. Après un 1 an de boulot elle a disparu sans rien dire pour prendre le chemin de la mer. Jusqu’à ce jour nous n’avons aucune information d’elle. Des amies à elle nous ont fait savoir qu’elle économisait son salaire mensuel pour son projet de voyage. Pourtant le Royaume du Maroc est pays ouvert à tous avec un peuple accueillant doté d’une hospitalité légendaire. C’est un pays qui donne la chance et l’opportunité à tout le monde. Je ne dis pas que tout est facile ici.
C’est tous les jours que vous vivez ce genre de drame ?
C’est malheureux et triste de le dire mais oui. Les autorités maritimes font beaucoup d’efforts pour limiter au maximum les cas de départs mais le phénomène a la peau dure. Le mal est profond.
Qu’est-ce que vous menez comme action à votre niveau pour combattre ce phénomène ?
Nous menons des actions de campagne de sensibilisation contre ce fléau. Nous dénonçons les méthodes des passeurs. Ça aide à décourager les candidats à la traversée. A travers nos réseaux, contacts et moyens, nous arrivons à trouver parfois de l’emploi pour nos compatriotes pour leur permettre d’être indépendants financièrement.
Il y a aussi que l’immigration clandestine est aussi encouragée par des gens de foot véreux qui font rêver des jeunes avant de les abandonnés au Maroc et plusieurs autres pays maghrébins…
Il est clair que certains trouvent un boulot mais aussi que ceux qui ne trouvent rien à faire deviennent des candidats à l’immigration clandestine. Ça aussi c’est un problème.
Au niveau des femmes, il se dit que pour survivre ou avoir les moyens pour la traversée, de nombreuses ivoiriennes s’adonnent à la prostitution. Comment vous menez le combat à ce niveau en les aidants à s’insérer autrement ?
La prostitution est interdite ici avec une peine d’emprisonnement allant de 8 mois et plus. Les filles ont la possibilité de travailler dans les usines de fabrication de denrées alimentaires, ou être des gouvernantes de domicile dans les familles marocaines, travailler dans les centres d’appels ou faire du commerce. Il y a forcément quelque chose à faire pour pouvoir s’occuper. Avec l’emprisonnement de celles qui le font, nous avons bon espoir que cela va cesser définitivement.
Êtes-vous soutenus par l’état marocain et l’état de Côte d’Ivoire ?
Nous bénéficions de l’accompagnement de l’état Marocain à qui nous disons grand merci. C’est d’ailleurs, l’occasion pour moi de remercier sa Majesté le Roi Mohammed VI. Que Dieu l’assiste pour toutes les actions et bienfaits à l’égard des ressortissants des pays d’Afrique vivants au Royaume du Maroc. L’état de Côte d’Ivoire à travers notre Ambassade dirigée par son Excellence Idrissa Traoré au Maroc, fait de son mieux pour soulager ses compatriotes.
Selon vous qu’elle est la panacée pour résoudre définitivement ce problème ?
Il nous faut faire des sensibilisations profondes de proximités. Nous devons prendre d’assaut le terrain et mener une étude profonde pour analyser les faits qui conduisent à cela. Il faut aussi multiplier les actions d’intégration socio-économique à l’endroit de la jeunesse et créer un cadre d’expression et d’écoute de la jeunesse. Le bonheur n’est pas forcément en Europe. Le bonheur est partout il faut se faire confiance avoir un rêve et se donner les moyens de le réaliser.
Réalisée par Moïse N’Guessan