À quatre mois du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire, le chef de l’État Alassane Ouattara entretient le suspense sur sa candidature, malgré sa désignation officielle comme candidat du RHDP.
Dimanche 22 juin, dans son discours au stade d’Ebimpé, il a annoncé qu’il se donnait encore « quelques jours de réflexion ».
Que cache ce délai ?
Les réactions d’auditeurs, partisans comme critiques lors de l’émission appels sur l’actualité de RFI, de ce lundi 23 juin, permettent de décrypter les raisons de ce suspense.
Plusieurs intervenants, comme Armos, estiment que le président observe la scène politique avant de trancher. Il attendrait de voir « ce que l’opposition dira ou fera ». Car l’opposition, selon Armos, dénonce déjà une quatrième candidature comme anticonstitutionnelle, voire dictatoriale. En ce sens, le président jaugerait la force de contestation de ses adversaires avant de se décider, jouant la carte du recul stratégique.
Pour Armand, le président ne veut pas se précipiter : « Il faut laisser mûrir l’adversaire jusqu’à ce qu’il pourrisse pour tomber comme un fruit ». Ce silence serait donc un calcul pour ne pas offrir de prise immédiate à ses détracteurs. En gardant ses intentions floues, Ouattara garde la maîtrise du tempo politique.
D’autres voix, comme Moïse, évoquent la fragilité de la transition interne au RHDP.
Selon lui, « nos présidents ont du mal à choisir le bon moment pour passer le flambeau ». Le report de l’annonce viserait à éviter des divisions au sein du parti, car « s’il n’est pas là, chacun voudra être le leader », ce qui pourrait engendrer une lutte interne nuisible à la stabilité du RHDP.
Pour certains partisans comme Nuo, annoncer son retrait dans une ambiance de liesse aurait brisé l’élan populaire.
« S’il annonçait hier qu’il n’est pas candidat, ce serait une désolation totale pour tout un peuple », dit-il. Le suspense serait donc une manière d’éviter de refroidir l’ambiance festive d’un congrès réussi, avec un stade plein.
Certains comme Oumar pensent que seule une nouvelle candidature de Ouattara garantit la paix et la prospérité, estimant qu’« il est le seul à pouvoir incarner la paix, la prospérité, la stabilité ».
Mais d’autres, à l’image d’Eric, redoutent plutôt l’inverse : « Ce n’est pas de savoir s’il sera candidat, mais si Thiam, Gbagbo, Blé Goudé pourront l’être. Sinon, leurs partisans n’accepteront pas cette énième forfaiture. » Ainsi, le suspense maintient une tension ambivalente, entre besoin de continuité pour certains, et menace d’exclusion pour d’autres.
Enfin, plusieurs auditeurs comme Nuo affirment qu’il s’agit d’un « faux suspense », car Ouattara « a déjà choisi son candidat ». Pour eux, l’annonce ne viendra pas d’un meeting, mais « via un communiqué ». Il s’agirait alors d’une mise en scène maîtrisée, pour préparer l’opinion à une transition douce, orchestrée en interne.
Fulbert Yao